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22/09/2020 | FRANCE | N°18BX03500

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 18BX03500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Dilisco a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer le dégrèvement total des cotisations supplémentaires à la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1600593 en date du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 20

septembre 2018 et le 4 novembre 2019, la SA Dilisco, représentée par Me A... B..., demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Dilisco a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer le dégrèvement total des cotisations supplémentaires à la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1600593 en date du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 20 septembre 2018 et le 4 novembre 2019, la SA Dilisco, représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 juillet 2018 ;

2°) de prononcer le dégrèvement total des cotisations supplémentaires à la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujetties au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 et des pénalités afférentes ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis des erreurs de fait, de droit et d'appréciation ;

- la procédure d'évaluation résultant de la requalification de ses locaux en établissement industriel est irrégulière dès lors que la commission communale des impôts directs n'a pas été en mesure d'exercer son contrôle en exécution des dispositions du 1er alinéa de l'article 1505 du code général des impôts ;

- l'entrepôt qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Chéniers en Creuse ne peut être qualifié d'établissement industriel dès lors que les moyens matériels qui y sont mis en oeuvre ne sont pas importants et ne jouent pas un rôle prépondérant dans l'activité qui y est exercée ; l'appréciation du service aurait été différente s'il avait appliqué les critères introduits par la loi du 28 décembre 2018 n° 2018-1317 au sein de l'article 1500 du code général des impôts ;

- la loi du 28 décembre 2018 n° 2018-1317 a introduit, avec le nouvel article 1518 A sexies du code général des impôts, un mécanisme de lissage en cas de variation importante, supérieure à 30 %, de la valeur locative d'un local industriel ou professionnel, résultant d'un changement de la méthode d'évaluation ou d'un changement d'affectation ; elle ne pourra bénéficier de ce mécanisme dès lors qu'il ne s'applique que pour les changements constatés à compter du 1er janvier 2019 ; la situation dans laquelle elle se trouve est donc particulièrement injuste ; il est donc demandé à la Cour de prendre en compte le caractère fragile et précaire de la loi nouvelle, qui est sûrement vouée à évoluer en raison des lourdes conséquences sur les entreprises, dans l'établissement de ces critères objectifs à la qualification.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête

Il soutient que :

- le jugement a rejeté la requête sans prendre en compte les dégrèvements intervenus en cours d'instance par décisions des 13 novembre 2015 et 2017 ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi du 28 décembre 2018 n°2018-1317 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Dilisco.

Considérant ce qui suit :

1. La société Dilisco, qui exploite une activité de stockage, de distribution et de diffusion de livres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a procédé à une rectification de la base imposable à la cotisation foncière des entreprises (CFE) dont elle était redevable au titre des années 2011 à 2014 à raison de son établissement exploité à Chéniers. Elle relève appel du jugement en date du 31 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à la CFE auxquelles elle a été assujetties au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 et des pénalités afférentes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'introduction de la demande de première instance, l'administration fiscale a accordé à la SA Dilisco le dégrèvement, à hauteur de la somme totale de 7 755 euros, des cotisations supplémentaires à la CFE contestées. La demande présentée par cette société était devenue, dans cette mesure, sans objet. Le jugement attaqué, qui a statué sur cette demande, doit donc être annulé dans cette mesure. Il y a lieu par suite d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

3. En second lieu, les moyens tirés des erreurs de fait, de droit et d'appréciation que les premiers juges auraient commises ressortissent du bien-fondé du jugement.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le bien-fondé :

4. En premier lieu, en vertu de l'article 1467 du code général des impôts, pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

5. Il résulte de l'instruction que les locaux, d'une superficie totale 18 000 m², dont la SA Dilisco dispose sur le territoire de la commune de Chéniers pour assurer la réception des livres, leur stockage, la préparation des commandes et leur expédition, sont composés de quatre bâtiments équipés de 17 quais de chargement et/ou de déchargement, d'une unité de colisage des livres assurant la prise de leurs côtes et de leur poids, d'un système informatique centralisé pouvant gérer 20 000 lignes de commandes par jour, de prendre les cotes et le poids de chaque livre pour le colisage, d'enregistrer l'emplacement et la quantité des différentes lignes de stocks, de créer le code-barres de l'ouvrage pour générer les bons de commande, de gérer les flux dans la zone de chargement, de diriger les colis par le trieur directionnel (à l'aide du code-barres) vers le point de mise en palette et de gérer les retours de livres après expédition, d'une cinquantaine d'engins de manutention dont des paletiers permettant d'atteindre une hauteur de stockage d'au moins sept mètres, d'un tapis roulant d'une longueur de 1,5 kilomètre déployé sur deux niveaux alimentant, par aiguillage informatisé, 21 gares de remplissage, d'une formeuse de cartons, de balances de contrôle des colis, d'un four pour le séchage des commandes, d'une machine de pose de couvercles de cartons et d'un trieur directionnel permettant d'assurer les différentes opérations du cycle de conditionnement des ouvrages ainsi que leur acheminement vers les points de mise en palettes, avant le " filmage " de ces dernières et de leur expédition. Alors même que la valeur brute de ces installations, matériels et outillages représenterait environ le quart de celle des constructions, hors terrains, ces moyens techniques, d'une valeur comptable supérieure à 1 000 000 euros, dont 357 000 euros pour le logiciel de gestion, doivent être regardés comme importants. Ils permettent à la société, qui n'affecte aux activités de stockage des marchandises et de préparation des commandes exercées dans les locaux qu'une cinquantaine d'employés, de traiter quotidiennement 1 500 commandes, soit environ 2 600 colis, et d'expédier annuellement environ 22 millions de livres. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'intervention manuelle du personnel est primordiale pour l'exercice de ces activités. Les installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre sur le site de Chéniers jouent un rôle prépondérant dans les activités qu'elle y exploite. Par suite, alors même que ces activités n'impliquent aucune opération de fabrication ou de transformation, l'établissement présente un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts. C'est donc à bon droit que l'administration a évalué les immobilisations selon la méthode comptable définie par ces dispositions.

6. En second lieu, la société requérante ne peut invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 1500 du code général des impôts, dans leur version issue de la loi 28 décembre 2018 n°2018-1317 selon lesquelles " lorsque la valeur des installations techniques, matériels et outillages présents dans les bâtiments ou sur les terrains et destinés à l'activité ne dépasse pas un montant de 500 000 €, ces bâtiments et terrains ne revêtent pas un caractère industriel " dès lors que ces dispositions ne sont devenues applicables qu'à compter du 1er janvier 2019 et qu'en tout état de cause, la valeur des installations techniques, matériels et outillages présents dans les bâtiments en litige dépasserait ce seuil si elle pouvait même s'en prévaloir. Par ailleurs, si la SA Dilisco soutient que l'intervention de la loi du 28 décembre 2018 n°2018-1317, aurait porté atteinte aux principes de sécurité juridique et d'égalité devant l'impôt, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas où il est saisi dans les conditions prévues aux articles 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de dispositions législatives aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le moyen qui n'a pas été présenté par mémoire distinct est irrecevable.

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

7. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts applicable à l'époque du litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. / Avant application éventuelle de ces coefficients, le prix de revient des sols et terrains est majoré de 3 % pour chaque année écoulée depuis l'entrée du bien dans le patrimoine du propriétaire. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les taux d'abattement applicables à la valeur locative des constructions et installations afin de tenir compte de la date de leur entrée dans l'actif de l'entreprise. / Une déduction complémentaire est, en outre, accordée à certaines catégories d'établissements en raison de leur caractère exceptionnel, apprécié d'après la nature des opérations qui y sont faites ; ces catégories d'établissements sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat qui fixe également les limites et conditions d'application de la déduction ". Aux termes de l'article 1500 du même code : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; - 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites. ". En vertu du I de l'article 1503 du même code : " Le représentant de l'administration et la commission communale des impôts directs dressent la liste des locaux de référence visés à l'article 1496, déterminent leur surface pondérée et établissent les tarifs d'évaluation correspondants. (...) ". L'article 1504 du code général des impôts dispose que : " Les locaux types à retenir pour l'évaluation par comparaison des biens visés à l'article 1498 sont choisis par le représentant de l'administration et par la commission communale des impôts directs. (...) ". Enfin, en vertu de l'article 1505 du code : " Le représentant de l'administration et la commission communale des impôts directs procèdent à l'évaluation des propriétés bâties. / Après harmonisation avec les autres communes du département, les évaluations sont arrêtées par le service des impôts. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la commission communale des impôts directes n'intervient pas pour la détermination de la valeur locative des bâtiments et terrains industriels selon la méthode prévue par les dispositions combinées des articles 1499 et 1500 du même code.

8. Les locaux exploités par la SA Dilisco à Chéniers, qui ont un caractère industriel ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, a légalement pu faire l'objet d'une évaluation de sa valeur locative en application des dispositions prévues par les articles 1499 et 1500 du code général des impôts. Dès lors que les dispositions des articles 1503 à 1505 du même code sont sans incidence sur la procédure d'imposition des établissements dont la valeur locative est ainsi déterminée, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission communale des impôts directs est inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Dilisco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600593 du 31 juillet 2018 du tribunal administratif de Limoges est annulé en ce qu'il a statué, à hauteur de la somme de 7 755 euros sur les conclusions de la SA Dilisco aux fins de décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 et des pénalités afférentes.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge de la SA Dilisco à hauteur de la somme de 7 755 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Dilisco est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Dilisco et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie sera adressée à la direction spécialisée du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. D... C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Stéphane C... Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX03500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03500
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-01-02 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Questions communes. Valeur locative des biens.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;18bx03500 ?
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