La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2020 | FRANCE | N°18BX00711

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 11 juin 2020, 18BX00711


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... veuve C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 20 juillet 2015 par le recteur de La Réunion pour une somme de 359 676,73 euros ainsi que la décision du 27 novembre 2015 ramenant la somme mise à sa charge à 96 849,97 euros et d'en prononcer la décharge.

Par un jugement n° 1600120 du 15 décembre 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 19 février 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... veuve C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 20 juillet 2015 par le recteur de La Réunion pour une somme de 359 676,73 euros ainsi que la décision du 27 novembre 2015 ramenant la somme mise à sa charge à 96 849,97 euros et d'en prononcer la décharge.

Par un jugement n° 1600120 du 15 décembre 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 décembre 2017 ;

2°) d'annuler le titre de perception du 20 juillet 2015 et la décision du 27 novembre 2015 ;

3°) de prononcer la décharge de la somme de 96 849,97 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de perception en litige est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne comporte pas les bases de liquidation de la somme mise à sa charge en méconnaissance de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 ;

- le titre de perception a été émis à l'issue d'une procédure irrégulière, contraire au principe général des droits de la défense dès lors qu'elle n'a pas pu présenter ses observations sur cette décision ;

- le titre de perception n'est pas signé, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le titre exécutoire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, la somme demandée ne reposant sur aucun élément la justifiant ;

- compte tenu de la carence prolongée de l'administration et du fait qu'elle se pensait légitimement bénéficiaire des sommes versées, il convient de la décharger totalement du trop-perçu réclamé.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mars 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... ;

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., professeur d'éducation physique et sportive, est décédé le 16 août 2008. En conséquence, l'administration a cessé, au mois de septembre 2008, de verser le traitement de ce fonctionnaire. Toutefois, à la suite d'une opération de régularisation de son traitement de manière rétroactive, effectuée le 27 mai 2009 pour une somme de 41 134,38 euros, le versement du traitement est à nouveau intervenu à compter du 26 juin 2009. Ces traitements ont été versés sur le compte bancaire de Mme D... B... veuve C... au titre de la période écoulée depuis le 1er septembre 2008, puis mois après mois jusqu'en avril 2015. Le 20 juillet 2015, l'administration a émis un titre de perception en vue de recouvrer la somme de 359 676,73 euros correspondant à un indu de rémunération pour la période allant du 1er septembre 2008 au 30 avril 2015. Le 14 septembre 2015, Mme C... a formé un recours gracieux contre cette décision. Par un courrier du 27 novembre 2015, le recteur de l'académie de La Réunion a informé l'intéressée que, compte tenu de la prescription de deux ans instituée par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les traitements versés du 1er août 2008 au 30 juin 2013 ne lui seraient pas réclamés mais qu'en revanche restait due la somme de 96 849,97 euros correspondant aux traitements versés pour la période du 1er juillet 2013 au 30 avril 2015. Mme C... relève appel du jugement du 15 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 20 juillet 2015 en tant qu'il porte sur le montant de 96 849,97 euros à la suite de la décision du 27 novembre 2015 et à la décharge de cette somme.

Sur la régularité du titre exécutoire :

2. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

3. Il résulte de l'instruction que le titre de recette litigieux mentionne le montant dû de 359 676,73 euros concernant l'indu sur rémunération issue de la paie de juin 2015 à la suite du décès de M. C..., pour la période allant du 1er septembre 2008 au 30 avril 2015. Il précise également les montants dus au titre du traitement brut, de la majoration à 35%, de l'indexation et de l'indemnité exceptionnelle ainsi que les sommes à déduire correspondant aux cotisations salariales et mutuelles. En outre, la lettre du 27 novembre 2015 à laquelle étaient joints deux tableaux précisant les sommes réclamées, indique que la prescription, issue de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, concerne les traitements versés pour la période du 1er septembre 2008 au 30 juin 2013, soit la somme de 262 826,76 euros. Ces éléments étaient suffisants pour permettre à Mme C... d'être informée des bases de la liquidation de la somme restant due de 96 849,97 euros et de pouvoir en contester le fondement. La seule circonstance que le titre exécutoire mentionne des sommes globales pour la totalité de la période considérée sans détail des dates de versement et de leur montant successif ne suffit pas à estimer que les mentions portées sur le titre de perception étaient insuffisantes dès lors qu'il n'est pas contesté que Mme C... a eu connaissance des bases de liquidation par les renseignements figurant sur les bulletins de paye de son mari qui lui avaient été adressés chaque mois par l'établissement dans lequel il avait exercé. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de ce titre de recette doit être écarté.

4. Le titre exécutoire en litige, qui se fonde sur un trop perçu de rémunération à la suite du décès de M. C..., ne présente pas le caractère d'une sanction ni d'une mesure prise en considération de la personne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté comme inopérant.

5. Aux termes l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifié à l'article L.212-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 prévoit que pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ".

6. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur.

7. Si le titre exécutoire du 20 juillet 2015 comporte le nom, le prénom et la qualité de l'ordonnateur, il est constant qu'il ne comporte pas sa signature. Toutefois, l'état récapitulatif de ce titre, produit devant le tribunal administratif, comporte les mentions requises par les dispositions précitées et la signature de l'ordonnateur. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

Sur le bien-fondé de la créance :

8. Si Mme C... soutient que sa créance ne repose sur aucun élément la justifiant, il résulte de ce qui précède, et notamment de la motivation du titre exécutoire en litige, que celle-ci résulte d'un trop-perçu à la suite d'un traitement versé postérieurement au décès de son époux le 16 août 2008. Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, la somme de 96 849,76 euros correspond aux traitements versés pour la période du 1er juillet 2013 au 30 avril 2015. Mme C... n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause la réalité de ces versements pour cette période. La circonstance que le versement mensuel du traitement de son époux a été interrompu entre septembre 2008 et mai 2009 est sans incidence sur le bien-fondé de la créance litigieuse dès lors que la somme qui lui est désormais réclamée ne concerne pas cette période.

9. Il n'est pas contesté que Mme C... a informé l'administration du décès de son époux dès le mois d'août 2008. Dès lors, la liquidation du traitement de ce dernier jusqu'en juillet 2015 à la suite d'une erreur du rectorat constitue une faute. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'appelante, elle ne pouvait légitimement penser que cette somme correspondait à ce qui lui était dû à la suite du décès de son époux dès lors que le capital décès auquel elle pouvait prétendre en sa qualité d'ayant-droit lui a été versé en totalité dès le mois de septembre 2008. En outre, elle ne pouvait ignorer que les sommes versées mensuellement sur son compte bancaire correspondaient au traitement de son conjoint et que ces versements présentaient, par suite, un caractère indu. Dans ces conditions, Mme C..., qui en outre n'a pas saisi l'administration sur l'origine des sommes perçues, n'est pas fondée à soutenir que la faute commise par le rectorat en maintenant les versements de traitement pour l'ensemble de la période de septembre 2008 à avril 2015 justifierait, au-delà de l'application du régime de prescription biennale dont elle a bénéficié, une modulation de sa dette permettant la décharge ou la réduction de la somme de 96 849,67 euros maintenue à sa charge.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... veuve C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX00711 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00711
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-02 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Traitement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : LOMARI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-11;18bx00711 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award