Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.
Par un jugement n° 1805033-1805045 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ainsi que celle de son compagnon.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mai 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 26 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas suffisamment examiné le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas tenu compte de sa situation personnelle avant de prendre l'arrêté en litige et a, par conséquent, commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le signataire de l'arrêté en litige ne disposait pas effectivement d'une délégation pour ce faire et il n'est pas justifié de l'absence ou de l'empêchement des délégataires précédents ;
- après le rejet de sa demande d'asile, le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour refuser de lui délivrer un titre de séjour ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il peut prétendre au bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une admission de plein droit en vertu des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire, enregistré le 12 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2020 à 12 heures.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante kosovare née le 23 mars 1989, est entrée irrégulièrement en France le 25 février 2017 selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le rejet par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande tendant à l'annulation de cette décision, le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 26 septembre 2018, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera renvoyée. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mai 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont examiné le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet au regard de la situation de l'intéressée et ont suffisamment motivé leur réponse sur ce point.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
3. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V (...) ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, après être entrée irrégulièrement sur le territoire français, Mme A... a déposé une demande d'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande selon la procédure accélérée et le recours de l'intéressée contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et il n'est pas allégué, que Mme A... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement. L'arrêté en litige, pris notamment au visa des articles L. 743-3 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cités au point précédent, se borne à tirer les conséquences du rejet de la demande d'asile de Mme A... en lui faisant obligation de quitter le territoire français et ne se prononce pas sur un éventuel droit au séjour de l'intéressée à quelque titre que ce soit. Dès lors, Mme A... ne peut utilement soutenir que le préfet aurait illégalement refusé, par l'arrêté en litige, de lui délivrer un titre de séjour.
5. En premier lieu, le préfet de la Haute-Garonne a, par arrêté du 23 juillet 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs des services de l'Etat dans le département, donné délégation à M. Jean-François Colombet, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté en litige, à l'effet de signer tous actes concernant les attributions de l'État dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception des arrêtés de conflit. L'exercice de cette délégation n'est pas conditionné par l'absence ou l'empêchement du préfet. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée irrégulièrement en France le 25 février 2017 selon ses déclarations, à l'âge de 28 ans. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée. Si elle se prévaut de la présence en France de son compagnon et de leurs trois enfants mineurs, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine dès lors que son compagnon, de même nationalité, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Il n'est pas allégué qu'elle serait dépourvue de toute attache personnelle ou familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la mesure a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme A....
8. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme A... entrerait dans l'un des cas prévus à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lesquels le préfet ne peut prononcer de mesure d'éloignement. En outre, si l'intéressée soutient qu'il ne peut lui être fait obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle peut prétendre au bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'à celui d'une admission de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, cela ne ressort d'aucune pièce du dossier, alors au demeurant qu'elle n'a pas déposé de demande de titre de séjour.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
10. Ainsi qu'il vient d'être dit au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale que forment Mme A... avec son compagnon et leurs trois enfants ne pourrait se reconstituer hors de France. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que leurs deux premiers enfants seraient dans l'impossibilité de poursuivre une scolarité au Kosovo. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision en litige, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. En cinquième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de persécutions qu'elle aurait subies dans son pays d'origine à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qu'elle invoque à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, laquelle ne désigne pas le pays à destination duquel elle sera renvoyée.
12. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel elle sera renvoyée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., présidente,
M. Frédéric Faïck, président assesseur,
M. Romain Roussel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2020.
La présidente,
Elisabeth B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04172