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29/09/2020 | FRANCE | N°18BX02980

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 29 septembre 2020, 18BX02980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée F... et fils a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la commune de La Réole et le département de la Gironde à lui verser la somme totale de 173 562 euros en réparation des préjudices résultant pour elle des fermetures à la circulation de la route départementale n° 670 entre le 16 décembre 2014 et le 30 juin 2016.

Par un jugement n° 1604917 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné solidairement le

département de la Gironde et la commune de La Réole à verser à la société F... et fils...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée F... et fils a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la commune de La Réole et le département de la Gironde à lui verser la somme totale de 173 562 euros en réparation des préjudices résultant pour elle des fermetures à la circulation de la route départementale n° 670 entre le 16 décembre 2014 et le 30 juin 2016.

Par un jugement n° 1604917 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné solidairement le département de la Gironde et la commune de La Réole à verser à la société F... et fils la somme de 5 000 euros et a condamné le département de la Gironde à garantir la commune à hauteur de 80 % de cette condamnation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2018 et le 3 août 2020, le département de la Gironde, représenté par Me H..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mai 2018 en ce qu'il retient sa responsabilité sans faute et le condamne, d'une part, à verser solidairement avec la commune de La Réole à la société F... et fils la somme de 5 000 euros, d'autre part, à garantir la commune de La Réole à hauteur de 80% de la condamnation prononcée, enfin met à sa charge solidairement avec la commune de La Réole la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes, ainsi que les appels incidents de la société F... et fils et de la commune de La Réole ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société immobilière des Mousquetaires et la régie multi-services de La Réole à le garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

5°) de condamner la société F... et fils et la commune de La Réole à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les travaux réalisés sur la chaussée ayant donné lieu à des restrictions de circulation sur la voie ont pour cause la rupture d'une canalisation en 2014, propriété de la régie des eaux de la commune de la Réole, dont l'entretien incombe à la commune ; il ne peut donc être tenu pour responsable des désordres engendrés par la rupture de cette canalisation qui a fragilisé la chaussée et a entraîné à terme l'effondrement d'une partie de la route départementale en 2015 et 2016 ;

- les gênes induites par ces travaux n'ont pas excédé les sujétions normales qui peuvent être imposées aux riverains dans l'intérêt de l'ouvrage, et ne peuvent donner lieu à réparation ;

- la limitation de la circulation sur la RD n° 670 concernait uniquement des zones limitées situées en aval du garage et intéressant principalement le supermarché Netto ; le garage F... et Fils est resté accessible depuis le rondpoint de " l'Entre Deux Mers ", situé en amont du garage, soit par l'avenue François Mitterrand, soit par le chemin de Blasignon ; ces interventions n'ont pas donné lieu à la fermeture de l'accès à l'entreprise, les clients pouvant accéder à la station par une autre voie à compter du 13 février 2016 ; sa responsabilité ne saurait être retenue ;

- la société F... et fils, située à plus de deux cents mètres en amont de la route effondrée ne peut davantage se prévaloir d'un préjudice spécifique grave et anormal ayant pour cause déterminante la fermeture de la route départementale n° 670 à la circulation, alors que l'entreprise de contrôle technique automobile située à environ soixante-dix mètres en aval du lieu du sinistre n'a jamais fait valoir un quelconque préjudice économique, pas plus que l'entreprise Netto pourtant directement concernée par l'effondrement partiel de la route départementale ;

- si la société prétend avoir subi une perte de chiffre d'affaires liée à la baisse du volume de vente de carburant, elle ne produit que l'évolution de son chiffre d'affaires global, sans distinguer la part du chiffre d'affaires relevant de la vente de carburant de celle relevant des autres activités ;

- par ailleurs, l'évolution du chiffre d'affaires de la société n'est pas linéaire sur les exercices 2004 à 2015, et celle du bénéfice n'est pas en relation directe ;

- la recherche d'une perte de bénéfice éventuelle doit s'effectuer sur l'ensemble de l'activité de l'entreprise F... et Fils, en comparant les bénéfices de l'entreprise réalisés en 2014, soit 1 825 euros, avec ceux réalisés durant les six premiers mois de l'année 2016, soit 15 635 euros et non par le mode de calcul retenu par les premiers juges qui utilisent la différence entre la moyenne mensuelle des bénéfices de 2014, estimée à 3 295,98 euros, et celle de 2016 estimée à 2 213,23 euros soit une perte de 1 082,75 euros au titre de la vente des carburants ;

- le caractère anormal et spécial du préjudice subi par la société n'est ainsi pas démontré, pas plus que le lien de causalité entre cette baisse et la réalisation des travaux par le département de la Gironde ;

- la baisse du volume de vente de carburant peut tout aussi bien être due à une politique tarifaire pratiquée par l'entreprise par rapport à ses deux concurrents situés sur le territoire de la commune de La Réole ;

- le rapport de l'expert présente des conclusions en contradiction avec les propres constatations de l'expert et des sapiteurs qui l'ont accompagné ; comme le relève l'expert, plusieurs facteurs sont en effet à l'origine des désordres sur la voie dont principalement la saturation des sols ; en outre la rupture de canalisation en décembre 2014 est manifestement l'évènement à l'origine des désordres ;

- l'expert a reconnu la responsabilité de la commune de La Réole en considérant que le maintien de la circulation des véhicules légers sur la demi-chaussée a été un phénomène aggravant des premiers désordres apparus en décembre 2014 ; le rapport reconnaît par ailleurs la responsabilité de la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires, en tant que maître de l'ouvrage propriétaire, qui a réalisé un talus en contrebas de la voie non conforme aux règles de l'art et ayant contribué aux désordres ; la commune de La Réole ne saurait s'exonérer d'une responsabilité reconnue dans le rapport et le département ne peut être tenu pour responsable de la situation ;

- à titre subsidiaire, le taux de 80 % à la charge du département apparait disproportionné et sans commune mesure avec la responsabilité réelle de la commune de La Réole ;

- il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise afin de hiérarchiser les différentes responsabilités impliquées et, le cas échéant, de condamner la SCI des Mousquetaires, propriétaire du talus s'étant effondré, et la régie multi-services de La Réole, en charge de la canalisation ayant cédé, à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, la société F... et fils, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la commune de La Réole et de la SMACL et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mai 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département de la Gironde et de la commune de La Réole à réparer son préjudice pour la période du 16 décembre 2014 au 13 février 2016 et en tant qu'il a sous-évalué son préjudice pour la période du 13 février 2016 au 30 juin 2015 ;

2°) de condamner solidairement la commune de La Réole et le département de la Gironde à lui verser la somme de 173 562 euros en réparation des préjudices subis du fait de la fermeture à la circulation de la route départementale n° 670 et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit la désignation d'un expert afin de déterminer l'étendue des préjudices qu'elle a subis du fait de la fermeture de la route départementale n° 670 aux poids lourds du mois de décembre 2014 au mois de février 2016 et de la fermeture de cette voie à tout véhicule du 13 février 2016 au 20 juin 2016 ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de La Réole et du département de la Gironde les dépens, ainsi que le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité sans faute du département de la Gironde est engagée en sa qualité de maître d'ouvrage, gestionnaire de la route départementale n° 670 à l'égard des tiers à l'ouvrage public ; l'interdiction faite aux poids lourds de circuler sur la RD n°670 à compter de décembre 2014 et la mise en place d'une circulation alternée pour les véhicules légers sur cette voie est directement liée aux dégradations de cette voie ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les gênes qu'elle a subies du fait de l'interdiction de l'accès à son établissement pour les poids lourds pour la période courant du 16 décembre 2014 au 13 février 2016 n'ont pas excédé les inconvénients que sont normalement tenus de supporter sans indemnité les riverains de la voie publique ; cette interdiction a engendré une diminution très importante de la fréquentation du commerce qu'elle gérait, auquel les poids lourds ne pouvaient plus accéder, tandis que les difficultés de circulation engendrées par la mise en place d'une circulation alternée pour les véhicules légers ont dissuadé bon nombre d'usagers d'emprunter cette route ou de s'arrêter au sein de son établissement ; l'examen du tableau de ses ventes de carburants pour les années 2013 à 2016 démontre qu'elle a subi une baisse importante de sa fréquentation à partir de décembre 2014 ; cette baisse a été constatée tant en ce qui concerne les possesseurs de la carte Grand Routier (GR) que les autres consommateurs (HGR) ; pour la seule année 2015, les ventes totales de carburant de la société F... sont de 19 % inférieures à celles réalisées en 2013 ; il ressort également de l'attestation établie par l'expert-comptable que le chiffre d'affaires hors taxes de la société a considérablement diminué pour l'exercice 2014/2015, en comparaison des exercices 2012/2013 et 2013/2014 ;

- l'affaissement de la route qui a conduit à l'édiction de cette interdiction de circulation aux poids lourds et à la mise en place d'une circulation alternée pour les véhicules légers n'était nullement un évènement prévisible dont M. F... aurait dû tenir compte dans la gestion normale de sa société ;

- c'est à raison que les premiers juges ont reconnu qu'elle a subi pour la période à compter du 13 février 2016 un préjudice excédant les sujétions normales qui peuvent être imposées sans indemnité aux riverains dans l'intérêt des voies publiques ;

- le département de la Gironde, en sa qualité de propriétaire de la voie et de maître d'ouvrage des travaux est responsable à l'égard des tiers, à charge pour lui de se retourner le cas échéant contre l'entreprise ou la personne publique responsable du dommage ;

- contrairement à ce que soutient le département de la Gironde, il ressort de l'arrêté du maire de La Réole du 13 février 2016 que sur la route départementale n° 670 " La circulation sera fermée à tous véhicules à l'exception des engins des services municipaux et des engins de chantier nécessaires aux travaux à mettre en oeuvre " ; si une déviation a été mise en place par le chemin de Blasignon, celle-ci était interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes, comme cela ressort tant de l'arrêté municipal que du constat d'huissier produit par la société, alors qu'au demeurant ce chemin était impraticable pour les poids-lourds ;

- il ressort du constat d'huissier que l'accès à la station-service par le chemin de Blasignon était également beaucoup moins aisé pour les véhicules légers compte tenu de la configuration des lieux ;

- la diminution de vente de carburants est en lien direct avec les travaux effectués sur la route départementale n° 670 ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu la responsabilité de la commune de La Réole pour rupture d'égalité devant les charges publiques au titre des restrictions de circulation pour la période du 16 décembre 2014 au 13 février 2016 résultant de l'arrêté du 16 décembre 2014 ; cet arrêté a empêché les poids lourds de venir s'approvisionner en carburant au sein de la station-service, alors qu'il s'agit de son activité principale ; cette interdiction a perduré au-delà du 30 juin 2015 ; la fréquentation générale de la station-service a été affectée compte tenu des difficultés d'accès pour les véhicules légers, générées par la mise en place d'une circulation alternée ;

- c'est à juste titre que les premiers juges ont reconnu que l'application de l'arrêté du maire de La Réole du 13 février 2016 interdisant la circulation de tous les véhicules sur cette même voie a provoqué une diminution importante de la vente de carburant de la station-service qu'elle exploitait, que le dommage résultant pour elle de cette mesure excédait dès lors les aléas que comporte nécessairement l'exploitation de la station-service et qu'elle était par suite fondée à solliciter la condamnation de la commune de La Réole à l'indemniser des préjudices subis du fait de l' édiction de l'arrêté du 13 février 2016 du maire de la commune ; toutefois les premiers juges ont sous-évalué le préjudice qu'elle a subi ; en prenant en compte ses résultats au 30 septembre 2016, elle évalue son préjudice économique à la somme de 168 562 euros ; elle a rencontré des difficultés importantes pour trouver un repreneur de son fonds de commerce dès lors que la circulation sur la RD 670 n'était toujours pas rétablie ; alors qu'un compromis avait été signé dès le 4 novembre 2015 en vue de réitérer un acte authentique avant le 9 janvier 2016, la vente du fonds de commerce a été retardée du fait des travaux de voirie et la valeur du fonds de commerce s'en est trouvé diminuée ; elle est bien fondée à solliciter à ce titre la somme de 5 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 juillet 2019 et le 10 août 2020, la commune de la Réole, représentée par son maire en exercice, et la SMACL prise en la personne de son représentant en exercice, représentées par Me J..., concluent :

À titre principal :

1°) à l'annulation du jugement du 29 mai 2018 en tant qu'il condamne la commune à verser la somme de 5 000 euros à la SARL F... et Fils ainsi que la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) au rejet de la requête indemnitaire présentée par la société F... et Fils ;

3°) au rejet de l'appel incident formé par la société F... et Fils ;

À titre subsidiaire :

4°) à l'annulation du jugement du 29 mai 2018 en tant qu'il ne condamne pas le département à garantir à 100 % la commune de La Réole de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

5°) à la condamnation du département de la Gironde à garantir la commune de La Réole de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

6°) à la confirmation du jugement en ce qu'il rejette le surplus des conclusions présentées par la société F... et Fils ;

7°) au rejet de l'appel incident formé par la société F... et Fils ;

8°) au rejet de la demande d'expertise présentée par le département de la Gironde et à ce que les frais d'une telle expertise, si elle devait être ordonnée, soient mis à la charge du département de la Gironde ;

9°) en toute hypothèse, à ce que soient mis à la charge de la SARL F... et Fils et du département de la Gironde la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elles font valoir que :

- la commune doit être exonérée de toute responsabilité dès lors qu'elle se trouvait dans un cas de force majeure suite à la rupture de la canalisation et à l'affaissement d'une partie de la chaussée, constatée le 14 décembre 2014 ; elle ne pouvait pas laisser la demi-voie ouverte à la circulation afin de ne pas aggraver les dommages subis ; les circonstances lui imposaient de fermer la route départementale à la circulation ;

- il ressort également du rapport d'expertise que la responsabilité des désordres est en majeure partie imputable au département de la Gironde ;

- le département de la Gironde ne saurait contester la répartition des responsabilités opérée par le tribunal administratif de Bordeaux ; d'une part la responsabilité de la commune de La Réole ne saurait être retenue dans la mesure où cette dernière n'avait d'autre choix que de fermer la route départementale n° 670 à la circulation et, d'autre part, si l'expert a évoqué la rupture de la canalisation appartenant à la Régie municipale des eaux de La Réole, il n'a pas retenu la responsabilité de la régie municipale ; le département n'établit pas davantage avoir contesté les conclusions du rapport d'expertise ;

- l'avenue François Mitterrand (RD 670) est une route départementale dont l'entretien incombe au département, quand bien même elle traverse une commune ;

- en outre, dès septembre 2014, le Bureau des carrières souterraines du département de la Gironde avait alerté les services du département des risques de glissement de terrain ; en 2015, la commune avait alerté à nouveau le département sur les risques d'effondrement de la chaussée ; il résulte du rapport de l'expert que malgré les préconisations du BRGM et d'EQUAD, la mise en oeuvre d'un confortement a été ajournée à la demande du département de la Gironde ; celui-ci a donc manqué de réactivité ;

- le défaut d'entretien de la chaussée de la route départementale, la faible réactivité du département et la surcharge apportée par les travaux entrepris par ce dernier sont à l'origine des dommages causés à la voirie par l'affaissement de décembre 2014 et l'effondrement de 2016, qui ont contraint le maire de La Réole à restreindre puis à interdire la circulation sur la route départementale n° 670 ; seule la responsabilité du département de la Gironde peut donc être recherchée pour les préjudices subis par la SARL F... ;

- si la SARL F... compare pour chaque exercice le chiffre d'affaires net dégagé par rapport à celui des deux exercices précédents, et fait une moyenne des pertes subies, rien ne permet d'établir que si la route départementale n° 670 n'avait pas été fermée à la circulation, le chiffre d'affaires de la société requérante pour les exercices 2014-2015 et 2015-2016 aurait été comparable à celui des exercices 2012-2013 et 2013-2014 et qu'il n'aurait pas subi de baisse ;

- la société ne produit aucun élément permettant d'établir la perte de valeur vénale alléguée de son fonds de commerce ; au contraire il ressort de l'acte produit par la requérante qu'hormis la prorogation des effets du compromis signé le 4 novembre 2015, aucune autre modification n'est apportée aux termes de cet accord ;

- la désignation d'un expert sollicitée par la société n'est pas utile dans la mesure où les éléments qu'elle produit à l'appui de sa demande sont de nature à éclairer suffisamment la juridiction quant à l'évaluation du préjudice subi ;

- l'expertise demandée par le département ne présente aucun caractère d'utilité.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions du département de la Gironde à fin d'appel en garantie de la société immobilière Des Mousquetaires et de la régie multi-services de la commune de La Réole, qui sont nouvelles en appel.

Des observations du département de la Gironde en réponse à ce moyen d'ordre public ont été enregistrées le 31 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de la voirie routière,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me L..., représentant le département de la Gironde, et de Me K..., représentant la commune de La Réole et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 décembre 2014, la commune de La Réole a constaté une rupture de canalisation et l'affaissement d'un talus situé avenue François Mitterrand, route départementale n° 670 traversant la commune, au droit d'un magasin construit en 2004 sur des déblais en contre-bas du talus, avec création d'un tourne-à-gauche sur la route départementale n° 670. Par un arrêté du maire de La Réole du même jour, la circulation a été restreinte sur une voie en alternance, avec vitesse limitée à 30 km par heure, pour les véhicules légers, et interdite aux poids lourds. L'interdiction de circulation des poids lourds sur cette voie a par la suite été prolongée au-delà du 30 juin 2015. Un nouveau glissement de terrain s'est produit le 13 février 2016 sur la route départementale n° 670, provoquant un affaissement du talus et d'une partie de la chaussée sur une largeur de trois mètres et une longueur de 80 mètres, et la rupture de divers réseaux enterrés. Par un arrêté du même jour, le maire de La Réole a fermé cette voie à la circulation de tous les véhicules sur la portion concernée par l 'affaissement en cause, pour une durée indéterminée. La société F... et fils, spécialisée dans la réparation et la vente automobile, qui était conventionnée avec la société Total et assurait à titre principal sous cette enseigne une activité de distribution de carburant pour véhicules légers et poids lourds au 15 avenue François Mitterrand, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner solidairement la commune de La Réole et le département de la Gironde à réparer les préjudices qu'elle impute aux fermetures à la circulation de la RD n° 670.

2. Le département de la Gironde relève appel du jugement du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné, solidairement avec la commune de La Réole, à verser à la société F... et fils la somme de 5 000 euros, et à garantir la commune à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à leur encontre. Par la voie de l'appel incident, la société F... et fils demande à la cour de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire du département de la Gironde et de la commune de La Réole à réparer son préjudice pour la période du 16 décembre 2014 au 13 février 2016 et en tant qu'il a sous-évalué son préjudice pour la période du 13 février 2016 au 30 juin 2015, et de condamner solidairement la commune de La Réole et le département de la Gironde à lui verser la somme de 173 562 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande devant le tribunal, d'ordonner avant dire droit la désignation d'un expert afin de déterminer l'étendue des préjudices qu'elle a subis. Enfin, la commune de La Réole et la SMACL demandent également par la voie de l'appel incident l'annulation du jugement du 29 mai 2018 en tant qu'il condamne la commune solidairement avec le département à verser la somme de 5 000 euros à la SARL F... et Fils, et la condamnation du département de la Gironde à garantir la commune de La Réole de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Sur les responsabilités :

En ce qui concerne la responsabilité du département :

3. La responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers. Cette responsabilité n'est susceptible d'être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime, sans que le maître de l'ouvrage puisse se prévaloir du fait d'un tiers. Le riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics, à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers, doit établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages allégués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter, sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général. Si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l'assiette, la direction ou l'aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d'interdire ou de rendre excessivement difficile l'accès des riverains à la voie publique. Lorsqu'il est saisi par un requérant, qui s'estime victime d'un dommage de travaux publics, de conclusions indemnitaires à raison d'un préjudice anormal et spécial, il appartient au juge administratif de porter une appréciation globale sur l'ensemble des chefs de dommages allégués.

4. Les affaissements d'un talus de la route départementale n° 670 en 2014 et 2016, sur la section située avenue François Mitterrand dans l'agglomération de la commune de La Réole, ont conduit à la mise en place de mesures de restrictions de circulation et de stationnement du 16 décembre 2014 au mois d'octobre 2016. Les sondages géologiques, expertises, travaux de confortement, ceux de réfection des réseaux puis ceux de rénovation de la route effectués pour le compte du département de la Gironde, maître d'ouvrage, ont le caractère de travaux publics, à l'égard desquels la société F... et fils a la qualité de tiers.

5. Pour contester l'engagement de sa responsabilité en qualité de maître de l'ouvrage public constitué par le talus longeant la route départementale, le département de la Gironde fait valoir que les désordres ayant donné lieu à des restrictions de circulation sur la voie ont pour cause la rupture d'une canalisation en 2014, ouvrage dont l'entretien incombe à la régie des eaux de La Réole, et ont été aggravés par la décision du maire de la commune de La Réole de maintenir, à compter du 16 décembre 2014, la circulation des véhicules légers sur la voie. Toutefois, ces circonstances seraient sans effet sur la responsabilité à l'égard des tiers, et lui permettraient seulement de solliciter le cas échéant la garantie de la commune de la Réole et de la régie des eaux de cette commune. Dans ces conditions, la responsabilité du département de la Gironde est engagée compte tenu de sa qualité de maître de l'ouvrage en cause sans qu'il puisse utilement faire valoir qu'aucun défaut d'entretien normal de cet ouvrage ne résulte de l'instruction et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise.

6. Ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que pour la période du 16 décembre 2014 au 13 février 2016, l'accès des usagers à la station-service, située hors de la section réglementée, n'a jamais été interdit. Les véhicules légers pouvaient circuler en alternance sur une seule voie de la route départementale n° 670 et depuis le rond-point de " l'Entre Deux Mers ", situé en amont du garage. L'accès est resté possible soit par l'avenue François Mitterrand, soit par le chemin de Blasignon, et une signalétique a été mise en place sur le rondpoint de " l'Entre Deux Mers " et sur le chemin de Blasignon. Dans ces conditions, les limitations de circulation sur la route départementale, si elles ont pu être partiellement à l'origine de la diminution du chiffre d'affaires global de 10 % sur l'exercice clos en septembre 2015 par rapport à l'année précédente, qui s'est poursuivie en 2015-2016, et de celui afférent à la vente d'essence qui avait au demeurant commencé à baisser de 3,46 % entre 2013 et 2014, n'ont pas excédé les inconvénients que sont normalement tenus de supporter sans indemnité les riverains de la voie publique. Par suite, la société F... et fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la responsabilité sans faute du département au titre des préjudices subis pour la période du 16 décembre 2014 au 13 février 2016.

7. Si le département soutient que la fermeture à toute circulation d'une portion de la route départementale à compter du 13 février 2016 n'a pas empêché l'accès à l'entreprise, les clients pouvant accéder à la station par une autre voie, il résulte des pièces comptables produites par la société F... et fils et par le département lui-même en première instance, que le chiffre d'affaires, après avoir connu une progression constante pendant plusieurs années en 2010 (+ 3,93%), 2011 (+ 10, 05%), 2012 (+ 2,23%) et 2013 (+ 2,33%) a particulièrement diminué de 37,08 % en 2016 par rapport aux années précédentes. L'instruction fait ressortir que cette baisse du chiffre d'affaires ne peut qu'être regardée comme imputable à l'interdiction de circulation sur une portion de la route départementale dès lors que le chemin de Blasignon est une voie de déviation moins aisée. Comme l'a jugé le tribunal administratif, le préjudice subi par la société à compter du 13 février 2016 excède les sujétions normales qui peuvent être imposées sans indemnité aux riverains dans l'intérêt des voies publiques, et présente ainsi un caractère grave et spécial.

En ce qui concerne la responsabilité de la commune de La Réole pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

8. Aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation.(...)/ Les conditions dans lesquelles le maire exerce la police de la circulation sur les routes à grande circulation sont fixées par décret en Conseil d'Etat. / Par dérogation aux dispositions des deux alinéas précédents et à celles des articles L. 2213-2 et L. 2213-3, des décrets peuvent transférer, dans les attributions du représentant de l'Etat dans le département, la police de la circulation sur certaines sections des routes à grande circulation ", et l'article L. 2213-4 de ce même code dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige dispose que : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques (...) ". Enfin, l'article L. 3221-4 du même code dispose : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf le cas de section de route à grande circulation pour laquelle un décret a transféré cette compétence au représentant de l'Etat dans le département, il appartient au maire d'exercer, à l'intérieur de l'agglomération communale, la police de la circulation sur les portions de routes nationales et départementales, y compris celles classées, par décret, comme routes à grande circulation.

9. Les mesures de police légalement prises peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement du principe de l'égalité devant les charges publiques dès lors qu'elles engendrent, pour un administré, un préjudice grave et spécial.

10. La société F... et fils se prévaut des mêmes arguments qu'en première instance alors que, comme l'avaient relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que les gênes subies par la société requérante du fait de l'interdiction de la circulation des poids lourds sur la route départementale n° 670 dans la traversée de la commune de La Réole pour la période du 16 décembre 2014 au 13 février 2016 n'ont pas excédé les inconvénients que sont normalement tenus de supporter sans indemnité les riverains de la voie publique. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société F... et fils n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de La Réole pour rupture d'égalité devant les charges publiques au titre des restrictions de circulation résultant de l'arrêté du 16 décembre 2014.

11. Si la commune soutient que le danger créé par l'affaissement de la voie lui imposait de prendre les restrictions de circulation en litige et qu'elle aurait été confrontée à une situation de force majeure, une telle circonstance ne serait pas de nature à faire obstacle à ce que sa responsabilité sans faute soit retenue dès lors que les mesures de police en cause, dont la légalité n'est pas discutée, sont à l'origine pour un tiers d'un préjudice grave et spécial. Il résulte de l'instruction, en particulier des documents comptables produits par la société requérante qui font apparaître une diminution importante du chiffre d'affaires en 2016 par rapport aux années antérieures, que l'application de l'arrêté du maire de La Réole du 13 février 2016 interdisant la circulation de tous les véhicules sur cette voie, a provoqué une diminution importante de la vente de carburant de la station-service exploitée par la société F... et fils. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a retenu une responsabilité solidaire de la commune avec le département.

Sur le montant du préjudice indemnisable :

12. En premier lieu, si la société établit avoir subi une réduction de son chiffre d'affaires du fait de l'intervention de l'arrêté litigieux, elle n'est fondée à demander réparation que de la seule perte de bénéfice. Eu égard aux seuls éléments fournis par la société, qu'il lui appartenait de compléter sans qu'elle puisse utilement demander une expertise sur ses propres comptes, les premiers juges, qui ont pu retenir à juste titre la différence de moyenne mensuelle de bénéfices sur les ventes de carburant pour la période de février à juin 2016 par rapport à la période antérieure au premier affaissement de la voie, n'ont pas fait une évaluation insuffisante du préjudice subi en fixant l'indemnité due à la somme de 5 000 euros.

13. En second lieu, si la société requérante invoque des difficultés financières pour trouver un repreneur de son fonds de commerce et le retard pris pour finaliser cette vente, il résulte de l'instruction qu'un compromis de vente a été signé le 4 novembre 2015, soit moins d'un an après le premier arrêté du 16 décembre 2014 restreignant la circulation sur la route départementale, et que sa prolongation le 30 avril 2016 n'a pas modifié les conditions financières fixées par les parties pour la cession, intervenue au 30 juin 2016. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société F... et fils n'était pas fondée à solliciter une quelconque indemnisation au titre du retard allégué dans la vente de son fonds de commerce.

Sur les conclusions en garantie :

14. Ainsi qu'il a été précisé au point 2, le département de la Gironde est le maître d'ouvrage de l'avenue François Mitterrand, qui est une route départementale. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise judiciaire déposé le 30 juin 2017 que si le maintien décidé par le maire de la commune de La Réole de la circulation sur la demi-chaussée de la route départementale entre le 30 décembre 2014 et le 13 février 2016 a pu entraîner une surcharge et des vibrations contribuant à la dégradation de l'ouvrage public, l'effondrement se serait tout de même produit en l'absence d'une telle circulation compte tenu de la structure du talus et de l'abstention fautive du département à intervenir en dépit de nombreux signalements. Il suit de là que la commune de La Réole, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait commis une faute, est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à garantir le département de la Gironde à hauteur de 20 %. Le département de la Gironde n'est, par suite, pas fondé à demander que la part de responsabilité incombant à la commune de La Réole soit majorée.

15. Il résulte de l'examen des mémoires présentés par le département de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux qu'il n'a pas présenté d'appel en garantie de la société civile immobilière des Mousquetaires et de la régie multi-services de la commune de La Réole, dotée de la personnalité morale. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que celles-ci le garantissent des condamnations prononcées contre lui, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du département de la Gironde doit être rejetée, de même que les conclusions présentées par la société F... et fils par la voie de l'appel incident, mais que la commune de La Réole est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à garantir le département de la Gironde à hauteur de 20 %.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés pour les besoins de l'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du département de la Gironde est rejetée.

Article 2 : Le département de la Gironde est condamné à garantir la commune de La Réole de la totalité de la condamnation prononcée à son encontre.

Article 3 : Le jugement n° 1604917 du 29 mai 2018 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Gironde, à la société F... et fils, à la commune de La Réole et à la société mutuelle des assurances des collectivités locales.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme I... E..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... D..., conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

La rapporteure,

Kolia D...La présidente,

Catherine E...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 18BX02980


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