Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... se disant Aboubacar E... a demandé au tribunal administratif H... d'annuler les arrêtés du 21 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Vienne l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2000167 du 28 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif H... a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 février 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif H... ;
2°) à titre principal, d'annuler les arrêtés du préfet de la Vienne du 21 janvier 2020 ;
3°) à titre subsidiaire, de sursoir à statuer dans l'attente de la décision du juge des enfants H... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions refusant tout délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;
- les droits de la défense n'ont pas été respectés en ce que le préfet ne l'a pas invité à présenter ses observations avant de prendre cette décision ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juillet 2020 le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme F... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... se disant Aboubacar E..., ressortissant ivoirien, déclare être né le 30 octobre 2003 et être entré en France en septembre 2019 de manière irrégulière. Il s'est présenté le 21 octobre 2019 au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Vienne afin d'être pris en charge en tant que mineur étranger non accompagné. La consultation du fichier Visabio réalisé par la préfecture de la Vienne fait apparaitre que l'intéressé avait fait une demande de visa en Côte d'Ivoire le 9 octobre 2018 pour la France sous le nom de M. D... E..., né le 30 mai 1999. Après suspension, par le juge des référés du tribunal administratif de Paris, de l'exécution d'un précédent arrêté portant obligation de quitter le territoire français et injonction d'examiner de nouveau la situation de M. E..., le préfet de la Vienne a alors pris à son encontre, le 21 janvier 2020, un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai ainsi qu'un arrêté portant assignation à résidence d'une durée de quarante-cinq jours. M. E... relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif H... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
4. Si M. E... produit, pour établir sa minorité à la date de l'arrêté contesté, un jugement supplétif, dressé le 24 août 2018, au nom de M. G... E..., qui mentionne une date de naissance au 30 octobre 2003, sur lequel la cellule de lutte contre la fraude de la police aux frontières a émis un avis technique favorable, ainsi qu'un extrait d'acte de naissance et un certificat de nationalité ivoirienne mentionnant cette même date de naissance, dont le formalisme, le fond d'impression et les mentions préimprimées ont été jugés conformes à un acte authentique, toutefois, ces deux derniers documents ont fait l'objet d'un avis technique défavorable au motif que l'extrait d'acte de naissance a été enregistré sur les registres de l'année 2019, soit plus d'un an après l'établissement du jugement supplétif, en méconnaissance de l'article 84 du code de l'état civil de Côte d'Ivoire. Si M. E... produit un document comportant un tampon de la mairie d'Abobo rédigé par l'officier d'état-civil délégué indiquant que le délai de transmission du jugement supplétif du 24 août 2018 est consécutif à des difficultés internes de transmission des courriers entre le tribunal de première instance et la mairie, ce seul courrier, rédigé au surplus sur du papier sans en-tête, ne présente pas une force probante suffisante pour contredire l'avis défavorable de la cellule de lutte contre la fraude en ce qui concerne l'extrait d'acte de naissance produit par l'intéressé. Par ailleurs, le préfet produit la copie du passeport de M. D... E..., établi par les autorités ivoiriennes le 24 août 2018 mentionnant une date de naissance au 30 mai 1999, ce document comportant la photo du requérant et ayant été utilisé par l'intéressé pour effectuer les démarches nécessaires en Côte d'Ivoire en vue d'obtenir un visa. Si M. E... fait valoir que ce passeport est un faux, il se borne à produire un courrier daté du 10 janvier 2019 par lequel son père aurait déposé une plainte pour escroquerie auprès du procureur de la République de Côte d'Ivoire ainsi qu'un procès-verbal de dépôt de plainte pour usurpation d'identité daté du 13 décembre 2019 qui ne sont pas suffisants pour permettre de tenir pour établi le caractère frauduleux du passeport délivré par les autorités ivoiriennes. Dans ces conditions, eu égard aux mentions portées sur ce document qui comporte la photo de l'intéressé et compte tenu de l'avis de la cellule de lutte contre la fraude, l'administration doit être regardée comme renversant la présomption d'authenticité des documents produits par M. E... aux fins de justifier de sa minorité au moment de sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance ainsi qu'à la date de l'arrêté attaqué, alors même que la procédure pénale engagée à son encontre par le département de la Vienne a fait l'objet d'une décision de classement sans suite, une telle décision n'étant pas au nombre de celles auxquelles s'attache l'autorité de chose jugée. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français et n'a pas entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de sa situation.
5. En l'absence d'illégalité de la mesure d'éloignement, le moyen tiré de l'illégalité des décisions refusant tout délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant assignation à résidence par voie de conséquence de la prétendue illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ;(...) ".
7. L'arrêté portant assignation à résidence vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. E... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet de la Vienne a décidé de l'assigner à résidence, notamment qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il était nécessaire de prévoir l'organisation matérielle à l'exécution de cette obligation. Ces indications, qui ont permis à M. E... de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre, étaient suffisantes alors même que l'arrêté n'explique pas pourquoi son éloignement demeurait une perspective raisonnable. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'intéressé, le préfet de la Vienne, qui ne l'a pas placé en rétention, n'a pas estimé qu'il présentait un risque de se soustraire à la mesure d'éloignement. Par suite, la décision portant assignation à résidence n'avait pas à comporter une motivation sur ce point et le tribunal a pu, sans entacher son jugement d'une irrégularité, ne pas se prononcer sur ce moyen. Dès lors, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté.
8. Contrairement à ce que soutient M. E..., aucune pièce du dossier ne permet de considérer que le préfet de la Vienne n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de sa situation.
9. Enfin, M. E... se borne à reprendre en appel les moyens, qu'il avait invoqués en première instance, tirés de ce que la mesure d'assignation à résidence aurait été prise en méconnaissance des droits de la défense et de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, sans critiquer les motifs retenus par le premier juge pour les écarter. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif H....
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 janvier 2020 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif H... a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Vienne du 21 janvier 2020. Par suite, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :
Mme F... B..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne B...Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX00418 2