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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX04683

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19BX04683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1900708 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré

e le 12 décembre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Indre a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1900708 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 juillet 2019 ;

2) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Indre du 23 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Indre de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation et de l'admettre au séjour au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient, en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, que :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L.313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine où il ne pourrait pas bénéficier de la sérénité et de la stabilité dont il a besoin dans le cadre de ses soins ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, il justifie bien de plus de dix années de présence continue sur le territoire français ;

- la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il justifie être sur le territoire français depuis 2005, qu'il est autoentrepreneur depuis 2009, qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine où il ne peut envisager de poursuivre sereinement ses soins et où il continue de craindre pour sa sécurité en cas de retour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'ancienneté de sa présence en France, sa situation médicale, ses efforts d'intégration et l'intensité de ses attaches sur le territoire français sont de nature à constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L.312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit en qualité d'étranger malade et en raison de sa présence en France depuis plus de dix ans.

Il soutient, en ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français, qu'elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense présenté le 28 avril 2020, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2019/018813 du 14 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 27 mai 1971, de nationalité biélorusse, est entré en France selon ses déclarations le 30 mars 2005. Il a sollicité l'asile le 18 novembre 2005 et a été débouté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 janvier 2006, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 8 septembre 2008. Après avoir fait l'objet de la part du préfet de l'Indre d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire du 20 janvier 2009, M. E... a sollicité le 21 juin 2017 la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. Il relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2019 du préfet de l'Indre lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif au traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Pour refuser de délivrer à M. E... le titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L.311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Indre a formé son appréciation sur l'avis émis le 31 mars 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Selon cet avis, si l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existe dans son pays d'origine à destination duquel il peut voyager sans risque. Il ne ressort pas des pièces médicales produites au dossier par M. E..., au vu desquelles ce dernier souffre de rhumatisme psoriasique avec atteinte articulaire et cutanée, que la pathologie ainsi identifiée ne pourrait faire l'objet d'un traitement médical approprié en Biélorussie et que l'appréciation portée sur ce point par le préfet, à la suite de l'avis du collège de l'OFII, serait erronée.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux qui y ont été versés, que la pathologie dont est atteint M. E... est directement liée à des évènements traumatiques dont ce dernier allègue, sans l'établir, avoir été la victime dans son pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la simple perspective de retourner en Biélorussie est de nature à créer chez lui un état d'anxiété qui ravive sa maladie et ferait obstacle à toute efficacité des traitements disponibles dans ce pays.

6. Il s'ensuit que M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Indre a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée (...) à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Selon l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ".

8. M. E... fait valoir qu'à la date de la décision attaquée, il justifie d'une présence habituelle de plus de dix années sur le territoire français. Toutefois, les documents que produit M. E... au soutien de ses affirmations ne suffisent pas à établir qu'à la date de l'arrêté contesté du 23 janvier 2019, il aurait résidé habituellement en France depuis plus de dix ans. Ainsi, s'agissant de l'année 2010, s'il verse à l'appui de sa requête d'appel trois nouveaux documents, à savoir une lettre d'information de la direction générale des finances publiques datée du 29 janvier 2010, un avis de situation au répertoire SIRENE édité le 16 mai 2010 ainsi que la copie d'un avis d'impôt sur les revenus de 2010 établi le 26 juillet 2011, ces pièces ne sont pas de nature à établir la présence en France de l'intéressé au long de l'année 2010. De plus, M. E... ne produit aucun justificatif de sa présence en France pour la période du 30 avril 2013 au 30 mars 2014 ni pour celle allant du 26 juin 2015 au 13 février 2016. Par suite, comme le tribunal administratif l'a jugé, sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée ne peut être regardée comme établie et, dans ces conditions, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de prendre sa décision. Eu égard au fait que le requérant ne pouvait prétendre à un titre de séjour de plein droit en application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet n'était par ailleurs pas tenu de saisir la commission à ce titre.

9. En troisième lieu, M. E... reprend son moyen de première instance tiré de ce que la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et s'il fait valoir en appel qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine, il ne produit cependant aucun élément permettant de tenir ces allégations pour exactes. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

10. En quatrième lieu, M. E... reprend également ses autres moyens de première instance tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour, d'une part, méconnaît manifestement les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle. Compte tenu de ce qui précède, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

11. Si M. E... se prévaut de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 19BX04683 de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Me D... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. C... A..., président assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04683
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx04683 ?
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