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29/09/2020 | FRANCE | N°20BX01662

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 20BX01662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2001168 du 4 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et u

n mémoire, enregistrés le 13 mai 2020 et le 24 août 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet du Tarn lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 2001168 du 4 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mai 2020 et le 24 août 2020, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mars 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés susmentionnés du préfet du Tarn du 27 février 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

- elle est insuffisamment motivée en fait et en droit à défaut de mention de la convention franco-béninoise du 28 novembre 2007 ;

- le préfet n'a pas examiné sérieusement sa situation et notamment n'a pas fait usage de la faculté dont il dispose de régulariser sa situation ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le refus d'octroi de délai de départ volontaire :

- il est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est insuffisamment motivée en l'absence de visa du procès-verbal d'audition ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le premier juge n'a en outre pas statué sur la légalité des décisions portant obligation de se présenter au commissariat de police, de remise de son passeport et d'interdiction de sortir du département.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2020, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par décision du 24 septembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin, signé à Cotonou le 28 novembre 2007 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- et les observations de Me F..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant béninois né le 24 novembre 1996 à Zogbodomey (Bénin), déclare être entré en France le 8 novembre 2019. Par deux arrêtés du 27 février 2020, le préfet du Tarn, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés du 27 février 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que les mesures portant obligation de se présenter au commissariat de police de Castres, de remise de son passeport et d'interdiction de sortie du département constituent les modalités pratiques d'application de l'arrêté d'assignation à résidence, prévues par les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquelles renvoient celles de l'article L. 561-2 du même code. Par suite, en estimant que l'arrêté portant assignation à résidence n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation, le premier juge a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant ces mesures.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I -. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :/ 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

4. La décision attaquée après avoir mentionné le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment l'article L. 511-1 I 1° et 2° et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, énonce qu'il a été procédé à l'examen de la situation de M. B..., que l'intéressé a déclaré être entré sur le territoire français le 8 novembre 2019 à l'âge de 23 ans, sous couvert d'un visa de 13 jours, et s'y est maintenu depuis irrégulièrement sans solliciter sa régularisation, et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il n'est ainsi pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, quand bien même l'arrêté ne vise pas l'accord franco-béninois du 28 novembre 2007 qui ne régit pas l'éloignement des ressortissants des deux Etats parties en dehors du bénéfice de l'aide au retour volontaire et renvoie à une concertation sur les modalités d'application de la législation nationale concernant l'admission exceptionnelle au séjour, le moyen tiré du défaut de motivation en droit et en fait doit être écarté. En outre cette motivation révèle que le préfet du Tarn a procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

5. En second lieu, ainsi que l'a rappelé le premier juge, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France très récemment, est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas d'attaches familiales en France. S'il produit au dossier des documents établissant qu'il cherche à s'engager dans la légion étrangère à laquelle appartient M. C..., avec lequel il n'établit d'ailleurs pas son lien de parenté, et a échoué de peu aux tests d'entrée au cours du mois de janvier 2020, ainsi que des attestations de l'association " Ensemble " faisant état de ce qu'il est bénévole à l'action parentalité d'accompagnement scolaire, ces éléments ne sont pas suffisants pour estimer qu'en adoptant à son encontre une obligation de quitter le territoire français et en s'abstenant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, le préfet du Tarn aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...)

h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".

7. La décision en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. L'arrêté vise notamment les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. B..., en particulier les b) et h) du 3° du II de l'article L. 511-1. L'arrêté précise les conditions de son entrée et de son séjour en France et le fait qu'il n'a pas sollicité la régularisation de sa situation plus de deux mois après l'expiration de son visa et qu'il a clairement indiqué sa volonté de rester en France. Par suite la décision est suffisamment motivée.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes du treizième alinéa de l'article L. 561-1 du même code : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".

9. L'arrêté en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il vise notamment l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que M. B... possède un passeport et un domicile et que son éloignement demeure une perspective raisonnable. Dans ces conditions, la décision l'assignant à résidence est suffisamment motivée.

10. En second lieu, M. B..., célibataire et sans charge de famille, s'est maintenu sur le territoire à l'expiration de son visa sans solliciter la régularisation de sa situation et a indiqué vouloir se maintenir en France. Dans ces conditions, en prenant à son encontre une mesure d'assignation à résidence, comportant obligation de présentation au commissariat de police de Castres une fois par jour, du lundi au vendredi, et obligation de remettre son passeport, le préfet n'a pas fait une application erronée des dispositions précitées.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme D... E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

Caroline E...

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01662
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-29;20bx01662 ?
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