Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Martinique à lui verser les sommes de 4 583,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 5 609,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congé annuel, de 7 857,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 36 999,58 euros au titre du préjudice financier et de 8 000 euros au titre du préjudice moral, majorées des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 1700329 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le SDIS de Martinique à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, une indemnité de licenciement déterminée dans les conditions définies par les articles 45 et 46 du décret du 15 février 1988, la somme de 16 081,96 euros au titre de la perte de rémunération, sous déduction de l'indemnité de licenciement à déterminer, et la somme de 1 500 euros au titre de l'indemnité de préavis, ces sommes devant être majorées des intérêts au taux légal.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2018, le SDIS de Martinique, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 20 mars 2018 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme D... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a commis aucune faute dès lors qu'il était impossible de proposer à Mme D... un emploi équivalent à celui qu'elle occupait par le contrat annulé par le tribunal administratif de la Martinique le 10 novembre 2016 ; une proposition d'emploi a tout de même était faite à Mme D... qui l'a refusée ; l'état des effectifs démontre qu'aucun emploi équivalent n'existait au SDIS ;
- l'agent a commis une faute car elle ne pouvait ignorer l'illégalité de son contrat compte tenu de ses compétences et aurait dû en informer sa hiérarchie pour que son contrat soit retiré dans le délai de 4 mois ;
- Mme D... n'ayant pas été licenciée elle ne peut pas prétendre à une indemnité de licenciement en application de l'article 43 du décret du 15 février 1988, ni à l'indemnité de préavis ;
- de même elle n'a subi aucun préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2019, Mme D..., représentée par Me F..., conclut à la réformation du jugement du tribunal administratif de la Martinique quant au montant des préjudices et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge du SDIS de Martinique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le poste qui lui a été proposé à la suite de l'annulation de son contrat n'était pas équivalent ;
- le montant de l'indemnité de licenciement pouvait être calculé par le tribunal et doit être fixé à 4 583,30 euros ; elle a droit à l'indemnité de congé de 5 609,60 euros en application de l'article 10 de la loi n°86-83 ; elle a également droit au remboursement de pénalités de retard dans le remboursement de son prêt pour 5 000 euros ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... E...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée en qualité d'agent non-titulaire, à compter du 12 août 2014, pour une durée de trois ans, pour exercer les fonctions de responsable des ressources humaines au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Martinique. A la suite du recours d'une candidate évincée à cet emploi, le contrat conclut entre le SDIS et Mme D... a été annulé par un jugement n° 1400685 du tribunal administratif de la Martinique du 10 novembre 2016, motif pris que l'emploi ne pouvait être légalement occupé par un agent non titulaire compte tenu des candidatures de fonctionnaires titulaires qui avaient été présentées. En l'absence de réponse à la réclamation préalable formée par courrier du 13 mars 2017, Mme D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner le SDIS à lui verser les sommes de 4 583,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 5 609,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congé annuel, de 7 857,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 36 999,58 euros au titre du préjudice financier et de 8 000 euros au titre du préjudice moral. Le SDIS relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique l'a condamné à verser à Mme D... la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral, une indemnité de licenciement déterminée dans les conditions définies par les articles 45 et 46 du décret du 15 février 1988, la somme de 16 081,96 euros au titre de la perte de rémunération, sous déduction de l'indemnité de licenciement à déterminer, et la somme de 1 500 euros au titre de l'indemnité de préavis, ces sommes devant être majorées des intérêts au taux légal. Mme D... demande la réformation du même jugement en tant qu'il a limité le montant des indemnités en réparation des préjudices subis.
Sur la rupture des relations contractuelles :
2. Sauf s'il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d'un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci. Lorsque le contrat est entaché d'une irrégularité, notamment parce qu'il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d'agents dont relève l'agent contractuel en cause, l'administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuive régulièrement. Si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l'administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l'agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation. Si l'intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans les conditions précisées ci-dessus, est impossible, l'administration est tenue de le licencier.
3. Par un jugement devenu définitif n° 1400685 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de la Martinique a annulé le contrat d'engagement passé entre le SDIS de Martinique et Mme D... le 12 août 2014, dès lors que l'emploi sur lequel l'intéressée avait été recrutée ne pouvait pas être pourvu par un agent contractuel en application des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984. Il résulte également des pièces du dossier, et notamment de l'état des emplois du SDIS de Martinique produit en appel, qu'il n'existait pas d'autre emploi de niveau équivalent qui aurait pu être légalement occupé par un agent contractuel permettant à l'administration de régulariser son recrutement, dès lors que seul un autre poste de catégorie A existait et qu'il était occupé par un agent titulaire. Dans ces conditions, et en l'absence de demande de tout autre emploi par l'intéressée, le SDIS était tenu de mettre fin au contrat à durée déterminée qui le liait à Mme D..., ce qu'il a fait par un arrêté du 7 décembre 2016 qui doit être regardé comme une décision de licenciement.
Sur l'indemnisation :
4. Lorsque le juge est saisi par un agent contractuel de droit public d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait d'une décision de l'administration de mettre fin à son contrat, il lui appartient d'apprécier le préjudice effectivement subi par l'agent. Dans le cas où l'administration fait valoir, à bon droit, que le contrat de l'agent méconnaissait des dispositions qui lui étaient applicables et était, par suite, entaché d'irrégularité, une telle circonstance ne saurait, dès lors que l'administration était tenue de proposer la régularisation du contrat de l'agent, priver celui-ci de la possibilité de se prévaloir, pour établir son préjudice, des dispositions qui ont été méconnues et des clauses de son contrat qui ne sont affectées d'aucune irrégularité. Dans le cas où l'administration fait valoir à bon droit que l'agent occupait un emploi auquel un fonctionnaire pouvait seul être affecté et se trouvait ainsi dans une situation irrégulière, et que, à la date à laquelle il a été mis fin à son contrat, aucun autre emploi ne pouvait lui être proposé dans les conditions définies ci-dessus, aux fins de régularisation de sa situation, l'agent ne peut prétendre avoir subi aucun préjudice du fait de la décision de mettre fin à son contrat, mais seulement demander le bénéfice des modalités de licenciement qui lui sont applicables.
En ce qui concerne l'indemnité de licenciement :
5. Aux termes de l'article 6 du contrat conclu le 12 août 2014 entre le SDIS et Mme D..., cette dernière a droit à l'attribution d'une indemnité de licenciement " par application des dispositions de la réglementation en vigueur au moment de la rupture du contrat ". Selon l'article 43 du décret du 15 février 1988 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée à l'agent recruté pour une durée indéterminée ou à l'agent recruté pour une durée déterminée et licencié avant le terme de son contrat (...) ". L'article 45 de ce décret précise que : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. ". Enfin, aux termes de l'article 46 du même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. En cas de rupture avant son terme d'un engagement à durée déterminée, le nombre d'années pris en compte ne peut excéder le nombre des mois qui restaient à courir jusqu'au terme normal de l'engagement (...) Pour l'application de cet article, toute fraction de service égale ou supérieure à six mois sera comptée pour un an (...) ".
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du dernier bulletin de paie du mois de décembre 2016 produit par Mme D..., que la rémunération de base devant être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement, nette des cotisations de la sécurité sociale et sans y inclure ni les indemnités pour travaux supplémentaires ni les autres indemnités accessoires, s'élève à la somme de 3 108 euros. L'intéressée justifiant de moins de douze années de service, il y a lieu, en application de l'article 46 du même décret, de retenir, pour le calcul de l'indemnité, la moitié de cette rémunération de base, soit 1 554 euros. Compte tenu de ce que Mme D... justifiait de deux ans de service, l'indemnité de licenciement qui devait lui être versée s'élève à 3 108 euros.
En ce qui concerne l'indemnité de préavis :
7. Les stipulations de l'article 6 du contrat de travail de Mme D... prévoient que cette dernière a droit à un préavis d'une durée de deux mois, conformément à l'article 40 du décret susvisé du 15 février 1988. Selon l'article 40 du décret du 15 février 1988 : " L'agent recruté pour une durée indéterminée ainsi que l'agent qui, engagé par contrat à durée déterminée, est licencié avant le terme de son contrat, a droit à un préavis qui est de : (...) deux mois pour l'agent qui justifie auprès de l'autorité qui l'a recruté d'une ancienneté de services égale ou supérieure à deux ans. ". Si aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit le versement d'une " indemnité de préavis " aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, l'intéressée, qui a été privée du bénéfice du préavis contractuellement prévu, a droit à la réparation du préjudice qui en est résulté pour elle. Dès lors qu'il n'est pas établi ni même soutenu que Mme D... aurait retrouvé un emploi avant la fin de la période de deux mois suivant son licenciement, il sera fait une exacte appréciation du préjudice qu'elle a subi en fixant à 3 108 euros la somme due à ce titre par le SDIS de Martinique.
En ce qui concerne l'indemnité de congés annuels :
8. Aux termes de l'article 7 du contrat de travail de Mme D... : " Pour tout ce qui n'est pas expressément prévu par la présente convention, Mme D... est assujettie aux dispositions du décret n°88-145 du 15 février 1988 ". Selon l'article 5 du décret du 15 février 1988 : " L'agent contractuel en activité a droit (...) à un congé annuel dont la durée et les conditions d'attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires. A la fin d'un contrat à durée déterminée ou en cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, l'agent qui, du fait de l'autorité territoriale, en raison notamment de la définition du calendrier des congés annuels, n'a pu bénéficier de tout ou partie de ses congés annuels a droit à une indemnité compensatrice ".
9. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de la Martinique, si Mme D... disposait bien, à la date de son licenciement, d'un reliquat de congé de 15 jours, elle ne justifie pas avoir été privée de la possibilité de bénéficier de ces congés du fait de l'administration. Par suite, sa demande tendant à l'allocation d'une indemnité de congés annuels non pris, ne peut qu'être rejetée.
En ce qui concerne le préjudice de perte de rémunération :
10. Ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, le SDIS était tenu de licencier Mme D... dès lors qu'elle occupait un emploi dans lequel seul un fonctionnaire pouvait être affecté et se trouvait ainsi dans une situation irrégulière. Elle ne peut donc prétendre avoir subi aucun préjudice du fait de la décision de mettre fin à son contrat, mais peut seulement demander le bénéfice des modalités de licenciement qui lui sont applicables. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à demander à être indemnisée d'un préjudice correspondant à la différence entre le salaire qu'elle percevait du SDIS et les allocations de retour à l'emploi qui lui ont été accordées.
En ce qui concerne les autres préjudices :
11. D'une part, il résulte de l'instruction que le SDIS a, dès le 7 décembre 2016, pris la décision de licencier Mme D... en exécution du jugement du 10 novembre 2016 et il n'est pas démontré que le SDIS aurait tardé à engager les démarches pour faire bénéficier Mme D... des allocations de retour à l'emploi et de l'indemnité de licenciement qui lui étaient dues, l'intéressée ayant perçu ces allocations à compter du mois d'avril 2017, avec régularisation de sa situation à compter du 14 février 2017. Le SDIS n'a ainsi pas commis la faute alléguée. D'autre part, et ainsi que l'ont décidé les juges de première instance, Mme D... n'établit pas avoir subi des troubles dans les conditions d'existence sans lien avec la fin de son contrat et qu'il y aurait lieu d'indemniser.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que le SDIS versera à Mme D... une somme totale de 6 216 euros. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité que le SDIS a été condamné à verser à Mme D... par l'article 1er du jugement n° 1700329 du tribunal administratif de la Martinique du 20 mars 2018 est ramenée à la somme de 6 216 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le jugement n° 1700329 du tribunal administratif de la Martinique du 20 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours de Martinique et à Mme A... D....
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme C... E..., présidente-assesseure,
Mme Déborah de Paz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2020.
La rapporteure,
Fabienne E... Le président,
Didier ARTUS Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX02290