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22/09/2020 | FRANCE | N°20BX01242

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 20BX01242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ledit territoire d'une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours.

Par un jugem

ent n° 1905354 du 5 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ledit territoire d'une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1905354 du 5 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2020, M. F..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2019 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la recevabilité :

- les décisions contestées ne comportent aucune mention de nature à établir qu'il a été satisfait aux exigences posées par l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la notification des décisions étant irrégulière, son recours en première instance n'est pas forclos et de ce fait recevable ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire

- l'obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;

- elle lui a été notifiée dans des conditions irrégulières au regard de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, faisant interdiction de retour sur le territoire français et portant assignation à résidence

- elles sont fondées sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale et sont ainsi dépourvues de base légale ;

- elles lui ont été notifiées dans des conditions irrégulières au regard de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour n'est pas motivée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'assignation à résidence a été signée par une autorité incompétente ; elle est insuffisamment motivée ; la durée maximale d'assignation à résidence de 45 jours fixée automatiquement sans prendre en compte sa situation n'est pas justifiée.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté de la requête présentée en première instance

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mars 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... C...,

- et les observations de Me B... substituant Me A..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant algérien né le 18 mars 1989, est entré irrégulièrement en France à la fin de l'année 2016, selon ses déclarations, et a déposé une demande d'asile qui a été rejeté par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 31 octobre 2017. En conséquence, le préfet de la Gironde a pris à son encontre le 18 octobre 2018 un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Cet arrêté n'a pas été contesté mais M. F... s'est maintenu irrégulièrement sur territoire national. Puis, à la suite de son interpellation par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité à la gare de Lyon-Perrache, le préfet du Rhône a prononcé à son encontre le 12 octobre 2019 une obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de destination et une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et par un arrêté du même jour, le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours. M. F... relève appel du jugement n° 1905354 du 5 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou Ibis/ Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévu au III du présent article. / III. En cas de placement en rétention en application de l'article L. 551-1, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. (...) / L'étranger faisant l'objet d'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 peut, dans le même délai, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision. Les décisions mentionnées au premier alinéa du présent III peuvent être contestées dans le même délai de recours lorsqu'elles sont notifiées avec la décision d'assignation. " L'article L. 512-2 du même code dispose que : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

4. Enfin, l'article R. 776-2 du code de justice administrative dispose que : " II. Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés en litige ont été notifiés à M. F..., en main propre le 12 octobre 2019 à 17 heures 10, par le truchement téléphonique d'un interprète en langue arabe. A cet égard, M. F... ne saurait utilement se prévaloir de ce que les services de l'interprète ont été fournis par téléphone, comme le permettent les dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que le préfet n'en justifie la nécessité, dès lors que les modalités techniques du déroulement de l'entretien ne l'ont pas privé de la garantie liée au bénéfice d'un interprète et qu'il a signé, sans aucune réserve, avoir eu connaissance des décisions prises à son encontre. Par suite, la notification des arrêtés en litige ayant été effectué dans des conditions régulières, le délai de recours de quarante-huit heures mentionné par les dispositions précitées, qui se décompte d'heure à heure, était expiré lorsque la requête de M. F..., a été enregistrée par le greffe du tribunal administratif de Toulouse le 31 octobre 2019 à 9 h 50. En conséquence sa requête était tardive et par suite irrecevable.

6. Il résulte de ce qui précède que M. F..., n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. E... C..., président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Dominique C... Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01242
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;20bx01242 ?
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