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08/10/2020 | FRANCE | N°18BX04125

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 octobre 2020, 18BX04125


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite du ministre de la défense rejetant son recours administratif préalable du 20 juillet 2016 devant la commission des recours des militaires contre la décision du 21 juin 2016 prononçant sa mutation au centre médical des armées de Rochefort à compter du 15 août 2016 ainsi que la décision du 28 février 2017 du ministre de la défense rejetant le recours du 20 juillet 2016, d'autre part, d'enjoindre au

ministre de la défense de la rétablir dans ses fonctions et prérogatives do...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler la décision implicite du ministre de la défense rejetant son recours administratif préalable du 20 juillet 2016 devant la commission des recours des militaires contre la décision du 21 juin 2016 prononçant sa mutation au centre médical des armées de Rochefort à compter du 15 août 2016 ainsi que la décision du 28 février 2017 du ministre de la défense rejetant le recours du 20 juillet 2016, d'autre part, d'enjoindre au ministre de la défense de la rétablir dans ses fonctions et prérogatives dont elle a été privée à la suite de la décision du 21 juin 2016 et, enfin, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence et la somme de 11 988,765 euros en réparation de son préjudice financier.

Mme A... a également demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du ministre de la défense rejetant son recours administratif préalable du 25 janvier 2017 devant la commission des recours des militaires contre la décision du ministre du 15 décembre 2016 portant inscription au tableau d'avancement au grade de médecin chef pour l'année 2017 en tant qu'elle n'y figure pas ainsi que la décision du 23 août 2017 de la ministre des armées rejetant le recours du 25 janvier 2017 et d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à son inscription au tableau d'avancement et de reconstituer en conséquence sa carrière sans délai et sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Mme A... a en outre demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du ministre de la défense née du silence gardé par celui-ci sur son recours administratif préalable obligatoire demandant le versement de la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence et la somme de 11 988,765 euros en réparation de son préjudice financier à la suite de l'ordre individuel du 21 juin 2016 prononçant sa mutation à compter du 15 août 2016.

Par un jugement n° 1602924, 1701716, 1702330 du 3 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2018, Mme A..., représentée par Me D... de la SELARL MDMH, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense a rejeté, après avis de la commission des recours des militaires, son recours à l'encontre de l'ordre de mutation individuel du 21 juin 2016 et d'annuler cet ordre de mutation ;

3°) d'annuler la décision du 23 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté, après avis de la commission des recours des militaires, son recours à l'encontre de la décision du 15 décembre 2016 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2017 et non inscription au grade de médecin en chef ;

4°) d'enjoindre, sans délai et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à la ministre des armées de l'inscrire au grade de médecin en chef au titre du tableau d'avancement 2017 et de la rétablir dans l'ensemble des fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont elle a été privée, notamment de reconstituer sa carrière en lui attribuant l'ancienneté et l'indice de solde correspondant, outre les arriérés de solde qui pourraient en découler ;

5°) de condamner l'administration à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral et de ses troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ainsi que la somme de 11 988,765 euros, à parfaire, au titre de la réparation de son préjudice financier ;

6°) de condamner l'administration au versement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas opéré un contrôle de la légalité de la notion d'intérêt du service et ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- la mutation anticipée est intervenue dans un contexte de harcèlement moral imposé par son supérieur hiérarchique et la dénonciation des faits de harcèlement moral constitue le fait générateur de cette mutation en méconnaissance de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense ;

- l'ordre de mutation révèle un détournement de pouvoir dès lors que cet ordre n'a été délivré que pour couvrir et mettre un terme à une situation de harcèlement moral et caractérise une sanction disciplinaire déguisée ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le sous-effectif des médecins de l'antenne de Poitiers était une donnée constante et ne justifiait pas son retour anticipé ; par suite l'intérêt du service ne justifiait pas la mutation contestée ;

- il en est de même de son état de santé ;

- ces circonstances caractérisent une faute de l'administration ; elle doit donc obtenir réparation de ses préjudices ;

- elle a subi des préjudices financiers constitués par une perte de solde, une perte de points de bonification pour le calcul de sa retraire, des coûts de déménagement et des frais de déplacements supplémentaires ainsi qu'un préjudice moral, son conjoint étant resté à Dakar, et des troubles dans ses conditions d'existence en lien direct avec la mutation anticipée ;

- la décision de ne pas l'inscrire au tableau d'avancement 2017 est entachée de détournement de pouvoir ;

- sa notation a été transmise postérieurement à l'échéance fixée ce qui n'a pas permis d'étudier son dossier dans le cadre de l'élaboration du tableau d'avancement 2017 et en lui fixant des objectifs pour le 15 avril 2016 son supérieur hiérarchique décidait de l'évincer d'une chance d'être inscrite à ce tableau d'avancement ; aucune pièce ne démontre la réalité du passage en commission d'avancement de son dossier ;

- la communication tardive de sa notation ainsi que plusieurs autres faits sont constitutifs de l'infraction de harcèlement moral dont elle a été victime au cours de son affectation à Dakar ;

- sa non inscription au tableau d'avancement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa carrière et de ses mérites ;

- l'administration n'apporte pas la preuve que son dossier a bien été étudié dans le cadre des travaux d'avancement et ne produit pas de documents permettant de vérifier le classement.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-933 du 12 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B... ;

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été affectée, le 4 décembre 2013, au centre médical interarmées des éléments français au Sénégal à Dakar, en qualité de médecin-chef adjoint de ce centre, pour une durée de trois ans. Ses demandes de prolongation de son séjour au Sénégal, effectuées les 3 mars et 26 août 2015, ayant été rejetées, elle a été affectée, par un ordre de mutation individuel du 10 février 2016, en qualité de médecin adjoint du centre médical interarmées de Rochefort-Cognac et de médecin adjoint de l'antenne médicale de Poitiers Ladmirault, avec une prise d'effet au 1er novembre 2016. Puis, par un ordre de mutation individuel du 21 juin 2016, annulant et remplaçant l'ordre daté du 10 février 2016, la date de prise d'effet de sa mutation a été fixée au 15 août 2016. Elle a alors demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la défense avait rejeté son recours dirigée contre l'arrêté portant mutation du 21 juin 2016 et de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté. Par ailleurs Mme A... a également demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 23 août 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 décembre 2016 portant inscription au tableau d'avancement pour l'année 2017 en tant qu'elle ne figure pas sur ce tableau et n'a pas fait l'objet d'un avancement au grade supérieur. Mme A... relève appel du jugement du 3 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Potiers a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la mutation :

2. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 28 février 2017, prise après avis de la commission des recours des militaires, le ministre de la défense a rejeté le recours formé par Mme A... contre l'arrêté portant ordre de mutation individuel du 21 juin 2016. Par suite, cette décision s'étant entièrement substituée à la décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire exercé par l'intéressée, les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision implicite doivent être regardées, comme l'a jugé le tribunal, comme dirigées contre la décision du 28 février 2017.

3. Aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. / Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires (...) ". Aux termes de l'article L. 4123-10-2 du même code : " Aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un militaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral mentionnés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements 3° Ou le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés ;(...) ".

4. Pour rejeter, par sa décision du 28 février 2017, le recours formé par Mme A... contre l'ordre de mutation du 21 juin 2016, le ministre de la défense a considéré que cet ordre de mutation avait été pris dans l'intérêt du service compte tenu des besoins en médecins de l'antenne médicale de Poitiers Ladmirault, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que cette mutation procèderait d'une volonté de nuire à l'intéressée et que le harcèlement moral dont elle soutenait être victime n'était pas établi.

5. Pour caractériser les faits de harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime, Mme A... fait état tout d'abord d'une attitude intrusive à son encontre de la part du médecin-chef nommée sur la base de Dakar à compter du mois de juillet 2015, constituée, selon elle, par les circonstances que cette dernière lui demandait de valider tout changement de planning, qu'elle exigeait de sa part l'accomplissement de lourdes tâches dans des délais très réduits et qu'elle l'a interrogée, le 13 avril 2016, sur les missions qui lui avaient été confiées au mois de janvier 2016 dans le cadre des objectifs qui lui avaient été assignés alors que l'échéance prévue était le 15 avril 2016. Mme A... invoque également des perturbations dans la gestion administrative de son dossier, constituées, selon elle, par de multiples modifications d'autorisation de permissions, une transmission tardive de sa notation de l'année 2015, une fixation tardive des objectifs de l'année 2016 et les appréciations portées sur ses aptitudes pour l'année 2016. Enfin Mme A... fait état d'une mise à l'écart par rapport aux autres membres du centre médical et d'une dévalorisation de son autorité et de ses compétences ainsi que d'une tentative de " psychiatrisation " de son état de santé, constituées, selon elle, par les circonstances qu'elle a été convoquée pour un entretien préliminaire à sa notation en présence d'un subalterne, alors qu'un tel entretien n'est plus obligatoire pour les personnels officiers et qu'elle avait déjà été convoquée la veille en présence de témoin et qu'au cours de cet entretien le médecin-chef se serait montrée véhémente à son égard, et que le médecin chef aurait modifié l'appréciation de l'item " P " du tableau " SIGYCOP " figurant sur le compte-rendu de visite médical. Toutefois, les faits qu'elle relate ne sont pas susceptibles, eu égard à leur nature et à leur fréquence et compte tenu des documents qu'elle produit, notamment les messages qui lui ont été adressés par son supérieur hiérarchique qui ne dénotent aucune agressivité ou animosité et ne comportent aucune demande excessive ou sans lien avec les fonctions de l'intéressée, de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Par ailleurs, le courrier rédigé le 5 mars 2019 par le médecin général des armées, qui ne fait que relater des faits qui lui ont été exposés sans les avoir constatés lui-même, n'est pas de nature à tenir pour établi que le médecin-chef aurait eu à l'égard de Mme A... un comportement particulier traduisant un harcèlement moral ou une attitude de discrimination et Mme A... ne produit aucun témoignage de tiers constatant de tels comportement ou attitude. Il en est de même de la circonstance que, par une décision du 26 juin 2018, la ministre des armées a agréé sa demande de protection fonctionnelle dans le cadre de la plainte qu'elle a déposé à l'encontre de son ancien supérieur.

6. Si Mme A... a adressé, au cours des mois d'avril et de mai 2016, plusieurs courriels au médecin général inspecteur pour l'informer de divers agissements de son supérieur hiérarchique qu'elle estimait constitutifs de discrimination, de brimades et de harcèlement moral à son encontre, il ne ressort ni de la note du 25 août 2016, rédigée par le chef du bureau " gestion des ressources militaires " du service de santé des armées du ministère de la défense, ni des autres pièces du dossier que ces signalements seraient la cause directe de la modification, qui ne concerne que quelques semaines, de la date de prise d'effet de sa mutation. Si cette note indique que le général commandant des éléments français du Sénégal a demandé de mettre un terme au plus vite à la mission du médecin principal Emilie A..., il ressort de ladite note que cette demande a été motivée par " le bien du service et l'intérêt du médecin principal Emilie A... ".

7. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que l'ordre de mutation contesté du 21 juin 2016 ne peut être regardé comme pris en considération du fait que Mme A... ait subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ou qu'elle ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique visant à faire cesser de tels agissements ou encore qu'elle ait relaté de tels agissements. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense doit être écarté.

8. Par ailleurs, il est constant que l'affectation de Mme A... au centre médical interarmées de Dakar était prévue pour une durée de trois ans et devait donc s'achever au cours de l'année 2016. Ses demandes de prolongation de son séjour au Sénégal jusqu'à l'été 2017 ont été rejetées dès le mois de décembre 2015 à la suite d'échanges dans le cadre des travaux du plan de mutation annuel 2016, compte tenu des contraintes de gestion du service qui lui ont été exposées par un courriel du 22 décembre 2015. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la note du 25 août 2016 citée ci-dessus, que la date du 1er novembre 2016, initialement prévue pour la prise d'effet de la mutation de Mme A... au centre médical interarmées de Rochefort-Cognac, résultait d'un compromis pour répondre aux souhaits de Mme A... de prolonger son séjour au Sénégal bien que son remplaçant était affecté à Dakar dès le 15 août 2016 et que l'antenne médicale de Poitiers étaient en sous-effectif. Par suite, la décision contestée, avançant du 1er novembre au 15 août 2016 la date de prise d'effet de cette mutation dans un contexte de mésentente entre Mme A... et sa supérieure hiérarchique, était justifiée par l'intérêt du service, notamment par la nécessité de prendre en compte cette situation ainsi que par le souci d'éviter un sureffectif à Dakar entre le 15 août et le 31 octobre 2016 et de répondre aux besoins de l'antenne médiale de Poitiers, alors même que la situation de sous-effectif de cette antenne aurait été une " donnée constante " comme l'affirme la requérante. La circonstance que Mme A... était en cours de validation d'une capacité en médecine tropicale et qu'elle pouvait être, ainsi, un atout pour le centre médical interarmées de Dakar ne suffit pas pour considérer que la modification de quelques semaines de la date de prise d'effet de sa mutation vers Poitiers serait intervenue en méconnaissance de l'intérêt du service. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la pathologie dont souffre Mme A... a été prise en compte dans le cadre de sa mutation. Par suite, alors même que Mme A... présente des qualités professionnelles certaines, la décision contestée ne peut être regardée comme étant entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et ce moyen doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'ordre de mutation litigieux, qui était justifié par l'intérêt du service et qui n'a pas entraîné une dégradation de la situation professionnelle de Mme A..., ne révèle nullement une volonté de la sanctionner. Dès lors, la mutation contestée ne peut être regardée comme constitutive d'une sanction déguisée.

10. Contrairement à ce que soutient Mme A..., l'ordre de mutation du 21 juin 2016, qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, était justifié par l'intérêt du service dans un contexte de mésentente entre Mme A... et son supérieur hiérarchique, n'est pas intervenu dans le but de " mettre un terme à une situation de harcèlement moral ". Dès lors, la circonstance que la mesure de mutation dont il s'agit prévoit une date d'effet anticipée de quelques semaines par rapport à la date initialement prévue ne peut être regardée comme caractérisant un détournement de pouvoir. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. Enfin Mme A... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée, la circonstance que la mesure de mutation dont il s'agit serait contraire à ses intérêts personnels et professionnels ni un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 mai 2018 qui concerne une affaire distincte.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du ministre de la défense du 28 février 2017.

En ce qui concerne le tableau d'avancement 2017 :

13. Aux termes de l'article L. 4136-1 du code de la défense : " (...) / L'avancement de grade a lieu soit au choix, soit au choix et à l'ancienneté, soit à l'ancienneté. Sauf action d'éclat ou services exceptionnels, les promotions ont lieu de façon continue de grade à grade et nul ne peut être promu à un grade s'il ne compte dans le grade inférieur un minimum de durée de service, fixé par voie réglementaire ". Aux termes de l'article L. 4136-3 du même code : " Nul ne peut être promu au choix à un grade autre que ceux d'officiers généraux s'il n'est inscrit sur un tableau d'avancement établi, au moins une fois par an, par corps. / Une commission dont les membres, d'un grade supérieur à celui des intéressés, sont désignés par le ministre de la défense, présente à ce dernier tous les éléments d'appréciation nécessaires, notamment l'ordre de préférence et les notations données aux candidats par leurs supérieurs hiérarchiques. / (...) / Sous réserve des nécessités du service, les promotions ont lieu dans l'ordre du tableau d'avancement (...) ". Enfin aux termes de l'article 35 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier des praticiens des armées : " Les promotions aux grades de médecin, pharmacien, vétérinaire ou chirurgien-dentiste en chef ont lieu au choix, (...) ".

14. Pour rejeter, par sa décision du 23 août 2017, le recours formé par Mme A... contre la décision portant inscription au tableau d'avancement établi pour l'année 2017 en tant qu'elle ne l'a pas inscrite au grade de médecin en chef, la ministre des armées a considéré que cette décision était intervenue à l'issue d'une procédure régulière, qu'elle n'était entachée ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit et qu'elle n'avait pas été prise en considération de motifs étrangers à l'appréciation des mérites de Mme A... et de la qualité de ses services.

15. Il est constant que Mme A... remplissait les conditions d'ancienneté dans le grade de médecin principal fixé par les dispositions de l'article 33 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier des praticiens des armées pour pouvoir être promue au grade de médecin en chef. Par suite, la commission prévue à l'article L. 4136-3 du code de la défense cité ci-dessus, a nécessairement examiné sa situation ainsi que celle de tous les militaires remplissant lesdites conditions. Par ailleurs, à supposer même que la notation de Mme A... établie au titre de l'année 2016 aurait été envoyée à la direction centrale du service des armées quelques jours après le 15 avril 2016, date indiquée dans la circulaire relative à la notation en 2016 et au travail préparatoire à la notation 2017, il ressort des pièces du dossier que la commission mentionnée à l'article L. 4136-3 du code de la défense s'est réunie le 15 octobre 2016. Par suite, la commission a bien disposé de la notation de Mme A... pour l'année 2016 lors de l'examen de l'ensemble des candidatures au grade de médecin en chef. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'effectuer la mesure d'instruction sollicitée, les moyens tirés de ce que la candidature de Mme A... n'aurait pas été étudiée dans le cadre des travaux du tableau d'avancement 2017 et de l'erreur de fait dont serait entaché ce tableau doivent être écartés.

16. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucun des faits relatés par Mme A... ne permet de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard de la part de son supérieur hiérarchique. La circonstance que la notation de Mme A... établie au titre de l'année 2016 aurait été envoyée à la direction centrale du service des armées quelques jours après le 15 avril 2016 n'étant pas davantage de nature à permettre de reconnaître l'existence d'un tel harcèlement. Par suite, les éléments ainsi invoqués par Mme A... ne sont pas de nature à caractériser le détournement de pouvoir qu'elle invoque.

17. Enfin, si Mme A... fait valoir qu'elle a toujours assumé les contraintes du métier de militaire et si elle se prévaut de ses notations élogieuses traduisant ses hautes qualités morales, intellectuelles et professionnelles ainsi que des diplômes et des décorations qu'elle a obtenus, ces éléments ne lui confèrent aucun droit à un avancement de grade, compte tenu des pouvoirs d'appréciation reconnus au ministre. Par ailleurs Mme A... ne conteste pas l'appréciation des mérites des cinquante-neuf candidats inscrits pour le grade de médecin en chef sur le tableau d'avancement établi pour l'année 2017. Par suite, sans qu'il soit besoin d'effectuer la mesure d'instruction sollicitée, ce tableau d'avancement ne peut être regardé comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, la circonstance que le dernier médecin promu figurait derrière Mme A... sur le classement annuel n'étant pas suffisante pour caractériser une telle erreur dès lors que ce classement n'est pas le seul élément pris en compte dans le cadre du processus d'avancement des officiers des armées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision de la ministre des armées du 23 août 2017.

Sur les conclusions indemnitaires :

19. Aucun des moyens invoqués par Mme A... à l'encontre de la décision du ministre de la défense du 28 février 2017 n'étant fondé, la responsabilité de l'Etat n'est donc pas engagée à l'égard de Mme A... du fait de la prétendue illégalité de cette décision. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requérante dirigées contre la décision par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours formé contre le tableau d'avancement 2017 en tant qu'il ne l'a pas inscrite au grade de médecin en chef, n'implique pas une telle inscription. Par suite, les conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre des armées de l'inscrire au grade de médecin en chef au titre du tableau d'avancement 2017 et de reconstituer sa carrière pour tenir compte d'un tel avancement doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... B..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne B...

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 18BX04125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04125
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Positions.

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-08;18bx04125 ?
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