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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX01167

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 09 juillet 2020, 19BX01167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 126 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue à compter du 1er août 1990 et celle à laquelle il a droit et d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer le montant de son indemnité différentielle à compter du 1er mars 2017.

Par un jugement n° 1703558 du 17 décembre 2018, l

e tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. F... une somme corr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat à lui verser la somme de 126 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue à compter du 1er août 1990 et celle à laquelle il a droit et d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer le montant de son indemnité différentielle à compter du 1er mars 2017.

Par un jugement n° 1703558 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. F... une somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle qu'il a perçue à compter du 1er janvier 2013 et celle qu'il aurait dû percevoir en retenant une prime de rendement au taux de 32 %, assortie des intérêts à compter du 28 avril 2017 eux-mêmes capitalisés à compter du 3 août 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 20 mai 2020, M. F..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 17 décembre 2018 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 126 000 euros pour la période du 1er août 1990 au 30 avril 2017, somme assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande concernant le calcul de l'indemnité différentielle à compter du 1er mai 2017 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la créance résultant de l'erreur dans la liquidation de l'indemnité différentielle entre le 1er octobre 1981 et le 1er janvier 2013 n'est pas prescrite dès lors qu'il doit être regardé comme en ayant légitimement ignoré l'existence au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics et que le courrier du 18 septembre 2013 du ministre de la défense en a interrompu le cours en application de l'article 2 de cette même loi ;

- ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de réexaminer sa demande concernant le calcul de l'indemnité différentielle à compter du 1er mai 2017 sont recevables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2020, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les créances de M. F... antérieures au 1er janvier 2013 sont prescrites au profit de l'Etat ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 ;

- le décret n° 67-99 du 31 janvier 1967 ;

- le décret n° 89-753 du 18 octobre 1989 ;

- la décision du 13 juin 1968 relative aux taux de la prime de rendement attribuée aux ouvriers du ministère des armées ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. F....

Une note en délibéré présentée pour M. F... a été enregistrée le 25 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ancien ouvrier de l'Etat affecté à la direction générale de l'armement " essais de missiles " du site de la Gironde, a été nommé dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense le 1er août 1990. A compter de son intégration dans un corps de fonctionnaire, il a bénéficié de l'indemnité différentielle prévue par les dispositions du décret du 23 novembre 1962 relatif à l'octroi d'une indemnité différentielle à certains techniciens d'études et de fabrications du ministère des armées. Estimant que les montants qu'il avait perçus à ce titre étaient inférieurs à ceux auxquels il avait droit, il a sollicité, par un courrier du 26 avril 2017, la révision des modalités de calcul de ces montants ainsi que le versement de la somme correspondante. Une décision implicite de rejet lui ayant été opposée, il a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner la révision du montant de son indemnité différentielle et de condamner l'Etat à lui verser les sommes qu'il estimait lui être dues. Par un jugement du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. F... une somme correspondant à la différence entre l'indemnité différentielle perçue à compter du 1er janvier 2013 et celle qu'il aurait dû percevoir en retenant une prime de rendement au taux de 32 %, assortie des intérêts à compter du 12 juin 2017 eux-mêmes capitalisés à compter du 12 juin 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure, et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. F... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 23 novembre 1962 relatif à l'octroi d'une indemnité différentielle à certains techniciens d'études et de fabrications du ministère des armées : " Les techniciens d'études et de fabrications relevant du ministère des armées provenant du personnel ouvrier (...) perçoivent, le cas échéant, une indemnité différentielle ; cette indemnité est égale à la différence entre, d'une part, le salaire maximum de la profession ouvrière à laquelle appartenaient les anciens ouvriers (...) à la date de leur nomination et, d'autre part, la rémunération qui leur est allouée en qualité de fonctionnaire (...) ". L'article 6 du décret du 18 octobre 1989 portant attribution d'une indemnité compensatrice à certains techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense prévoit que : " Les dispositions du décret n° 62-1389 du 23 novembre 1962 demeurent applicables : / 1° Aux techniciens supérieurs d'études et de fabrications nommés au titre de l'article 15 du décret susvisé qui bénéficiaient de ces dispositions antérieurement à leur nomination dans un corps de techniciens supérieurs d'études et de fabrications ; (...) ". L'article 3 du décret du 31 janvier 1967 relatif à la détermination des taux des salaires des techniciens à statut ouvrier du ministère des armées prévoit que : " Aux taux de salaires (...) s'ajouteront les primes et indemnités fixées par décisions interministérielles ". Enfin, la décision ministérielle du 13 juin 1968 relative aux taux de la prime de rendement attribuée aux ouvriers du ministère des armées dispose que : " I - A compter du 1er avril 1968, les primes de rendement allouées aux ouvriers et aux techniciens à statut ouvrier des armées varient de 0 à 32 p. 100 du salaire du 1er échelon du groupe professionnel auquel ils appartiennent (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Enfin l'article 3 de la même loi dispose : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que l'indemnité différentielle à laquelle peuvent prétendre les techniciens supérieurs d'études et de fabrications provenant du personnel ouvrier et qui en bénéficiaient antérieurement à leur intégration dans ce corps doit être calculée sur la base des émoluments correspondant au salaire le plus élevé pouvant être perçu, à la date de leur nomination, dans la profession qu'ils ont exercée avant leur intégration, auquel il convient d'ajouter, conformément à l'article 3 du décret du 31 janvier 1967 précité, les primes et indemnités fixées par des instructions interministérielles. Au nombre de celles-ci figure la prime de rendement, dont le taux maximum a été fixé en vertu de la décision du ministre des armées du 13 juin 1968 à 32 % du salaire du 1er échelon du groupe professionnel auquel ils appartiennent.

5. Si M. F... soutient qu'il doit être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance, au sens des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 précité, avant le 25 août 2015, date à laquelle une affaire analogue a été jugée pour la première fois par le tribunal administratif de Rouen, la détermination du montant de sa créance résulte de l'application directe des textes cités au point 2, qui ont été régulièrement publiés, et il était loisible au requérant de demander la revalorisation de l'indemnité différentielle qu'il percevait, et le cas échéant de contester la décision de l'administration, avant même l'intervention de ce jugement du tribunal administratif de Rouen. A cet égard, est sans incidence la circonstance que l'autorité administrative aurait elle-même commis une erreur dans la liquidation du montant de l'indemnité en litige.

6. En application des dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 précité, le cours de la prescription peut être interrompu par une communication écrite d'une administration intéressée, à la condition que ce recours ou cette communication ait trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance. Si M. F... soutient que le délai de prescription a été interrompu en application de ces dispositions par la note de la direction des ressources humaines du ministère de la défense du 21 juin 2013, cette note se borne, d'une part, à exposer les modalités générales de calcul de l'indemnité différentielle, et, d'autre part, à informer le requérant des conséquences de celle-ci sur sa situation à compter du 1er octobre 2013, et n'a donc pu, en tout état de cause, avoir pour effet d'interrompre le cours de la prescription des créances nées antérieurement à cette date.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que la créance dont il se prévalait était prescrite en tant qu'elle était antérieure au 1er janvier 2013 et a rejeté sa demande dans cette mesure.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Il résulte de l'instruction, et il n'est en outre pas contesté, que l'administration a versé à M. F... la somme due en exécution du jugement attaqué et a procédé à la révision des bases de calcul de l'indemnité différentielle pour la période postérieure. Les conclusions de M. F... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de réexaminer sa demande concernant le calcul de l'indemnité différentielle à compter du 1er mai 2017 étaient donc sans objet à la date d'introduction de la requête et doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. B... C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX01167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01167
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LAVEISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx01167 ?
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