Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Béric, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014.
Par un jugement n° 1602962 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers lui a accordé une décharge correspondant à l'application du régime des sociétés mères et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2019, la société Béric, représentée par la SELAS PwC, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de exercices clos en 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exploitation d'un fonds de commerce en location gérance ne fait pas obstacle à la reconnaissance du transfert d'une branche d'activité complète et autonome et ainsi à l'application du régime de faveur prévu au 1 de l'article 210 B du code général des impôts ;
- la doctrine exprimée dans les commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-IS-FUS-20-20-20120912, qui introduit des conditions non imposées par la loi et défavorables au contribuable, ne peut pas lui être opposée ;
- pour bénéficier du régime de faveur prévu au 1 de l'article 210 B du code général des impôts, la branche d'activité doit seulement être susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome ;
- l'apport partiel d'actif conclu le 6 décembre 2012 doit être considéré comme un apport de branche complète d'activité éligible au régime de faveur prévu au 1 de l'article 210 B du code général des impôts ;
- les contrats de travail sont revenus dans le giron du bailleur-gérant par l'effet de l'apport partiel d'actif qui a mis fin au contrat de location-gérance ;
- la société Lartige immobilier n'avait donc pas besoin de recourir à une demande d'agrément telle que prévu au 3 de l'article 210 B du code général des impôts ;
- l'application du régime de faveur prévu au 1 de l'article 210 B du code général des impôts est compatible avec une demande d'agrément relative à l'attribution de titres issus de cet apport au regard des dispositions du 2 de l'article 115 du code général des impôts ;
- la demande d'agrément a bien été effectuée préalablement à la réalisation effective de la distribution de titres en litige.
Par un mémoire, enregistré le 5 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents, ainsi qu'au transfert du siège statutaire d'une SE ou d'une SCE d'un État membre à un autre ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société Béric.
Considérant ce qui suit :
1. La société Béric est l'associé unique de la société Lartige Immobilier. Cette dernière a réalisé une plus-value à l'occasion d'un apport partiel d'actif au profit de la société Distillerie Pinard frères. La société Béric a alors décidé de s'attribuer 191 parts sociales de la société Distillerie Pinard au titre d'un acompte sur dividendes et 9 parts sociales de la société Distillerie Pinard par réduction du capital de la société Lartige immobilier. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a considéré que cette attribution de titres s'analysait en une distribution de revenus mobiliers imposables. Il en a résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2014 ainsi que des intérêts de retard. Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a seulement fait droit aux conclusions subsidiaires de la société Béric tendant à l'application du régime des sociétés mères prévu à l'article 216 du code général des impôts et a ainsi réduit la base imposable de 501 468 euros à 25 073 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Pour la société Béric, dont le déficit reportable à la clôture de l'exercice en litige s'établissait à 69 758 euros, il en résulte une décharge de l'imposition supplémentaire mise à sa charge mais son déficit reportable, du fait de la base imposable maintenue par les premiers juges, se trouve réduit à 44 685 euros. La société Béric, qui fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions, doit être regardée comme ayant entendu se fonder sur les dispositions de l'article L. 191 du livre des procédures fiscales relatives aux " réclamations qui tendent à obtenir la réparation d'erreurs commises par l'administration dans la détermination d'un résultat déficitaire ".
2. Aux termes de l'article 115 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. En cas de fusion ou de scission de sociétés, l'attribution de titres, sommes ou valeurs aux membres de la société apporteuse en contrepartie de l'annulation des titres de cette société n'est pas considérée comme une distribution de revenus mobiliers (...) / 2. Les dispositions du 1 s'appliquent également sur agrément délivré à la société apporteuse dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, en cas d'attribution de titres représentatifs d'un apport partiel d'actif aux membres de la société apporteuse, lorsque cette attribution, proportionnelle aux droits des associés dans le capital, a lieu dans un délai d'un an à compter de la réalisation de l'apport. / L'agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments respectivement transférés et conservés par la société apporteuse : / a. L'apport et l'attribution sont justifiés par un motif économique, se traduisant notamment par l'exercice par chacune des deux sociétés d'au moins une activité autonome ou l'amélioration de leurs structures, ainsi que par une association entre les parties ; / b. L'apport est placé sous le régime de l'article 210 A ; / c. L'apport et l'attribution n'ont pas comme objectif principal ou comme un de leurs objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscale (...) ". Aux termes du I de l'article 1649 nonies du même code : " (...) Sauf disposition expresse contraire, toute demande d'agrément auquel est subordonnée l'application d'un régime fiscal particulier doit être déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motive (...) ".
3. Aux termes du 1 de l'article 210 A du code général des impôts : " Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article 210 B du même code : " 1. Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité ou d'éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l'engagement dans l'acte d'apport : / a. De conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l'apport ; / b. De calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures. / La rupture de l'engagement de conservation des titres remis en contrepartie de l'apport entraîne la déchéance rétroactive du régime de l'article 210 A appliqué à l'opération d'apport partiel d'actif. La déchéance intervient et produit ses effets à la date de réalisation de cette opération (...) / 3. Lorsque les conditions mentionnées au 1 ne sont pas remplies, les dispositions de l'article 210 A s'appliquent aux apports partiels d'actif et aux scissions sur agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies (...) ". Aux termes de l'article 301 E de l'annexe II du code général des impôts : " Constitue un apport partiel d'actif l'opération par laquelle une société apporte à une société relevant du statut fiscal des sociétés de capitaux, en voie de formation ou préexistante, l'ensemble des éléments qui forment soit une, soit plusieurs branches complètes et autonomes d'activité, lorsque l'opération n'entraîne pas la dissolution de la société apporteuse et qu'elle est rémunérée dans les conditions prévues à l'article 301 F ". Aux termes du j) de l'article 2 de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009, une branche d'activité est constituée par " l'ensemble des éléments d'actif et de passif d'une division d'une société qui constituent, du point de vue de l'organisation, une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens ".
4. Pour ouvrir droit au bénéfice des dispositions précitées du 1 de l'article 210 B du code général des impôts, un apport partiel d'actif doit concerner une branche d'activité susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome chez la société apporteuse comme chez la société bénéficiaire de l'apport, sous réserve que cet apport opère un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine de la société apporteuse et dans des conditions permettant à la société bénéficiaire de l'apport de disposer durablement de tous ces éléments. Pour l'application de ces dispositions, la transmission d'une branche complète d'activité est, au regard de la finalité poursuivie par le législateur, subordonnée au transfert effectif du personnel nécessaire, eu égard à la nature de l'activité et à la spécificité des emplois requis qui lui sont affectés, à la poursuite d'une exploitation autonome de l'activité.
5. Il résulte de l'instruction que, le 23 mars 1998, la société désormais dénommée Lartige Immobilier a conclu un bail en gérance libre avec la société désormais dénommée Distillerie Pinard frères ayant pour objet un fonds de commerce de distillation de vins de Cognac. Le 18 avril 2013, la société Lartige immobilier a réalisé un apport d'actif au profit de la société Distillerie Pinard frères comportant ce fonds de commerce, les installations techniques, matériels et outillage ainsi qu'une quote-part de passif, la société Lartige immobilier conservant la propriété des locaux dans lesquels est exploitée l'activité.
6. La société requérante soutient elle-même que le transfert effectif du personnel nécessaire à l'exploitation de l'activité de distillation de vins de Cognac a eu lieu en 1998 lors de la conclusion du contrat de location-gérance. Elle ne conteste pas que, durant cette location-gérance, les sept salariés affectés à cette activité étaient employés par la société Distillerie Pinard frères. L'apport du fonds de commerce a entrainé la fin de la location gérance, laquelle n'a pas pris fin avant l'apport, de sorte que les contrats de travail des salariés ne peuvent être regardés comme ayant été transférés à la société Lartige immobilier un instant de raison avant l'opération d'apport pour être ensuite transférés de nouveau à la société Distillerie Pinard frères. Dès lors, compte tenu de la nature de l'activité et de la spécificité des emplois requis, en l'absence à cette date de transfert effectif du personnel nécessaire, l'apport effectué en 2013 ne saurait être regardé comme portant sur une branche complète et autonome d'activité. La plus-value réalisée à cette occasion par la société Lartige immobilier ne pouvait donc bénéficier du régime de faveur prévu au 1 de l'article 210 B du code général des impôts. Dès lors, l'attribution de titres à la société Béric n'entrait pas dans le champ des dispositions de l'article 115 du code général des impôts.
7. En outre, dès lors que la société Lartige ne remplit pas les conditions pour bénéficier de plein droit du régime prévu par l'article 210 B du code général des impôts, la société Béric ne peut utilement soutenir que sa filiale n'avait pas à solliciter un agrément et que la doctrine exprimée dans les commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-IS-FUS-20-20-20120912 soumettrait le bénéfice de ce régime à une condition illégale d'agrément.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Béric n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Béric est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Béric et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme B... A..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2020.
La présidente,
Elisabeth A... La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00390