Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 15 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1900608 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 20 juin 2019 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie ;
- le préfet n'établit pas que le traitement qui lui est nécessaire serait disponible en Algérie ;
- la décision portant refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... C... épouse A..., ressortissante algérienne née le 25 décembre 1988, est entrée régulièrement en France le 22 septembre 2017 munie d'un passeport algérien revêtu d'un visa Schengen d'une durée de 90 jours valable du 4 septembre 2017 au 2 mars 2018. Le 10 avril 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 13 février 2019, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer le certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;
3. Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage sur leur fondement l'éloignement vers l'Algérie d'un ressortissant algérien, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement décider l'éloignement vers l'Algérie que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans ce pays. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays.
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A..., le préfet de la Haute-Vienne s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 8 octobre 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui indique que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
5. Si Mme A... a produit devant le tribunal une ordonnance portant des mentions manuscrites rédigées par deux pharmaciens indiquant que certains des médicaments utilisés pour le traitement de ses affections ne sont pas disponibles sur le marché algérien, il ressort du courriel du 6 mai 2019 émanant du médecin conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France, dont la teneur n'est pas contestée, que des molécules substituables à l'ensemble de ses traitements y sont disponibles. Par ailleurs, si Mme A..., qui produit des études concernant le régime algérien de sécurité sociale, soutient qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement de ce traitement eu égard à ses ressources et à l'impossibilité pour elle de bénéficier du système de sécurité sociale dans son pays d'origine, il ressort des pièces produites par le préfet en appel et non contestées qu'une couverture en matière de soins de santé existe également en Algérie au bénéficie des personnes démunies non assurées sociales. Enfin Mme A... ne peut utilement invoquer le suivi médical nécessité par sa grossesse actuelle dès lors que cette circonstance est postérieure à l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait fait une inexacte application des stipulations précitées doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, Mme A... résidait sur le territoire français depuis moins d'un an et cinq mois. La seule attestation de l'association " Escales solidaires " selon laquelle elle participe à la vie de cette association et à l'organisation de ses fêtes n'est pas suffisante pour caractériser une volonté d'intégration particulière. Mme A... ne se prévaut d'aucune attache sur le territoire autre que son mari et ses deux enfants et ne soutient pas être dépourvue de tout lien dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Si elle fait valoir, pour la première fois en appel, que son mari également présent sur le territoire français bénéficie d'un titre de séjour, il ressort des pièces du dossier que le certificat de résidence en cause, portant la mention " travailleur temporaire ", lui a été délivré postérieurement à l'arrêté attaqué. Par ailleurs, M. A... est également de nationalité algérienne, si bien que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstruise en Algérie. Par suite, eu égard notamment à la durée de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante à mener une vie privée et familiale normale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale en raison de l'illégalité du titre de séjour doit être écarté.
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
10. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de ce que Mme A... ne pouvait, en application des dispositions précitées, faire l'objet d'une mesure d'éloignement, doit être écarté.
11. Pour les motifs exposés au point 7, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le droit de la requérante à mener une vie privée et familiale normale et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa requête. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :
Mme F... B..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne B...Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Stephan Triquet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19BX04211