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08/10/2020 | FRANCE | N°20BX02028

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 octobre 2020, 20BX02028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1905439 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bo

rdeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1905439 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2019 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de résident ou, à titre subsidiaire une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en raison de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement ;

- le jugement est insuffisamment motivé quant à l'appréciation de la notion de menace à l'ordre public ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'erreur manifeste ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est en contradiction avec le jugement du 30 janvier 2019 qui impose des mesures de contrôles et des obligations particulières de soins ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée en ce qu'elle n'énonce pas clairement les éléments précis sur lesquels l'examen de la situation relative à la durée d'interdiction a été effectué ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 27 juillet 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 14 mai 2020, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né le 12 février 1996, de nationalité camerounaise, qui a déclaré être entré en France le 17 septembre 2013, a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance le 27 septembre 2013. Il a obtenu une carte de séjour portant la mention " salarié " valable du 12 avril 2016 au 11 avril 2017, renouvelée jusqu'au 3 décembre 2018. Le 26 octobre 2018, M. B... a sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 12 de l'accord franco-camerounais et, à titre subsidiaire, le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juillet 2019, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 3 du code de justice administrative : " Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ". Aux termes de l'article L. 222-1 du même code : " Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger (...) ". Aux termes de l'article R. 222-18 du même code : " Sauf lorsqu'ils relèvent d'un magistrat statuant seul, les jugements des tribunaux administratifs sont rendus par une formation de trois membres ".

3. Il ressort des mentions du jugement attaqué, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que le jugement attaqué a été rendu par une formation de trois magistrats. En se bornant à soutenir, sans apporter aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations, que seuls deux magistrats auraient délibéré sur sa demande, M. B... ne contredit pas utilement les mentions portées sur ce jugement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 222-1 et R. 222-18 précités du code de justice administrative ne peut qu'être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Pour regarder la présence de M. B... comme constituant une menace à l'ordre public, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance qu'il a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 30 janvier 2019 à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve de trois ans, pour des faits d'agression à caractère sexuel commis les 15 juin et 24 novembre 2018, et ont pris en compte la nature et la gravité de ces infractions ainsi que leur caractère répété et récent. Par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., le jugement est suffisamment motivé.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 juillet 2019 :

En ce qui concerne le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 314-3 du même code : " La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 314-10 du même code : " Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident ou la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2 ". Aux termes de l'article L. 313-3 du même code : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

7. Pour rejeter la demande de délivrance d'une carte de résident et le renouvellement de la carte de séjour temporaire, le préfet de la Gironde s'est fondé sur les antécédents judiciaires de M. B... et a estimé que la présence de l'intéressé en France constituait une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que M. B... a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 30 janvier 2019 à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve pendant trois ans pour des faits d'agression sexuelle commis les 15 juin et 24 novembre 2018. Eu égard à la gravité des faits et au caractère récent et répété des infractions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la présence de M. B... constituait une menace pour l'ordre public au sens des dispositions des articles L. 313-3 et L. 314-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les circonstances qu'il ait participé à une formation civique et qu'il justifie d'efforts d'insertion socio-professionnelle ne caractérisent pas une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.

8. La circonstance que le jugement du 30 janvier 2019 impose à M. B... des mesures de contrôle et une obligation de se soumettre à des soins ne fait pas obstacle à son éloignement.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. Pour prononcer à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet de la Gironde s'est fondé sur le fait que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public, qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun où vivent son enfant, ses parents et sa fratrie et qu'il ne justifie pas de la nature de ses liens avec la France. Contrairement à ce que soutient l'appelant la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est ainsi suffisamment motivée.

11. Il ne ressort ni de la motivation de la décision attaquée, ni d'aucune pièce du dossier que le préfet de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la présence de M. B... en France constitue une menace pour l'ordre public. S'il déclare être entré en France le 17 septembre 2013 et justifie de l'obtention de titres de séjour, il ne justifie pas avoir noué des liens personnels et familiaux d'une nature ou d'une intensité particulières en France alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son enfant, ses parents et sa fratrie. Par suite, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de la Gironde n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le rapporteur,

C...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02028 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02028
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELAS SED LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-08;20bx02028 ?
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