Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... C... et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement l'Etat et la commune de Courbillac à leur payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de valeur de leur maison d'habitation.
Par un jugement n° 1700855 du 21 mars 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2018, et un mémoire, enregistré le 16 avril 2020, M. C... et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 mars 2018 ;
2°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Courbillac à leur payer la somme de 100 000 euros toutes causes confondues ;
3°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Courbillac à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que tous les dépens y compris les frais et honoraires de l'expert.
Ils soutiennent que :
- l'analyse du tribunal est erronée ;
- l'Etat et la commune ont commis des fautes dès lors que le caractère inondable de la propriété était connu à la date de délivrance du certificat d'urbanisme puis du permis de construire ;
- leur préjudice est constitué par la moins-value de leur maison qui s'élève à 46 599 euros, par les intérêts d'emprunts qui s'élèvent à 27 000 euros et par le préjudice moral et psychologique subi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- l'Etat n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
- les requérants ont eux-mêmes commis une faute de nature à exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité ;
- le préjudice correspondant à la perte de valeur vénale de la maison d'habitation ne présente aucun caractère certain ;
- le préjudice lié au remboursement des intérêts d'emprunt n'est ni direct ni certain ;
- le préjudice moral ne présente pas un caractère certain et le montant estimé est excessif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... A... ;
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., a fait l'acquisition, en 2004, d'une parcelle cadastrée section D n° 979 située sur le territoire de la commune de Courbillac pour laquelle un certificat d'urbanisme avait été délivré le 7 novembre 2003 par le préfet de la Charente déclarant réalisable la construction d'une maison d'habitation. Par un arrêté du 19 mai 2004, le maire de Courbillac a délivré, au nom de l'Etat, à Mme D... un permis de construire pour la réalisation de cette construction. Souhaitant vendre sa propriété, Mme D... a présenté, en février 2010, une demande de certificat d'urbanisme d'information. Le 22 février 2010, un certificat d'urbanisme indiquant que " la parcelle est classée en zone rouge (crues fréquentes) de l'Altlas des Zones Inondables du Tourtrat " lui a été délivré par le maire de Courbillac. Estimant que le certificat d'urbanisme du 7 novembre 2003 et le permis de construire du 19 mai 2004 avaient été délivrés illégalement en raison du caractère inondable de la parcelle, M. C... et Mme D... ont adressé au préfet de la Charente et à la commune de Courbillac des demandes tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des fautes ainsi commises. Par la présente requête M. C... et Mme D... demandent à la cour d'annuler le jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Courbillac.
Sur les conclusions dirigées contre la commune de Courbillac :
2. La commune de Courbillac n'étant pas dotée, en 2004, d'un document d'urbanisme, le permis de construire du 19 mai 2004 a été délivré par le maire au nom de l'Etat. Par suite, la responsabilité de la commune de Courbillac ne saurait être engagée à l'égard de M. C... et de Mme D... à raison des préjudices qu'ils prétendent avoir subi du fait des fautes qui auraient pu être commises lors de la délivrance de ce permis de construire.
Sur les conclusions dirigées contre l'Etat :
3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le permis de construire peut-être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique (...) ".
4. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction qu'aux dates auxquelles ont été délivrés le certificat d'urbanisme et le permis de construire dont il s'agit le risque d'inondation, par une crue du Tourtrat, de la parcelle appartenant à Mme D... aurait été identifié par des études particulières, un tel risque n'ayant été reconnu que lors de l'élaboration, en 2006, de l'Atlas des Zones Inondables du Tourtrat. Par ailleurs, à ces dates, il n'existait aucun document d'urbanisme en vigueur ou en cours d'élaboration sur la commune de Courbillac ni aucun plan de prévention des risques. Si le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif indique qu'un épisode de crue du Tourtrat, survenu en 1982, était connu s'agissant de la zone dans laquelle est située la parcelle sur laquelle est implantée la maison d'habitation des requérants, aucun autre épisode d'inondation n'avait toutefois été relevé avant les dates de délivrance du certificat d'urbanisme et du permis de construire. Dans ces conditions, en délivrant un certificat d'urbanisme déclarant réalisable la construction d'une maison d'habitation puis un permis de construire assorti d'une prescription relative à la surélévation de la plate-forme de la maison au-dessus du niveau de la route communale, les services de l'Etat ne peuvent être regardés comme ayant méconnu les dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, ces services n'ont pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M. C... et de Mme D....
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et de Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Courbillac.
Sur les frais liés au litige :
6. Il résulte de ce qui précède que les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Poitiers doivent, dans les circonstances de l'espèce, être laissés à la charge de M. C... et de Mme D..., qui sont les parties perdantes dans la présente instance.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Courbillac, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme que M. C... et Mme D... demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme F... D..., à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Courbillac.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
Le président,
Marianne A...
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX01932