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20/05/2020 | FRANCE | N°19BX03701

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 mai 2020, 19BX03701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900327 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, respectivement enre

gistrés le 30 septembre 2019, le 7 octobre 2019 et le 22 octobre 2019, Mme C..., représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1900327 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, respectivement enregistrés le 30 septembre 2019, le 7 octobre 2019 et le 22 octobre 2019, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 avril 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne du 8 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière faute pour le préfet de justifier de la saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et que celui-ci avait rendu un avis dans une composition régulière ;

- le mémoire en défense du préfet qui contenait l'avis du collège de médecins de l'OFII ne lui a pas été communiqué ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière :

* le préfet n'a pas sollicité l'avis du collège de médecins de l'OFII et ne justifie dès lors pas de la composition régulière du collège, ni de la compétence du médecin rapporteur ;

* le collège de médecins de l'OFII n'a pas tenu compte des recommandations du point C de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 qui précisent que la réactivation d'un état de stress post traumatique, notamment par le retour dans le pays d'origine, doit être évalué au cas par cas ;

* l'avis ne se prononce pas sur l'accessibilité aux traitement requis dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation : son état de santé nécessite une prise en charge médical dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité dès lors qu'elle présente des idées suicidaires mettant en cause son pronostic vital ; le traitement médicamenteux dont elle a besoin est indisponible en Albanie, même sous forme de générique ; en outre, un retour dans son pays d'origine, source de l'état de stress post traumatique dont elle souffre, aurait pour conséquence de la priver du traitement approprié ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : elle justifie d'efforts d'intégration en suivant des cours de français et en bénéficiant d'une promesse d'embauche en tant qu'agent d'entretien ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : ses enfants sont scolarisés ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale par voie de conséquence des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 décembre 2019 et 28 février 2020, le préfet de la Dordogne doit être regardé comme concluant au rejet de la requête. Il doit être regardé comme faisant valoir que son arrêté est intervenu à l'issue d'une procédure régulière.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée à New York le 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... E..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante albanaise née le 22 février 1979, est entrée en France, selon ses déclarations, le 25 janvier 2017, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants alors âgés de 14 et 10 ans, et y a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 mai 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 20 octobre 2017. Le 22 juin 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 novembre 2018, le préfet de la Dordogne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bordeaux a omis de répondre aux moyens, qui n'étaient pas inopérants, tirés de ce que la décision de refus de titre de séjour serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière faute pour le préfet de justifier de la saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et que celui-ci avait rendu un avis dans une composition régulière. Ce jugement doit, par suite, être annulé sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme C... devant le tribunal administratif de Bordeaux et en appel.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...). ".

5. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".

6. L'article R. 313-23 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...). / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

7. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

8. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale, mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA, sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences. / Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ".

9. En premier lieu, il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical concernant l'état de santé de Mme C..., prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été établi par un médecin de l'OFII le 5 septembre 2018. Ce rapport a été transmis au collège de médecins de l'OFII le 11 octobre 2018. Ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, désignés par décision du directeur général de l'Office en date du 24 septembre 2018 régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, s'est réuni le 26 octobre 2018 pour émettre l'avis qui a été transmis au préfet de la Dordogne. Il suit de là que l'avis a été émis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège.

11. En troisième lieu, il ressort de l'avis émis le 26 octobre 2018, auquel le préfet s'est dûment référé, que le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour l'intéressé de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.

12. En quatrième lieu, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'arrêté du 27 décembre 2016, ni aucun autre texte ne prévoit la communication à l'intéressée du rapport médical fondant l'avis du collège de médecins.

13. En cinquième lieu, en vertu des dispositions citées aux points 4 à 8, le collège des médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur la demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

14. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à Mme C... la délivrance du titre de séjour qu'elle sollicitait, le préfet de la Dordogne s'est notamment fondé sur l'avis émis le 26 octobre 2018 par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Mme C... conteste cet avis au motif qu'elle présente des idées suicidaires mettant en cause son pronostic vital, qu'un retour dans son pays d'origine, source de l'état de stress post traumatique dont elle souffre, aurait pour conséquence de la priver du traitement approprié et que l'avis rendu par le collège de médecins n'a pas respecté la recommandation figurant au point C de l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 selon laquelle le problème de la réactivation d'un état de stress post-traumatique par le retour dans le pays d'origine doit être évalué au cas par cas. Toutefois, outre qu'aucune pièce du dossier ne permet d'estimer que la situation de l'intéressée n'a pas fait l'objet d'un examen particulier, le certificat médical produit n'est pas suffisamment circonstancié et ne permet pas d'infirmer l'appréciation du collège de médecins de l'OFII ou celle du préfet de la Dordogne, quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait avoir un défaut de prise en charge médical sur l'état de santé de l'appelante. Au surplus, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que Mme C... serait dans l'impossibilité d'accéder effectivement à un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

16. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée récemment en France où elle n'a été admise à séjourner que le temps de l'examen de sa demande d'asile, définitivement rejetée par décision de la CNDA du 20 octobre 2017, puis de l'examen de sa demande de titre de séjour. Son époux fait également l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par la cour de céans. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie, pays dont Mme C... et les membres de sa famille ont la nationalité, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans et où il n'est ni établi ni même allégué qu'elle serait dépourvue de toutes attaches personnelles ou familiales. Dans ces circonstances et en dépit des efforts d'intégration de l'intéressée, la décision attaquée n'a pas portée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. En dernier lieu, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

18. La décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme C... de ses deux enfants, qui ont la même nationalité qu'elle, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Albanie. A supposer que l'intéressée soutienne que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, cette circonstance n'est corroborée par aucune des pièces du dossier. Dans ces conditions, le préfet de la Dordogne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

19. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision attaquée.

20. Le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15 du présent arrêt.

21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

22. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision attaquée.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2018 par lequel le préfet de la Dordogne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

M. F... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Philippe Pouzoulet La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03701
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;19bx03701 ?
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