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22/09/2020 | FRANCE | N°18BX02747

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 septembre 2020, 18BX02747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pierreval Exploitation a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1601382 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 13 juillet 2018 et le 18 juin 2019, la SARL Pierreval Exploitat

ion, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1601382 du 15 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pierreval Exploitation a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1601382 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 13 juillet 2018 et le 18 juin 2019, la SARL Pierreval Exploitation, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1601382 du 15 mai 2018 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ;

3°) la restitution assortie des intérêts moratoires corrélatifs de l'imposition complémentaire mise à la charge de la société Pierreval Exploitation au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2010 ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- cette dépense constitue une charge au sens du point 1 de l'article 39 du code général des impôts ; elle a justifié du versement de l'indemnité et de son inscription en comptabilité ; l'administration n'est pas fondée à soutenir que cette indemnité a eu pour corollaire une augmentation de l'actif net ;

- il appartient à l'administration d'établir que ce paiement n'était pas dans l'intérêt direct de l'entreprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant au remboursement des intérêts moratoires sont irrecevables à défaut de litige né et actuel avec le comptable charge du recouvrement ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2020 à 12 h.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. M... K...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me G... , représentant la société Pierreval Exploitation.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Pierreval Investissement Vincennes, devenue Pierreval Exploitation depuis le 31 décembre 2013, exploite une activité de promotion immobilière. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er mars 2008 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle l'administration a réintégré dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2010 le montant de l'indemnité versée à la société Petra. La SARL Pierreval Exploitation relève appel du jugement en date du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de cette réintégration.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de la procédure de reprise de la société CELEOS, placée en redressement judiciaire, la contribuable, a constitué une société, la société nouvelle BC Partners (ci-après la société SNBCP), dont le capital social, lors de sa constitution, était réparti entre la SARL Pierreval Investissement Vincennes (60 %), la SARL Calypso (20 %) et de MM. L... E..., B... et A... D... (6,67 % chacun). En vertu des dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce, M. J..., co-fondateur et précédent dirigeant de la société CELEOS, ne pouvait pas souscrire immédiatement au capital de la SNBCP. Le 11 mars 2009, jour de la constitution de cette société, un pacte d'actionnaire a prévu que l'offre de reprise du groupe CELEOS s'inscrivait dans un engagement de partenariat réciproque entre la société Pierreval Investissement Vincennes, dénommée " l'investisseur ", les autres actionnaire et M. H... J... en vue de la poursuite du développement de la nouvelle société. Ce pacte avait pour objet de consentir à M. J... une promesse unilatérale de cessions de 20 % des titres détenus par la société Pierreval Investissement Vincennes et de tous les titres détenus par la société Calypso à l'issue du délai de cinq ans prévu par les dispositions de l'article L. 642-3 du code de commerce.

4. La société Pierreval Investissement Vincennes a dénoncé ce pacte d'actionnaire dès le 1er avril 2010. En application des stipulations de l'article 11 du pacte d'actionnaire, le litige a fait l'objet d'un arbitrage à l'initiative de la société Petra, venue aux droits de M. J.... Un protocole d'accord transactionnel a été signé entre les parties, le 19 juillet 2010, relatif aux modalités d'exécution de la sentence arbitrale selon laquelle la société Pierreval Investissement Vincennes devait verser une indemnité de 1 450 000 euros à la société Petra. Le même jour, la société Calypso, détenue à 100 % par M. C... E..., ainsi que M. L... E... ont cédé à la SARL Pierreval Investissement Vincennes leurs parts dans le capital de la société SNBCP. Par ailleurs, en vertu de contrats d'apports conclus, en décembre 2010, M. B... et M. A... D..., ont apporté leurs parts sociales dans le capital de la SNBCP, en échange de parts dans la SARL Pierreval Investissement Vincennes. De ce fait, à la date du 31 décembre 2010, la contribuable détenait 100 % du capital de la société SNBCP.

5. En premier lieu, ne constituent des charges déductibles des résultats en vue de la détermination du bénéfice imposable ni les dépenses qui ont, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise, ni les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan, ni les dépenses qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé.

6. En second lieu, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

7. Il est vrai que, comme le fait valoir la société requérante et en dépit de la concomitance de la cession, par la société Calypso et M. E..., des parts que ces derniers détenaient dans la société SNBCP, le versement de l'indemnité susmentionnée n'a eu ni pour objet ni pour effet l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé de la société Pierreval Investissement Vincennes, ni une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan, ni de prolonger de manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé. L'administration ne peut donc se fonder sur ce motif pour dénier à l'indemnité le caractère d'une charge déductible.

8. En revanche, l'administration conteste l'intérêt qu'aurait présenté pour l'activité de promotion immobilière de logements exploitée par la société le versement de l'indemnité due à la suite de la rupture du pacte d'actionnaires du 11 mars 2009, quatre ans avant la date à laquelle M. J... pouvait exercer la promesse de cession de titres stipulée dans le pacte. Or, la société Pierreval Exploitation ne justifie pas du principe de la déductibilité de cette somme, et donc de la contrepartie réelle que lui aurait procurée cette rupture dans l'intérêt de sa propre activité, en se bornant à faire état, sans démontrer par des éléments précis leur incidence sur les conditions de son exploitation, de difficultés dans la conduite de la société SNBCP en raison de conflits entre actionnaires susceptibles de survenir après l'entrée de M. J... dans le capital social de la société, alors qu'elle avait pourtant admis cette option en acceptant de conclure le pacte d'actionnaires à peine un an plus tôt. C'est donc à bon droit que l'administration a réintgré la somme en litige dans le résultat comptable de la société Pierreval exploitation.

Sur les autres conclusions de la société requérante :

9. D'une part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " ... Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret ", et aux termes de l'article R. 208-3 du même livre : " Pour obtenir le remboursement prévu par l'article L. 208 des frais qu'il a exposés pour constituer les garanties, le contribuable doit adresser une demande : b. Au directeur des services fiscaux, s'il s'agit d'impôts, droits ou taxes recouvrés par les comptables de la direction générale des impôts... La demande, appuyée de toutes justifications utiles, doit être formulée dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision soit du directeur ou du trésorier-payeur général soit du tribunal saisi ". La requérante ne justifie pas avoir formé une demande de remboursement des frais de garantie auprès du service chargé du recouvrement des impositions. Sa demande n'est, dès lors, pas recevable.

10. D'autre part, les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par la juridiction administrative sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ".

11. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant ces intérêts. Dès lors, les conclusions de la société requérante tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, les sommes que la SARL Pierreval Exploitation demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Pierreval Exploitation est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pierreval Exploitation et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copies en sera adressée à la direction spécialisée du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. L... Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. M... K..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

Stéphane K... Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02747


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 22/09/2020
Date de l'import : 03/10/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18BX02747
Numéro NOR : CETATEXT000042365642 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-22;18bx02747 ?
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