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09/07/2020 | FRANCE | N°19BX01043

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 09 juillet 2020, 19BX01043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Incana Cambaie, société civile immobilière, a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération n° 13 du 30 juin 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Paul a autorisé la vente de la parcelle cadastrée section HN n° 35 à la société Groupe Bernard Hayot.

Par un jugement n° 1600992 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mar

s 2019 et des mémoires enregistrés le 26 mars 2019 et le 29 juillet 2019, la société Incana Cambaie, re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Incana Cambaie, société civile immobilière, a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération n° 13 du 30 juin 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Paul a autorisé la vente de la parcelle cadastrée section HN n° 35 à la société Groupe Bernard Hayot.

Par un jugement n° 1600992 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2019 et des mémoires enregistrés le 26 mars 2019 et le 29 juillet 2019, la société Incana Cambaie, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 décembre 2018 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir à l'encontre de la délibération attaquée en qualité de contribuable local, en qualité de titulaire de l'option d'achat prévue par le bail à construction conclu avec la commune de Saint-Paul les 3 et 7 août 1990, de propriétaire des locaux édifiés sur le terrain objet de la vente et en qualité de créancière de la commune ;

- la similitude de l'estimation de la valeur du terrain par la commune dans sa saisine de France Domaine et de l'évaluation faite par ce service " [laisse] planer un doute de collusion " ;

- les conseillers municipaux n'ont pas été suffisamment informés préalablement à l'adoption de la délibération attaquée ;

- la délibération attaquée méconnaît les stipulations du bail à construction signé les 3 et 7 août 1990 et le cahier des charges annexé ;

- la délibération attaquée méconnaît l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 19 septembre 2007.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2019, la commune de Saint-Paul, représentée par la SCP Charrel et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance d'information préalable du conseil municipal est nouveau en appel et dès lors irrecevable ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Saint-Paul.

Considérant ce qui suit :

1. Par des actes notariés des 3 et 7 août 1990, la commune de Saint-Paul et la société Incana Cambaie ont signé un bail à construction d'une durée de vingt ans à compter du 7 août 1990, assorti d'une promesse de vente, concernant une parcelle de terrain à bâtir cadastrée section AB n° 254, devenue HN n° 35, d'une superficie de 3 626 mètres carrés et située au sein d'un lotissement dénommé " Z.A. Cambaie ", en contrepartie d'un loyer annuel d'un montant de 25 382 francs, révisable en fonction de l'indice du coût de la construction. Par un jugement du 19 septembre 2007, devenu définitif, le tribunal de grande instance de Saint-Denis a rejeté les conclusions de la société Incana Cambaie tendant à ordonner à la commune de réitérer par acte authentique la vente de cette parcelle, a fait droit aux conclusions reconventionnelles de la commune tendant à la résiliation du bail au motif de l'absence de règlement des loyers et de la conclusion d'un bail avec une société commerciale sans l'approbation préalable de la commune, en méconnaissance de ses obligations contractuelles, et a ordonné l'expulsion de la société Incana Cambaie de la parcelle. Par une délibération du 30 juin 2016, le conseil municipal de Saint-Paul a approuvé la cession de cette parcelle à la société Groupe Bernard Hayot au prix de 1 450 000 euros et a autorisé le maire à signer tous les actes relatifs à cette affaire. La vente a été constatée par un acte authentique du 31 octobre 2016, publié le 24 novembre 2016. La société Incana Cambaie relève appel du jugement du 10 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'une délibération d'un conseil municipal emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, un contribuable de cette commune n'est recevable à en demander l'annulation pour excès de pouvoir que si les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales sont d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir.

3. D'une part, en tant qu'elle approuve la vente du terrain litigieux, la délibération attaquée n'entraîne aucune dépense pour la collectivité. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 12 avril 2016, le service des domaines a estimé la valeur globale de la parcelle à la somme de 1 456 000 euros. La faible différence de 6 000 euros entre cette estimation, qui est en outre assortie d'une marge de négociation de 10%, et le prix de cession retenu par la délibération attaquée ne permet pas de regarder cette dernière comme entraînant en appauvrissement de la commune qui serait susceptible de conférer un intérêt pour agir à la société requérante en sa qualité de contribuable de la commune de Saint-Paul. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que le montant de l'évaluation faite par France Domaine et le prix de cession retenu " [laissent] planer un doute de collusion (voire plus grave) ", la société requérante ne conteste pas utilement cette évaluation de la valeur du terrain en cause, et la circonstance qu'elle aurait acquitté indûment la taxe foncière est à cet égard sans incidence, alors en outre qu'à la date d'introduction de la requête de première instance, elle n'en justifie plus le paiement.

4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par son jugement du 19 septembre 2007, devenu définitif le 5 décembre 2010 ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis du 3 avril 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Denis a rejeté les conclusions de la société Incana Cambaie tendant à ordonner à la commune de réitérer par acte authentique la vente de la parcelle litigieuse et prononcé la résiliation du bail à construction. La société requérante ne peut donc utilement faire valoir qu'elle serait titulaire de l'option d'achat prévue par ce bail à construction pour soutenir qu'elle aurait intérêt à agir. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ses allégations, que la société Incana Cambaie aurait continué d'acquitter ses loyers postérieurement à cette décision du tribunal de grande instance de Saint-Denis, et l'avenant au bail commercial dont elle se prévaut a été conclu avec la seule société Balmy automobile. Enfin, si la société requérante se prévaut de sa qualité de propriétaire des constructions réalisées pendant la durée du bail à construction sur la parcelle litigieuse, il résulte de la lecture de ce bail que ces constructions devaient revenir, en cas de résiliation ou d'expiration de la convention, à la commune. Dès lors, la société requérante ne justifie d'aucun titre à occuper la parcelle lui donnant intérêt pour agir contre la délibération attaquée.

5. Enfin, si la société requérante fait valoir que la commune ne lui a toujours pas versé l'indemnité de résiliation du bail conclu en 1990 en dépit de la reconnaissance par le jugement du 19 septembre 2007 du tribunal de grande instance de Saint-Denis du bien-fondé de cette créance, la délibération attaquée est par elle-même sans incidence sur les conditions de versement de cette indemnité. Dès lors, la société requérante ne peut se prévaloir de cette créance pour justifier d'un intérêt à en demander l'annulation.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Incana Cambaie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Paul, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que demande la société Incana Cambaie au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de Saint-Paul à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Incana Cambaie est rejetée.

Article 2 : La société Incana Cambaie versera à la commune de Saint-Paul une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Incana Cambaie, à la commune de Saint-Paul et à la société Groupe Bernard Hayot.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. A... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19BX01043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01043
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : FIDAL SAINT DENIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-09;19bx01043 ?
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