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29/09/2020 | FRANCE | N°20BX01685

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 20BX01685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... F... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1901640 du 15 avril 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2020, Mme C... A... F..., représentée par Me

D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1901640 du tribunal administratif de La Réuni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... F... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1901640 du 15 avril 2020, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2020, Mme C... A... F..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1901640 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'absence de prise en charge de sa maladie n'entraînerait pas pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; elle souffre d'un ganglioneurome qui a nécessité son hospitalisation ; les suites de l'opération ont été difficiles pour elle ; elle présente une mobilité réduite et a besoin de l'assistance d'une tierce personne ; il n'existe pas aux Comores de traitement adapté à sa pathologie ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas tenu compte du fait qu'elle est mère de deux enfants de nationalité française ; ces derniers vivent en métropole où ils sont scolarisés ; ils sont logés chez son frère car elle n'a pu s'en occuper compte tenu de son état de santé ; elle vit néanmoins avec ses enfants et les prend en charge depuis le mois d'octobre 2019 ;

- la décision a méconnu l'intérêt supérieur des enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; ses enfants n'ont aucune attache particulière aux Comores ; ils n'y sont pas nés et possèdent la nationalité française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2020, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.

Il s'en réfère à ses écritures de première instance.

Mme A... F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... F... est une ressortissante comorienne née le 24 mai 1975 qui est entrée sur le territoire français, à Mayotte, au mois de janvier 2018 accompagnée de ses deux enfants mineurs. Elle a obtenu la délivrance d'un titre de séjour valable à Mayotte du 17 septembre 2018 au 16 septembre 2019. Arrivée à La Réunion au mois de mars 2019 sous couvert d'un visa de court séjour, elle a sollicité le 9 juillet 2019 la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 novembre 2019, le préfet de La Réunion a rejeté la demande de titre de séjour de Mme A... F..., a obligé cette dernière à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de retour. Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 novembre 2019. Elle relève appel du jugement rendu le 15 avril 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté en litige :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... F... est mère de deux enfants nés le 22 décembre 2014 et le 23 mai 2016 qui possèdent tous les deux la nationalité française. Si, à la date de la décision attaquée, Mme A... F... était séparée géographiquement de ses enfants, qui étaient pris en charge par son frère en métropole, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'était simplement pas en mesure de s'en occuper en raison de problèmes de santé ayant nécessité son hospitalisation pendant plusieurs semaines puis une période de convalescence. La décision en litige a pour effet de séparer Mme A... F... de ses deux jeunes enfants lesquels ont vocation à rester sur le territoire français compte tenu de leur nationalité française. Il n'est pas contesté, par ailleurs, que depuis la fin de sa convalescence, Mme A... F... est en mesure de s'occuper de ses enfants qui l'avaient accompagnée lors de son arrivée sur le territoire français. Par suite, en prenant l'arrêté en litige, le préfet a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cet arrêté a été pris. Dès lors, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet de La Réunion a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Ainsi qu'il vient d'être dit, les deux jeunes enfants de la requérante possèdent la nationalité française. Il ressort des pièces du dossier qu'ils sont scolarisés sur le territoire français en école maternelle. Ils ne sont pas nés aux Comores, territoire dans lequel ils ne possèdent aucune attache particulière. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté en litige, qui a pour conséquence soit de séparer les enfants de leur mère, soit de les contraindre à vivre aux Comores en compagnie de cette dernière, le préfet a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale qui protègent l'intérêt supérieur des enfants.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion, a rejeté sa demande. Ce jugement doit, dès lors, être annulé ainsi que l'arrêté préfectoral du 4 novembre 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

8. Eu égard au motif d'annulation retenu au présent arrêt, il y a lieu de prescrire au préfet de La Réunion de délivrer à Mme A... F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

9. Mme A... F... a obtenu l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D..., avocat de la requérante, de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce versement emportant, conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1901640 du tribunal administratif de La Réunion du 15 avril 2020 et l'arrêté préfectoral du 4 novembre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet de La Réunion de délivrer à Mme A... F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... F..., au ministre de l'intérieur, à Me D... et au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. E... B..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric B...

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX01685


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01685
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : BAUTRANT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-29;20bx01685 ?
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