Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et d'enjoindre au préfet de lui délivre une carte de résident ou à défaut un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 1800803 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de résident mention " résident de longue durée-UE " valable dix ans dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2019 et de rejeter les demandes de M. A... ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. A... avait sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; puis, par un courrier du 3 août 2017, il a sollicité, à titre principal, un changement de statut sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, a maintenu sa demande de renouvellement sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- M. A... ne justifie, à la date de la décision, de ressources stables que depuis octobre 2017 alors que le 2° de l'article R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que cette condition s'apprécie sur la période des cinq années précédant la demande de titre de séjour, par référence au montant du salaire minimum de croissance (SMIC) ;
- il ressort des avis d'impositions de l'intéressé et de ses bulletins de salaire pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017 que seuls ses revenus de 2018 lui ont permis de cumuler des ressources annuelles au moins équivalentes au SMIC, malgré son activité d'autoentrepreneur ;
- en outre, M. A... n'a bénéficié de l'allocation de retour à l'emploi que jusqu'en mai 2015 ;
- c'est donc à bon droit que l'intéressé s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 4 septembre 2019.
Par un courrier du 20 janvier 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public.
Par ordonnance du 19 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 janvier 2020 à 12h00.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 14 septembre 1991, est entré en France en 2003 dans le cadre d'une procédure de regroupement familial à l'initiative de son père. A compter de sa majorité, en 2009, il a bénéficié de plusieurs titres de séjour délivrés sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le dernier était valable jusqu'au 11 janvier 2017. Le 30 novembre 2016, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un courrier du 3 août 2017, M. A... a sollicité, à titre principal, la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, le renouvellement de son titre de séjour ou son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé pendant plus de 4 mois par le préfet de la Gironde sur ses demandes. Par un jugement du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... une carte de résident mention " résident de longue durée-UE " valable dix ans dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement. Le préfet de la Gironde relève appel de ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu délivrer le 5 août 2019 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur l'appel du préfet de la Gironde :
3. Pour annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté les demandes de titre de séjour de M. A..., le tribunal administratif de Bordeaux a regardé le préfet comme ayant acquiescé aux faits invoqués par ce dernier et estimé que, dans ces conditions, M. A... remplissait les conditions pour prétendre à la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles, dans sa rédaction en vigueur : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. (...). / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; / 3° D'une assurance maladie. (...). ". Aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code en vigueur à la date de la décision contestée : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues aux articles L. 314-8, L. 314-8-1 ou L. 314-8-2 en présentant, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 314-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il réside légalement et de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq ans, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 314-8 (...) ; les périodes d'absence du territoire français sont prises en compte dans le calcul des cinq années de résidence régulière ininterrompue lorsque chacune ne dépasse pas six mois consécutifs et qu'elles ne dépassent pas un total de dix mois. (...). / 2° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au 2° de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande. / 3° La justification qu'il bénéficie d'une assurance maladie. / Les justificatifs prévus au 2° du présent article ne sont pas exigés de l'étranger titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. ".
5. Il est constant que M. A... réside régulièrement en France de manière ininterrompue depuis son entrée sur le territoire national en 2003. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des éléments produits par le préfet pour la première fois en appel, que l'intéressé ne justifie que de ressources mensuelles moyennes inférieures au SMIC sur les cinq années précédant la date de sa demande de carte de résident, en août 2017. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé le refus implicite en litige après avoir estimé que M. A... remplissait les conditions fixées par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer une carte de résident de longue durée-UE.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués par M. A... à l'appui de ses demandes de première instance.
Sur la décision de refus de carte de résident :
7. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour n'a été invoqué devant le tribunal qu'à l'encontre du refus opposé à une demande de titre de séjour temporaire présenté sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En deuxième lieu, les conditions imposées par l'article L. 314-8 du code à la délivrance d'une carte de résident ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De plus, la circonstance que M. A... ne remplissait pas ces conditions lui permettant de se voir délivrer une carte de résident ne faisait pas obstacle à ce qu'il puisse néanmoins se voir délivrer un titre de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale. Aussi bien, un tel titre lui a été délivré. Le moyen tiré de ce que le refus de délivrance de la carte de résident aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté.
9. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, le préfet de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Le préfet de la Gironde est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le refus opposé à M. A... et lui a enjoint de délivrer à ce dernier une carte de résident.
Sur la décision de refus de carte de séjour temporaire :
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu délivrer, le 5 août 2019, une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la demande présentée par l'intéressé à titre subsidiaire devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un tel titre et à ce qu'il soit enjoint au préfet de le lui délivrer, était devenue sans objet avant que le tribunal ne statue. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ces conclusions de M. A..., et, par la voie de l'évocation, de prononcer le non-lieu à statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les conclusions du préfet de la Gironde présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont dépourvues de justification et ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800803 du 10 octobre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. A... à titre subsidiaire devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire et à enjoindre au préfet la délivrance d'un tel titre.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande introductive d'instance de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :
M. B... D..., président,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 mai 2020.
Le président,
Philippe D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX04075