Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.
Par un jugement n° 1901795 du 30 octobre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2019 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, subsidiairement de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il relève des seules stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et non des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'absence de contrôle médical ne peut valablement lui être opposé dès lors qu'un récépissé de demande de titre de séjour ne peut lui avoir été délivré qu'au vu d'un dossier complet ;
- l'absence d'un visa de long séjour ne peut pas davantage lui être opposé dès lors que le préfet, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, peut régulariser le défaut initial de visa de long séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2020, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant tunisien né le 21 avril 1990, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 7 mars 2011. Le 9 mai 2017, il a déposé une demande de titre de séjour en qualité de salarié. Il a déposé des éléments complémentaires, concernant un nouvel emploi, en septembre 2018. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi a rendu deux avis défavorables les 6 septembre 2017 et 14 janvier 2019. Un premier arrêté du préfet de la Vienne du 14 mars 2019, portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 juillet 2019 au motif d'un défaut de motivation. Par un second arrêté du 15 juillet 2019 le préfet de la Vienne a de nouveau refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. M. E... relève appel du jugement du 30 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. L'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Enfin, le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...). ".
3. Il résulte des stipulations de l'article 3 précité de l'accord franco-tunisien, qui prévoient que le titre de séjour " salarié " n'est délivré que sur la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, que les dispositions du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 2.3.3 du protocole du 28 avril 2008 n'ayant pour effet que d'écarter, pour les seuls métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I de ce protocole, l'application de la condition relative à la prise en compte de la situation de l'emploi prévue par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail.
4. Selon l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que si M. E... produit, à l'appui de sa demande, un contrat de travail à durée indéterminée, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi a émis un avis défavorable à la demande d'autorisation de travail présentée pour son compte au motif qu'aucun élément ne lui avait été transmis, dans le cadre de cette demande, concernant les qualifications, les diplômes ou l'expérience de M. E... dans le domaine d'activité professionnelle en cause. Dès lors, le préfet a pu légalement ne pas accorder l'autorisation de travail sollicitée et, sans méconnaître les stipulations précitées de l'accord franco-tunisien, refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour en qualité de salarié.
6. Le défaut d'un contrat de travail visé par l'autorités compétente au sens de l'article 3 de l'accord franco-tunisien justifiant à lui seul le refus de titre de séjour litigieux, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en opposant à M. E... une absence de contrôle médical est inopérant.
7. Les stipulations de l'accord franco-tunisien n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser la situation de M. E....
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. B... A..., président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
Didier A...
Le président,
Marianne HardyLe greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04560