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29/07/2020 | FRANCE | N°19BX05004

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2020, 19BX05004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1903898 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté du 13 juin 2019 et enjoint au préfet de la Haute-Ga

ronne de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et famil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1903898 du 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté du 13 juin 2019 et enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. E....

Il soutient que :

- M. E... ne remplit pas les conditions fixées par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour dès lors qu'une expertise génétique a démontré qu'il n'était pas le père de la jeune A... C... ;

- la reconnaissance de paternité effectuée par M. E... le 22 mai 2013 est frauduleuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2020, M. B... E..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant marocain, est entré en France selon ses déclarations le 21 août 2010. À compter du 19 novembre 2013 et jusqu'au 18 novembre 2016, il a bénéficié de cartes de séjour temporaires d'une durée d'un an au titre de la vie privée et familiale, continuellement renouvelées en qualité de père d'une enfant française. Le 20 octobre 2016, M. E... a sollicité la délivrance d'une carte de résident valable dix ans sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 314-9 du même code. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé ainsi que de renouveler son titre de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 6 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté à la demande de M. E... et lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident est délivrée de plein droit : / (...) 2° A l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11 ou d'une carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 2° de l'article L. 313-18, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour et qu'il ne vive pas en état de polygamie. / L'enfant visé au présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Si M. E... a reconnu le 22 mai 2013 être le père de la jeune A... C..., née en 2011, il ressort des pièces du dossier, et notamment des conclusions de l'expertise génétique produite par le préfet et non contestée, qu'il n'est pas son père biologique. En outre, M. E... ne produit aucun élément attestant d'une présence sur le territoire français antérieurement à l'année 2013. Si M. E... fait valoir qu'il s'occupe de la jeune A... et produit, notamment, des éléments établissant qu'il a payé en 2015 et jusqu'en avril 2016 la pension alimentaire due pour son entretien ainsi que ses factures de cantine de mars 2015 à février 2016, et qu'il l'a emmenée en vacances au Maroc en juin 2015 et en juillet 2016, ces éléments ne peuvent suffire à le faire regarder comme entretenant avec elle, à la date de la décision litigieuse, des liens d'une particulière intensité. En outre, il est constant que M. E... est séparé de la mère de l'enfant et qu'une ordonnance du juge aux affaires familiales du 12 octobre 2016 lui fait interdiction d'entrer en relation avec elle et le condamne à quitter le domicile conjugal en raison des violences perpétrées à son encontre. Par ailleurs, M. E... ne se prévaut d'aucune autre relation familiale en France, alors qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté qu'il n'est pas isolé au Maroc. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision portant refus de titre de séjour était entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. E....

4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse et la cour.

Sur les autres moyens invoqués par M. E... :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. Par un arrêté du 27 mars 2019, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du 2 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F... à l'effet de signer notamment les décisions intervenant en matière de police des étrangers. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit donc être écarté.

6. La décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

7. Pour les motifs exposés au point 3, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. E... à mener une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. Il ressort des pièces du dossier que la demande de M. E... ne tendait pas à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par suite, M. E... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 et des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. E....

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903898 du tribunal administratif de Toulouse du 6 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... E....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme H... D..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne D...Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX05004


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ESCUDIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 29/07/2020
Date de l'import : 15/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX05004
Numéro NOR : CETATEXT000042184460 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;19bx05004 ?
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