Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 482 608,50 euros et de 30 000 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 5 juillet 2012 par laquelle le commandant des sapeurs-pompiers de Paris a mis fin à sa mise à disposition de la base d'hélicoptères de la sécurité civile de Bordeaux et l'a affecté à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.
Par un jugement n° 1602276 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 août 2018, 18 juin 2019, 8 août 2019 et 25 septembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 29 juin 2018 ;
2°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance du juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Bordeaux ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 512 608,50 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 5 juillet 2012 par laquelle le commandant des sapeurs-pompiers de Paris a mis fin à sa mise à disposition de la base d'hélicoptères de la sécurité civile de Bordeaux et l'a affecté à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas statué sur la demande de sursis à statuer dans l'attente d'un jugement judiciaire susceptible d'avoir une incidence sur le règlement du litige ;
- le principe général des droits de la défense n'a pas été respecté dans la mesure où il n'a pas eu accès à son dossier administratif et qu'il n'a pas été mis à même de présenter des observations orales ou écrites préalablement à l'édiction de la mesure mettant fin à sa disposition au sein de la base d'hélicoptères de Bordeaux ; le non-respect de ce principe constitue une illégalité fautive engageant la responsabilité de l'Etat ;
- la décision par laquelle l'administration a décidé de mettre fin à sa mise à disposition au sein du groupement d'hélicoptères est constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée ;
- le préjudice subi en raison de la privation d'une partie de sa rémunération est de 360 913,50 euros ; le manque à gagner sur le montant de sa pension de retraite s'élève à 68 400 euros ; le préjudice résultant de l'impossibilité de prendre ses jours de repos compensateurs doit être évalué à 53 295 euros ; le préjudice moral lié aux conditions vexatoires dans lesquelles la décision de fin de mise à disposition a été édictée et à l'absence de conciliation, de délai de réflexion minimum et de transparence de l'administration dans la gestion de son dossier, doit être évalué à 30 000 euros ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, il existe un lien de causalité direct entre la faute commise par l'Etat et des préjudices qu'il a subis.
Par un mémoire enregistré le 20 août 2019, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que l'ensemble des moyens développés par M. D... ne sont pas fondés.
L'instruction a été close au 4 novembre 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Des mémoires présentés pour M. D... ont été enregistrés les 21 avril et 19 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- le décret n° 2010-1109 du 21 septembre 2010 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. D....
Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 23 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... est entré en service en janvier 1986 à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) en qualité de sapeur-pompier. Il a été mis à disposition de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises au sein du ministère de l'intérieur par un arrêté du 2 décembre 1994 et a été affecté, le 1er décembre 2006, à la base d'hélicoptères de la sécurité civile de Bordeaux en qualité de mécanicien opérateur de bord. Par une lettre du 2 mai 2012, le ministre de l'intérieur a demandé au commandant de la BSPP de réintégrer le major D... dans ses rangs à compter du 1er août 2012. Par une décision du 5 juillet 2012, le général commandant la BSPP a affecté le major D... au bureau prévention de la BSPP à compter du 1er août 2012, ce qui a mis fin à sa mise à disposition au profit du ministère de l'intérieur. M. D... a saisi, le 15 octobre 2012, le ministre de l'intérieur et, le 25 juillet 2014, le ministre de la défense d'une demande préalable d'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision prononçant la fin de sa mise à disposition à la base d'hélicoptères de la sécurité civile de Bordeaux. Le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande présentée par M. D... tendant à la condamnation de l'Etat par un jugement n° 1300102 du 16 décembre 2015, confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux par une ordonnance n° 16BX00680 du 11 avril 2017 devenue définitive à la suite de la non admission du pourvoi en cassation de M. D..., par décision du Conseil d'Etat du 1er février 2018. A la suite de la saisine par M. D... de la commission de recours des militaires par un courrier du 30 novembre 2015, le ministre de la défense a rendu une décision, le 26 août 2016, rejetant le recours indemnitaire de l'intéressé. M. D... relève appel du jugement n° 1602276 du 29 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 512 608,50 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. M. D... a présenté devant le tribunal administratif de Pau des conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'ordonnance de clôture du juge d'instruction pour permettre la production des éléments recueillis dans le cadre de la procédure pénale ouverte à la suite de la plainte du chef de harcèlement moral qu'il avait déposée par devant le procureur près le tribunal de grande instance de Bordeaux. Le juge administratif, qui dirige seul l'instruction, n'était pas tenu de répondre à ces conclusions. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison de l'absence de réponse à cette demande doit être écarté.
Sur la responsabilité :
3. M. D... doit être regardé comme recherchant la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de l'illégalité de la décision du 5 juillet 2012 par laquelle le général commandant la BSPP a mis fin à sa mise à disposition au profit du ministère de l'intérieur et l'a affecté au bureau prévention de la BSPP à compter du 1er août 2012, décision qu'il estime constitutive d'une sanction déguisée et prise en méconnaissance des obligations de prévention des risques professionnels qui s'imposent à l'employeur.
4. Aux termes de l'article L. 4138-2 du code de la défense : " L'activité est la position du militaire qui occupe un emploi de son grade. / Reste dans cette position le militaire : (...) 2° Qui est affecté, pour une durée limitée, dans l'intérêt du service dans les conditions et auprès d'organismes définis par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 4138-33 du code de la défense : " Dans l'intérêt du service ou dans l'intérêt de la défense, il peut être mis fin à tout moment à l'affectation d'un militaire dans l'un des organismes mentionnés à l'article R. 4138-30-1, sur décision du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article 11 du décret du 21 septembre 2010 pris pour l'application de l'article 43 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique : " A l'échéance du contrat mentionné au 1° de l'article 1er, ou en cas de résiliation de ce contrat, le militaire est affecté sur un emploi de son grade. / La mise à la disposition peut prendre fin avant l'expiration de sa durée sur demande du ministère de la défense ou du militaire, sous réserve des règles de préavis prévues par la convention de mise à la disposition mentionnée à l'article 3 du présent décret. / Lorsque le militaire demande qu'il soit mis fin, avant son terme, à la mise à la disposition et si le ministère de la défense ne peut l'affecter immédiatement, il est placé en congé pour convenances personnelles non rémunéré jusqu'à ce qu'intervienne une affectation dans un emploi de son grade, qui doit être effective dans un délai maximum de trois mois à compter de la demande d'affectation. / Dans l'intérêt du service ou dans l'intérêt de la défense, la mise à la disposition peut également être suspendue, à la demande du ministère de la défense, selon des modalités prévues par la convention de mise à la disposition mentionnée à l'article 3 du présent décret ".
5. Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions que lorsqu'il est mis fin à la mise à disposition d'un militaire, celui-ci doit être affecté dans un emploi de son grade. Par suite, dès lors que le ministre de l'intérieur avait demandé, par sa décision du 2 mai 2012, la réintégration de M. D... au sein des effectifs de la BSPP, ce qui impliquait la fin de la mise à disposition de l'intéressé auprès des services du ministère de l'intérieur, le général commandant la BSPP était tenu de l'affecter sur un emploi de son grade, ce qu'il a fait par la décision du 5 juillet 2012 affectant M. D... au bureau prévention de la BSPP et mettant fin à sa mise à disposition au profit du ministère de l'intérieur. Dans ces conditions, le général commandant la BSPP ayant ainsi compétence liée, les moyens invoqués par M. D... à l'encontre de cette décision du 5 juillet 2012, tirés de l'absence de communication du dossier, de ce que cette décision aurait le caractère d'une sanction déguisée et de la méconnaissance des dispositions du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique et des dispositions du code du travail, présentent un caractère inopérant. Par suite, la décision du 5 juillet 2012 n'est pas entachée d'illégalité fautive et la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée à l'égard de M. D... du fait de cette décision.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit aux conclusions à fin de sursis à statuer, que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant la condamnation de l'Etat.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
Le président,
Marianne Hardy
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX03300