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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX03342

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19BX03342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Fauga a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a implicitement rejeté sa demande du 3 août 2016 tendant à ce que 1'Etat procède à la dépollution de la parcelle cadastrée section B n°916 située sur son territoire et d'enjoindre à l'Etat d'achever dans l'année suivante ces travaux entamés le 3 octobre 2017.

Par un jugement n°1702520 du 11 juin 2019, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclu

sions à fin d'annulation et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Fauga a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a implicitement rejeté sa demande du 3 août 2016 tendant à ce que 1'Etat procède à la dépollution de la parcelle cadastrée section B n°916 située sur son territoire et d'enjoindre à l'Etat d'achever dans l'année suivante ces travaux entamés le 3 octobre 2017.

Par un jugement n°1702520 du 11 juin 2019, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 août 2019, la commune du Fauga, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1702520 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet ;

3°) d'enjoindre à l'Etat d'engager les travaux de dépollution du site dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; d'enjoindre à l'Etat d'avoir à terminer ces travaux dans le délai d'un an de leur mise en oeuvre ; d'assortir l'arrêt à intervenir d'une astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est mépris sur le contenu de la mise en demeure adressée au préfet le 3 août 2016 et, par conséquent, sur la portée de la décision implicite de rejet en litige ; il était demandé à l'Etat non pas d'entreprendre les travaux mais aussi de les achever ; dans ces conditions, la circonstance que les travaux aient démarré le 3 octobre 2017 ne pouvait équivaloir à un retrait de la décision implicite de rejet opposée à la demande du 3 août 2016 ;

- le tribunal ne pouvait juger que le procès-verbal du 3 octobre 2017 révélait une abrogation de la décision implicite de rejet ; il a conféré un caractère décisoire à un acte qui montrait qu'en réalité, le site n'était toujours pas dépollué ;

- le tribunal ne pouvait prononcer un non-lieu à statuer au motif que la décision implicite de rejet aurait été abrogée ; les travaux ont certes commencé mais ils ont été interrompus en février 2018 ainsi que l'a attesté le maire du Fauga en mai 2019 ;

- il appartient ainsi à la cour d'annuler la décision implicite de rejet en litige et d'enjoindre à l'Etat de mener à leur terme les travaux de dépollution.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 76-225 du 4 mars 1976 fixant les attributions respectives du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense en matière de recherche, de neutralisation, d'enlèvement et de destruction des munitions et explosifs ;

- le décret n° 2014-381 du 28 mars 2014 modifiant le décret n° 76-225 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune du Fauga.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention signée le 18 novembre 2003, la commune du Fauga a confié à la société de Labourdette la réalisation d'une zone d'aménagement concerté sur une unité foncière correspondant à la parcelle cadastrée section B n° 916. Afin de réaliser ce projet, la société de Labourdette a acquis auprès de la société nationale des poudres et explosifs, le 15 décembre 2003, la parcelle B n° 916.

2. Après la découverte dans le sol du terrain de munitions datant de la seconde guerre mondiale, la société de Labourdette a adressé au préfet de la Haute-Garonne, le 23 août 2006, une mise en demeure de faire enlever ces munitions. Le préfet a opposé à cette demande une décision implicite de rejet que le tribunal administratif de Toulouse a annulée par un jugement n° 0702647 du 4 mai 2012 qui condamnait aussi l'Etat à verser à la société de Labourdette une somme à titre de dommages et intérêts. Par un arrêt n° 12BX01747 du 8 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la société de Labourdette tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2012. Par décision n° 373818 du 16 mars 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la société de Labourdette, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 octobre 2013 en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société aux fins d'injonction de faire procéder à la dépollution du site et a renvoyé le jugement de ces conclusions devant la cour.

3. Entre temps, la commune du Fauga a adressé au préfet de la Haute-Garonne une mise en demeure du 3 août 2016, réceptionnée le 5 août, de faire procéder à la dépollution du terrain.

4. Statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, la cour d'administrative d'appel de Bordeaux a rendu un arrêt n° 16BX00976 du 18 octobre 2016 rappelant qu'en application de l'article 2 du décret n° 76-225 du 4 mars 1976, il incombe à l'Etat et à lui seul de faire réaliser la dépollution du terrain. La cour a ensuite jugé que l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande du 23 août 2006, tendant à ce qu'il soit procédé à la dépollution du site, implique nécessairement que les services spécialisés du ministère de l'intérieur procèdent aux opérations de dépollution. Constatant que ces opérations n'avaient pas été engagées, la cour a enjoint au ministre de l'intérieur de faire procéder à la dépollution du site dans un délai d'un an à compter de la notification de son arrêt et d'en justifier. En application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, la cour a assorti cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard.

5. Sa mise en demeure du 3 août 2016 ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, la commune du Fauga a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une requête, enregistrée le 2 juin 2017, tendant à l'annulation de cette décision implicite et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de terminer les travaux de dépollution dans l'année de leur mise en oeuvre. Par jugement n°1702520 du 11 juin 2019, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation et a rejeté les conclusions à fin d'injonction. La commune du Fauga relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Pour juger qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation dont il était saisi, le tribunal a estimé que la décision implicite de rejet en litige avait été implicitement abrogée compte tenu des mentions contenues dans un procès-verbal du 3 octobre 2017, produit par le préfet de la Haute-Garonne, selon lesquelles les services du centre interdépartemental de déminage de Toulouse avaient débuté les travaux de dépollution. Le tribunal a précisé que la circonstance que les travaux de dépollution n'étaient pas encore achevés à la date de sa décision ne faisait pas obstacle au prononcé du non-lieu à statuer.

7. Mais la seule circonstance que les travaux de démarrage des opérations de dépollution aient été constatés par un procès-verbal de gendarmerie du 3 octobre 2017, alors qu'il ressort des pièces du dossier que ces derniers ont été interrompus dès le mois de février 2018, ainsi que l'a attesté le maire du Fauga le 29 mai 2019, ne pouvait être regardée, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, comme emportant l'abrogation de la décision implicite de rejet en litige.

8. Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est ainsi entaché d'irrégularité en tant qu'il a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la commune. Par suite, il y a lieu d'annuler les articles 1er et 3 du jugement n° 1702520 du tribunal administratif de Toulouse.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la commune du Fauga devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 5 octobre 2016 :

10. Aux termes de l'article R. 733-31 du code de la sécurité intérieure, reprenant les dispositions de l'article 2 du décret du 4 mars 1976 : " Sur l'ensemble du territoire national, la recherche, la neutralisation, l'enlèvement et la destruction des munitions, mines, pièges, engins et explosifs sont, (...) de la compétence : 1° De services spécialisés relevant du ministre chargé de la sécurité civile, sur les terrains civils et, en cas de découverte d'objets pyrotechniques isolés, sur les terrains placés sous la responsabilité du ministère de la défense ; 2° Des services et formations spécialisés relevant du ministre de la défense, sur les terrains placés sous sa responsabilité et dans les eaux territoriales et sur le rivage de la mer, à l'exclusion des emprises des ports non militaires. ".

11. En vertu de ces dispositions, il appartient à l'Etat et à lui seul de faire procéder aux opérations de recherche, de neutralisation, d'enlèvement et de destruction des munitions, mines, pièges, engins et explosifs dont la présence a été détectée sur le territoire national. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une circonstance particulière, tenant par exemple à la préservation de la sécurité publique, pouvait justifier le refus opposé par l'Etat à la demande de la commune du 3 août 2016 ou, une fois les travaux de dépollution entamés, leur interruption en février 2018. Par suite, en rejetant implicitement la demande du 3 août 2016 par laquelle la commune du Fauga a sollicité des services de l'Etat la mise en oeuvre des travaux de dépollution de la parcelle B n° 916, le préfet de la Haute-Garonne a entaché sa décision d'illégalité.

12. Dès lors, la commune du Fauga est fondée à demander l'annulation de la décision implicite de rejet du 5 octobre 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite (...) d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

14. Ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte de l'instruction et notamment de l'attestation du maire de Fauga du 28 mai 2019 que les travaux de dépollution du site ont été interrompus dès le mois de février 2018 et qu'ils n'ont pas redémarré depuis. Dans ces conditions, et compte tenu du refus persistant de l'Etat de se conformer à la chose jugée, il y a lieu de lui prescrire de reprendre les travaux de dépollution du site dès la notification du présent arrêt et de les achever dans le délai d'un an. En raison du refus persistant de l'Etat de procéder à la dépollution du site, il y a lieu d'assortir l'injonction prononcée d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt.

15. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la commune du Fauga au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement n° 1702520 du tribunal administratif de Toulouse du 11 juin 2019 et la décision implicite de rejet du 5 octobre 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'Etat de faire reprendre par les services compétents les travaux de dépollution de la parcelle cadastrée B n° 916, située chemin Frantoupin au Fauga, dès la notification du présent arrêt et de les achever dans un délai d'un an, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de cette même notification. Le ministre de l'intérieur communiquera à la cour copie des actes et de tous éléments justifiant des mesures prises pour exécuter cette injonction.

Article 3 : L'Etat versera à la commune du Fauga la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Fauga, au ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'intérieur et à la Société nationale des poudres et explosifs. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. C... A..., président-assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N°19BX03342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03342
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07-01-03-02-03 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Conclusions. Conclusions irrecevables. Demandes d'injonction.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx03342 ?
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