Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler, d'une part, la délibération du 1er octobre 2015 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a accordé un certificat d'urbanisme positif à M. D... et, d'autre part, de la délibération du 8 septembre 2016 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a accordé un permis de construire à M. D....
Par un jugement n° 1700013 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté les conclusions de Mme A... dirigées contre la délibération du 1er octobre 2015 et a annulé la délibération du 8 septembre 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2019, M. D..., représenté par la SELARL Grisoli, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 11 décembre 2018 en tant qu'il a annulé la délibération du 8 septembre 2016 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy tendant à l'annulation de la délibération du 8 septembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- Mme A... ne justifiait pas d'un intérêt à agir devant le tribunal au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- compte tenu du certificat d'urbanisme positif qui lui a été délivré le 1er octobre 2015, qui est devenu définitif, et dès lors qu'il a déposé sa demande de permis de construire pendant la durée de validité du certificat, le conseil exécutif était tenu de lui accorder le permis de construire sollicité ;
- bien que son terrain d'assiette soit situé en dehors des parties urbanisées, le projet est autorisé par le 1° de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy dès lors qu'il s'agit d'une construction incompatible avec le voisinage de zones habitées.
Par un mémoire, enregistré le 2 août 2019, la collectivité de Saint-Barthélemy renvoie à ses écritures de première instance et déclare s'en remettre à la sagesse de la cour.
Par un mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, Mme C... A..., représentée par l'AARPI Bretoneiche-Decap, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- voisine immédiate du terrain d'assiette du projet, elle justifie d'un intérêt pour agir ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a obtenu la délivrance, le 1er octobre 2015, d'un certificat d'urbanisme indiquant que son projet de construction, sur la parcelle cadastrée AN n° 254 à Saint-Barthélemy, d'un local pour l'entreposage d'outillage professionnel était réalisable puis, le 8 septembre 2016, d'un permis de construire pour la construction d'un tel local sur la même parcelle. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a, par jugement du 11 décembre 2018, d'une part, rejeté les conclusions tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme et, d'autre part, annulé le permis de construire. M. D... relève appel de ce jugement dans cette mesure.
2. Après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir de Mme A..., les premiers juges ont annulé le permis de construire en litige au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy.
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
4. Il résulte de l'article L .600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
5. Il est constant que la maison d'habitation de Mme A... et le terrain d'assiette du projet en litige sont situés de part et d'autre de leur voie de desserte, d'une largeur de l'ordre de 5 à 6 mètres. L'intéressée doit donc être regardée comme voisine immédiate du projet. Celui-ci consiste en la construction d'un dépôt, avec espace fermé et espace ouvert protégé, comportant un local d'entreposage du matériel nécessaire à l'activité de l'entreprise de M. D..., d'environ 35 m², et l'extension d'une dalle en béton préexistante pour permettre le stationnement des véhicules de l'entreprise, dont l'activité consiste dans le nettoyage et la vidange des puisards et fosses septiques, l'évacuation des eaux usées et des travaux d'installation d'eau et de gaz en tous locaux. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies produites par les deux parties, que, malgré la présence de végétation de chaque côté de la voie de desserte, le projet sera visible depuis la maison de Mme A..., implantée dans un secteur largement naturel. Par ailleurs, l'intéressée fait également valoir que les allées et venues des engins de l'entreprise de M. D... qui vont se rendre que les emplacements de stationnement vont engendrer des nuisances sonores. Dans ces conditions, Mme A... justifie d'un intérêt à agir au sens des dispositions, citées au point 3 de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
6. En premier lieu, aux termes de l'article 52 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy : " Le certificat d'urbanisme indique, en fonction de la demande : / 1) les règles de constructibilité applicables ainsi que, le cas échéant, les limitations administratives au droit de propriété. Le certificat d'urbanisme indique également si le terrain est constructible. / 2) si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, compte tenu des règles d'urbanisme applicable et de la desserte par les équipements publics existants ou prévus. / La durée de validité du certificat est de dix-huit mois. / Lorsqu'une demande d'utilisation du sol est déposée pendant la durée de validité d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété telles qu'elles existaient à la date du certificat ne peuvent être remises en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique (...) / Lorsque le certificat d'urbanisme exprès indique, dans le cas prévu au 2) du présent article, que le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, cette décision porte exclusivement sur la localisation approximative du ou des bâtiments dans l'unité foncière, leur destination et sur les modalités de desserte par les équipements publics existants ou prévus ". Aux termes de l'article 55 du même code : " Lorsque le certificat d'urbanisme déclare que le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, cet accord porte exclusivement sur la localisation de l'opération et sur les modalités de desserte par les équipements publics existants ou prévus, compte tenu, s'il y a lieu, de la nature de l'opération, de la destination et de l'implantation des bâtiments projetés ainsi que de la surface hors oeuvre brute et de la surface hors oeuvre nette des planchers. / Il précise les formalités administratives à accomplir préalablement à la réalisation de l'opération ".
7. Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.
8. Il est constant que M. D... a déposé sa demande de permis de construire dans le délai de validité du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 1er octobre 2015. Ainsi qu'il vient d'être dit, il disposait dès lors du droit de voir sa demande examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à cette date. En revanche, cela ne lui donnait aucun droit à la délivrance du permis de construire sollicité, quand bien même le projet reprend la localisation et la nature de la construction prévue par le certificat d'urbanisme.
9. En second lieu, aux termes de l'article 2 du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy : " Les règles générales d'urbanisme sont les suivantes : / 1° En dehors des espaces urbanisés de la collectivité, seuls peuvent être autorisés : - l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension extrêmement mesurée des constructions existantes ; - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt général ; - les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées (...) ".
10. Il est constant que le terrain d'assiette du projet en litige est situé en dehors des espaces urbanisés de la collectivité. Compte tenu de ses caractéristiques, ce projet qui a pour objet la réalisation d'un local d'entreposage du matériel nécessaire à l'activité de l'entreprise de M. D... et d'une aire de stationnement des véhicules, le projet en litige ne saurait être regardé comme incompatible avec le voisinage des zones habitées. Il n'est ainsi pas au nombre de ceux pouvant par exception être réalisés en dehors des espaces urbanisés. Dans ces conditions, en délivrant le permis de construire en litige, le conseil exécutif de la collectivité de
Saint-Barthélemy a méconnu les dispositions de l'article 2 du code de l'urbanisme de
Saint-Barthélemy.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé le permis de construire qui lui a été délivré le 8 septembre 2016.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy et à Mme C... A....
Copie sera transmise au préfet de la Guadeloupe, représentant l'Etat dans la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy.
Copie sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de
Basse-Terre.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... F..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.
La présidente,
Brigitte F...
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, représentant l'Etat dans la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
3
N° 19BX00536