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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX02706

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 09 juillet 2020, 19BX02706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D..., Mme K... I..., M. F... J... et Mme L... A...-M... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 août 2018 par lequel le maire d'Arbanats a délivré à la société Ranchère un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 24 lots à bâtir dénommé " Le clos du Merlot " sur un terrain situé chemin du Berot au lieu-dit Teychon à Arbanats.

Par un jugement n° 1804419 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté d

u 9 août 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2019 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D..., Mme K... I..., M. F... J... et Mme L... A...-M... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 août 2018 par lequel le maire d'Arbanats a délivré à la société Ranchère un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 24 lots à bâtir dénommé " Le clos du Merlot " sur un terrain situé chemin du Berot au lieu-dit Teychon à Arbanats.

Par un jugement n° 1804419 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 9 août 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2019 et un mémoire enregistré le 2 mars 2020, la société Ranchère, représentée par SELARL Lex Urba, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de mettre à la charge de M. D..., Mme I..., M. J... et Mme A...-M... une somme globale de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable faute pour les requérants de disposer d'un intérêt à agir ;

- le moyen d'annulation retenu par les premiers juges tenant à l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué est régularisable ;

- le projet litigieux est compatible avec les orientations d'aménagement et de programmation prévue par le plan local d'urbanisme concernant le secteur de la Rieste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, M. D..., Mme I..., M. J... et Mme A...-M..., représentés par la SCP Guespin Casanova, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... E...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la SAS Ranchère, et les observations de Me G..., représentant Mme I..., Mme A...-M..., M. J... et M. D....

Une note en délibéré présentée pour la SAS Ranchère a été enregistrée le 26 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 juillet 2017, le maire d'Arbanats a délivré à la société Ranchère un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 25 lots à bâtir dénommé " Le clos de Teychon " sur un terrain d'une superficie de 18 281 mètres carrés, situé chemin du Berot au lieu-dit Teychon. Par un arrêté du 20 octobre 2017, le maire a retiré ce premier arrêté et délivré un nouveau permis d'aménager à la même société pour le même projet. Saisi par Mme I..., M. D... et M. J..., le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté du 20 octobre 2017 par un jugement n° 1705350 du 13 juin 2019 aux motifs qu'il méconnaissait les dispositions de l'article 1 AU-2 du plan local d'urbanisme concernant la proportion minimale de logements sociaux devant être réalisés et était incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur de la Rieste. Le 27 mars 2018, la société Ranchère a déposé une nouvelle demande de permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement dénommé " Le Clos du Merlot " comprenant cette fois 24 lots à bâtir dont un macro-lot destiné à la réalisation de logements sociaux, en lieu et place du projet initial. Par un arrêté du 9 août 2018, le maire d'Arbanats a accordé le permis d'aménager sollicité. La société Ranchère relève appel du jugement n° 1804419 du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, saisi de nouveau par Mme I..., M. D..., M. J... et Mme A...-M..., a annulé cet arrêté du 9 août 2018.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., Mme I..., M. J... et Mme A...-M... sont chacun propriétaire de terrains supportant des constructions à usage d'habitation situés respectivement aux 13, 11, 15 et 23 chemin du Bérot. Ces terrains jouxtent tous le terrain d'assiette du projet litigieux, à l'exception de celui de M. D..., qui en est séparé, au nord, par celui de M. J... et, au sud, par celui de Mme I... et n'en est distant dans les deux cas que d'une quinzaine de mètres. M. D..., Mme I..., M. J... et Mme A...-M... ont donc tous la qualité de voisins immédiats du projet. Ainsi qu'il a été dit au point 1, ce projet consiste en un lotissement de 24 lots, dont un macro-lot destiné à la réalisation de logements sociaux. Compte tenu de son ampleur et de sa proximité avec les biens des requérants, il sera de nature à en affecter directement les conditions de desserte par le chemin du Bérot, dans une zone rurale encore peu densément peuplée et d'ailleurs identifiée comme une " dent creuse " de l'urbanisation par le plan local d'urbanisme, ainsi que leur environnement visuel et sonore, à la fois du fait du nombre des constructions nouvellement implantées et en raison de la suppression des terrains non construits et plantés de vignes auxquels il se substituera et qui entourent les constructions des requérants. Le projet est donc susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance des biens des requérants de première instance, lesquels justifient, par suite, d'un intérêt à agir à l'encontre du permis litigieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Si la société Ranchère soutient que le moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis litigieux retenu par les premiers juges peut faire l'objet d'une régularisation, elle n'en conteste pas le bien-fondé.

5. D'une part, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ". Aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement (...) ".

6. D'autre part, le préambule du chapitre I du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Arbanats applicable à la zone 1 AU indique que : " La zone 1AU correspond aux sites d'extension urbaine. Il s'agit d'espaces destinés à accueillir à court ou moyen E... des constructions principalement à usage d'habitation, mais également des équipements, services, commerces ou encore des activités artisanales, sous condition de compatibilité avec le tissu urbain environnant. Ces terrains sont suffisamment desservis par les réseaux. Leur ouverture à l'urbanisation est conditionnée à la réalisation d'une opération d'ensemble et doit être compatible avec les orientations d'aménagement jointes au présent règlement " et l'article 1 AU-2 du même règlement dispose : " Les occupations et utilisations du sol suivantes ne sont admises que si elles respectent les conditions ci- après : / (...) les constructions à usage d'habitation, commercial, artisanal, de bureaux et d'hôtellerie à condition qu'elles soient intégrées dans une opération d'ensemble et qu'elles soient compatibles avec les orientations d'aménagement (...) ".

7. L'orientation d'aménagement annexée au plan local d'urbanisme d'Arbanats indique au titre de ses " principes généraux " que " les espaces publics (...) doivent être accessibles à tous et traversants. Il faut ainsi éviter au maximum les clos, les culs de sac et les impasses ". S'agissant spécifiquement du secteur de la Rieste, elle mentionne que : " la zone 1AU de la Rieste (...) constitue (...) une dent creuse importante (un peu plus de 5 ha) au sein du tissu urbain existant qu'il semblait important de combler (...). La zone permettra d'implanter des constructions plus en profondeur tout en conservant un caractère très rural à la zone, grâce au maintien de vignes au coeur de l'urbain, à la création d'espaces publics centraux et à la mise en place de noue (...) ". Elle prévoit également, au titre des principes d'aménagement de la zone, que : " La commune (...) affiche sa volonté de tendre vers un développement urbain maîtrisé et de qualité, respectueux de l'identité et du cadre de vie du territoire (...). Le maintien de vignes permet d'assurer une urbanisation de qualité et de conserver le caractère rural du site qui prolonge un petit village. La création d'espaces publics centraux et fédérateurs, de cheminements piétons permet d'aménager des espaces de rencontre et de favoriser le lien social entre les habitants du quartier. La mise en place de liaisons avec les voies existantes, autant que possible permet de relier ces quartiers et de mailler avec l'existant (...) ".

8. Il ressort des dispositions précitées et des plans et schémas compris dans cette orientation, qui a un caractère suffisamment précis pour être opposable au permis litigieux et dont les dispositions n'ont pas nécessairement à être intégralement reprises par le règlement du plan local d'urbanisme pour ce faire, que la commune d'Arbanats, si elle a fait le choix d'une urbanisation du secteur de La Rieste, dont il est constant qu'il est classé en zone 1 AU, a, d'une part, néanmoins souhaité en préserver le " caractère très rural " et, d'autre part, opté pour un aménagement d'ensemble de l'îlot compris entre le chemin du Bérot, la RD 113 et l'avenue des Araires qui comprenne des circulations entre le chemin du Bérot et la RD 113, conserve le caractère naturel des espaces centraux compris entre ces deux voies en organisant les constructions autour de ceux-ci et évite autant que possible la constitution de voies de circulation ne permettant que la desserte des constructions riveraines.

9. Compte tenu de sa configuration, le projet litigieux aura pour effet d'empêcher la réalisation de deux des quatre voies de circulation envisagées entre le chemin du Bérot et la RD 113, de supprimer l'un des deux " espaces publics centraux ", constitué par la plus grande partie de la parcelle cadastrée section B n° 948 actuellement plantée de vignes, de créer une voie de desserte unique se terminant en impasse pour 23 des lots envisagés, de densifier notablement l'habitat de la zone et ainsi d'empêcher la réalisation sur la majeure partie du secteur concerné par l'orientation d'aménagement précitée des principes qu'elle retient. Dès lors, la société Ranchère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le permis d'aménager litigieux n'était pas compatible avec cette orientation d'aménagement.

10. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

11. La régularisation du vice identifié au point 9 supposerait une redistribution des lots prévus ainsi qu'une diminution de leur nombre, un déplacement et une augmentation de la superficie de l'espace vert et une modification de la voie de desserte interne du lotissement et n'apparaît donc pas régularisable sans que soit remise en cause la conception générale du projet. Dès lors, la société Ranchère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1.

12. A le supposer invoqué, le moyen tiré de ce que le vice tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée est régularisable doit être écarté comme inopérant, les premiers juges ayant rejeté les conclusions tendant à la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 en se fondant uniquement sur le caractère non régularisable du vice tiré de l'incompatibilité du permis d'aménager litigieux avec l'orientation d'aménagement du secteur de La Rieste.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ranchère n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 9 août 2018 par lequel le maire d'Arbanats lui a délivré un permis d'aménager.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., Mme I..., M. J... et Mme A...-M..., qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, la somme que demande la requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ranchère est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Ranchère, à Mme K... I..., à Mme L... A...-M..., à M. F... J..., à M. B... D... et à la commune d'Arbanats.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. C... E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX02706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02706
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CASANOVA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx02706 ?
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