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20/05/2020 | FRANCE | N°18BX00610

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 mai 2020, 18BX00610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1501321 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, a fait droit à la demande de M. et Mme E... à hauteur d'un montant global resté en litige de 17 040 euros en

droits et pénalités.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1501321 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, a fait droit à la demande de M. et Mme E... à hauteur d'un montant global resté en litige de 17 040 euros en droits et pénalités.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2018 et un mémoire enregistré le 2 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 octobre 2017 ;

2°) de rétablir M. et Mme E... au rôle à raison des impositions et pénalités dont le tribunal administratif a accordé la décharge.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge de l'imposition dont s'agit, dès lors qu'il est établi que la décision portant homologation du rôle d'impôt sur le revenu en cause a été prise par une autorité compétente, celle-ci ayant été dûment habilitée par le représentant de l'Etat dans le département concerné ;

- l'imposition supplémentaire litigieuse pouvait régulièrement être mise en recouvrement par voie de rôle homologué ;

- le moyen tiré de la partialité de l'auteur de la décision de rejet de la réclamation préalable est inopérant ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales est inopérant ;

- le moyen relatif au bien-fondé de l'imposition n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2018, M. et Mme E..., représentés par Me J..., administrateur provisoire du cabinet de Me C..., demandent à la cour d'ordonner une enquête avant dire-droit sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative et, à défaut de production de documents par l'administration à l'issue de cette enquête, de rejeter la requête.

Ils soutiennent que :

- il n'est toujours pas justifié de la compétence du signataire de la décision d'homologation du rôle dont s'agit ; que la juridiction devra ordonner une enquête avant dire-droit sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, aux fins de déterminer si le signataire de la décision d'homologation du rôle détenait effectivement le grade requis à la date de ladite décision ;

- il ne ressort pas du dossier que l'imposition en litige ait été consécutive à un contrôle sur pièces ;

- aucun avis de vérification ne leur a été adressé préalablement au " contrôle sur place " dont ils ont fait l'objet ;

- l'imposition supplémentaire faisant suite à un " contrôle sur place " a été établie au mépris de la doctrine administrative BOI-REC-PREA-10-10-10-20120912 ;

- dès lors que c'est le service des impôts de la Guadeloupe qui a notifié la rectification dont procède l'imposition complémentaire, c'est ce service qui était compétent pour mettre l'imposition en recouvrement ;

- l'administration aurait dû émettre un avis de mise en recouvrement et non procéder par voie de rôle homologué et ce, en application de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 ayant modifié le premier alinéa de l'article 1658 du code général des impôts ;

- la vérification effectuée auprès de la SEP KJD Capital 21 n'a pas respecté les prescriptions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; la procédure suivie à l'égard de cette société a aussi violé les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- ils bénéficient du dispositif prévu par l'article 199 undecies du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... D...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E... sont associés de la société en participation (SEP) KJD Capital 21, dont la gestion est assurée par la société en nom collectif (SNC) KJD Capital et dont l'objet est la réalisation d'investissements productifs dans les départements d'outre-mer. En 2011, cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la réalité des opérations ayant permis à ses associés de bénéficier de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces de la déclaration de revenus de M. et Mme E..., l'administration a mis à leur charge une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, assortie de pénalités. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 24 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. et Mme E... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, pour un montant global resté en litige de 17 040 euros, en droits et pénalités.

2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement. / Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A désignés par le responsable départemental des finances publiques et détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ". Aux termes de l'article 1659 du même code : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables. (...) ". Selon l'article 376-0 bis de l'annexe II du code général des impôts : " Le grade mentionné au second alinéa de l'article 1658 du code général des impôts est celui d'administrateur des finances publiques adjoint ".

3. Pour prononcer la décharge des cotisations d'impôt litigieuses, le tribunal administratif de Toulouse a relevé que l'administration n'apportait pas la preuve que la décision portant homologation du rôle d'impôt sur le revenu concerné et fixant les dates de mise en recouvrement desdites impositions, avait été prise par une autorité compétente au regard des dispositions des articles 1658 et 1659 du code général des impôts.

4. Il résulte toutefois des pièces produites par le ministre, d'une part, que l'homologation du rôle incorporant les impositions litigieuses, a été effectuée le 16 octobre 2014 par M. A... I..., administrateur des finances publiques adjoint à la direction des finances publiques de la Haute-Garonne et, d'autre part, que par arrêté préfectoral du 21 décembre 2011, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne sous le n° 155 RS 2011 et portant délégation de pouvoirs pour l'homologation des rôles d'impôts directs, la secrétaire générale de la préfecture de la Haute-Garonne, Mme H... F..., par délégation du Préfet, a donné délégation de pouvoirs, pour rendre exécutoires les rôles d'impôts directs, aux collaborateurs du directeur régional des finances publiques de Midi-Pyrénées et de la Haute-Garonne ayant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint. Enfin, le ministre produit pour la première fois en appel un certificat administratif par lequel le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne, certifie que M. A... I... disposait effectivement du grade d'administrateur des finances publiques adjoint et n'occupait pas un emploi de comptable à la date de la décision d'homologation précitée. Si M. et Mme E... contestent ces documents, ils n'apportent pas davantage d'élément permettant de supposer que M. I... avait, au moment où il a signé l'homologation du rôle dont s'agit, la qualité de comptable. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une enquête avant dire-droit sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative le ministre doit être regardé comme apportant la preuve qu'à la date du 16 octobre 2014, M. I... était dûment habilitée à signer l'homologation du rôle dont s'agit. En outre, M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester la régularité de l'homologation du rôle dont s'agit, de l'instruction administrative référencée BOI-REC-PART-10-10-10 indiquant que l'homologation du rôle doit comporter une formule exécutoire, dès lors que l'instruction en cause ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen invoqué par M. et Mme E..., tiré de l'irrégularité de l'homologation du rôle.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme E... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la procédure d'imposition :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place (...) la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Aux termes de l'article R. 13-1 du même livre : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : / a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature (...) ; / b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels ". Enfin, aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance. En revanche, ne constitue pas une vérification de comptabilité le contrôle sur pièces par le service, dans ses propres locaux, des déclarations ou de l'absence de déclarations à l'impôt sur les sociétés d'un contribuable, à l'aide d'éléments en possession de l'administration, qui peuvent avoir été recueillis lors de la vérification de comptabilité d'un autre contribuable.

8. Il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme E... au titre de l'année 2008 résultent exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt, prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts, dont se prévalaient les intéressés à raison d'investissements outre-mer réalisés par la SEP KJD Capital 21 et non du rehaussement du résultat de ladite société, résultat taxable entre les mains des associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. En conséquence, les impositions contestées doivent être regardées comme procédant exclusivement du contrôle sur pièces dont ont fait l'objet M. et Mme E..., et ce, alors même que ce contrôle sur pièces aurait été effectué consécutivement à un contrôle sur place de la SEP KJD Capital 21 et de la SNC KJD Capital. Par suite, les redressements contestés ne procédant pas d'une vérification de comptabilité, le moyen tiré de ce qu'aucun avis de vérification a été envoyé à M. et Mme E... doit être écarté comme inopérant. De même en raison de l'indépendance des procédures d'impositions, les moyens, pris en toutes leurs branches, tirés des irrégularités dont auraient été affectées les procédures menées à l'égard la SEP KJD Capital 21 ou de la SNC KJD Capital doivent être écartés comme inopérants.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 du code général des impôts : " Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. / Si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement. ".

10. M. et Mme E... résidant dans le département de la Haute-Garonne, c'est à bon droit que les impositions litigieuses ont été établies dans ce département et non en Guadeloupe, alors même que la mise en recouvrement était consécutive à un contrôle effectué par le centre des impôts de la Guadeloupe.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales figurant en section IV " Procédures de rectification ", chapitre 1 " Procédure de redressement contradictoire " de ce livre : " Après l'établissement du rôle ou l'émission de l'avis de mise en recouvrement, le contribuable conserve le droit de présenter une réclamation conformément à l'article L. 190. ". Aux termes de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs ou, pour les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune relevant des dispositions du 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts, au rôle de cet impôt, dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A du même code. / L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ".

12. Si l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires et qui doivent être combinées avec les dispositions de l'article L. 61 du livre des procédures fiscales, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. La circonstance que les rectifications sont consécutives à la vérification de la comptabilité de la SEP en Guadeloupe et que la proposition de rectification qui a été adressée à M. et Mme E... provient de la direction départementale des finances publiques de Guadeloupe n'implique pas davantage d'obligation de recourir à un avis de mise en recouvrement. Par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait mettre en recouvrement les impositions litigieuses sans avoir émis un avis de mise en recouvrement.

13. En quatrième lieu, si M. et Mme E... font valoir qu'aucune notification confirmative de la proposition de rectification ne leur aurait été faite avant la mise en recouvrement de l'imposition complémentaire en litige, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales que l'administration doive procéder à une telle réitération de la notification de la proposition de rectification.

14. En cinquième lieu, les irrégularités qui peuvent entacher les décisions prises par l'administration sur les réclamations dont elle est saisie sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé des impositions. Ainsi, le moyen tiré de ce que, en méconnaissance de l'instruction n° 179 du 13 novembre 2003 portant mise en oeuvre d'une décision du directeur général des impôts du 24 octobre 2003 relative aux règles de délégation de signature en matière contentieuse, repris au BOI-ANNX-000285-20121008 du 8 octobre 2012, le fonctionnaire qui a signé le rejet de la réclamation préalable était partial doit être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

15. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...) La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quinzième à dix-huitième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies et si 60 % de la réduction d'impôt sont rétrocédés à l'entreprise locataire sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien à l'exploitant. Ce taux est ramené à 50 % pour les investissements dont le montant par programme et par exercice est inférieur à 300 000 euros par exploitant. (...) ". Aux termes de l'article 95 K de l'annexe II au code général des impôts : " Les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer (...) qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts sont les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ". Aux termes de l'article 95 Q de la même annexe : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. Lorsque l'immobilisation fait l'objet d'un contrat de crédit-bail, la réduction d'impôt est pratiquée par le contribuable crédit preneur ou par les associés ou membres de l'entreprise qui est crédit preneur ". Par ailleurs, aux termes des quatorzième et seizième alinéas du I de cet article 217 : " La déduction prévue au premier alinéa s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions suivantes sont réunies : / (...) 2° Le contrat de location revêt un caractère commercial (...) ".

16. Il résulte de l'instruction que M. et Mme E... ont apporté des moyens financiers à la SEP KJD Capital 21, dont la gérance est assurée par la SNC KJD Capital, son mandataire apparent, à concurrence de 11,70 % du capital. En 2008, cette société a investi dans deux projets différents. Ainsi, d'une part, selon un protocole d'accord du 24 novembre 2008 portant vente et location, la société KJD Capital a acquis une plantation de 4 ha de fleurs alpinias pour un montant HT de 136 368 euros. Le même jour, le bien ainsi acquis a été donné en location au vendeur initial, exploitant agricole, pour une durée de 60 mois et ce dernier, par convention de prêt à usage d'un bien foncier non enregistré en date du 24 novembre 2008, s'est engagé à prêter gratuitement à la société KJD Capital une parcelle d'une contenance de 4 ha en vue de débuter l'exploitation des alpinias. Toutefois, à la suite d'une vérification de comptabilité de la société, l'administration, après avoir constaté, que le caractère neuf de l'investissement n'était pas justifié, que le contrat de location présentait un caractère civil, que la date de réalisation de l'investissement n'était pas établie en l'absence de concordance entre la parcelle figurant dans la convention de mise à disposition du terrain à la société et celle sur laquelle les plants d'alpinias auraient été cultivés ainsi que d'éléments précisant et justifiant le prix de revient de la plantation, a estimé que la facture émise par l'exploitant agricole pour la vente de l'exploitation d'alpinias à la société était fictive en l'absence de réalité matérielle et économique du bien défiscalisé et a, en conséquence, remis en cause l'éligibilité de cet investissement à la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées. S'il est vrai que la fourniture de plants, leur traitement et la préparation du terrain peuvent constituer des dépenses permettant la réalisation d'un investissement neuf et éligible au dispositif de l'article 199 undecies B du code général des impôts, les rejets doivent cependant être implantés sur un terrain précédemment en jachère. Or, en l'espèce, la preuve que les rejets ont été implantés sur une terre non précédemment cultivée ou exploitée pour une tout autre culture n'est pas rapportée. Dès lors, la création d'une nouvelle plantation d'alpinias n'étant pas justifiée, en l'absence de tout document susceptible de justifier du caractère neuf de l'investissement productif réalisé, cet investissement ne pouvait être considéré comme neuf et n'entrait donc pas dans les prévisions de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

17. D'autre part, selon un protocole d'accord du 23 décembre 2008, portant vente et location, l'EARL Avipro a vendu à la SNC KJD Capital un hangar à usage agricole non équipé de 64 m², un poulailler de 104 m² et du matériel pour un montant de 120 552,57 euros HT. Le bien acquis a été ensuite donné le même jour en location par la SNC KJD Capital au vendeur et exploitant agricole, l'EARL Avipro, pour une durée de 60 mois. A l'occasion des opérations de contrôle de la SEP KJD Capital 21, l'administration, après avoir constaté, qu'il n'existait pas de demande de permis de construire pour le hangar et le poulailler, que la déclaration d'achèvement des travaux ne pouvait être produite et qu'il n'y avait pas d'éléments précisant et justifiant le montant de la base défiscalisable, a considéré que la réalité de l'investissement figurant sur la facture délivrée par l'agriculteur n'était pas établie. Elle a, en conséquence, remis en cause l'éligibilité de cet investissement à la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme E..., l'administration s'est bornée à considérer qu'en l'absence de tout document susceptible de justifier de l'existence et du caractère neuf de l'investissement productif réalisé, cet investissement ne pouvait être considéré comme neuf et n'entrait donc pas dans les prévisions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Elle n'a donc pas subordonné le bénéfice de la réduction d'impôt revendiquée par les appelants à la production d'un permis de construire ou d'une déclaration d'achèvements de travaux. Ainsi, aucune des pièces versées au débat ne permettant d'attester de l'existence du hangar, du poulailler et de l'acquisition de divers matériels, et à fortiori de démontrer que l'investissement concerné est un investissement productif neuf ainsi que l'ont déclaré M. et Mme E..., ni d'établir le montant de cet investissement, c'est à bon droit que l'administration a estimé que l'investissement en cause ne pouvait être regardé comme éligible aux dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts et a, en conséquence, procédé aux rehaussements d'impôt litigieux.

18. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande de M. et Mme E....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 octobre 2017, en tant qu'il a fait droit à la demande de M. et Mme E... tendant à être déchargés du montant restant en litige de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités de retard, est annulé.

Article 2 : M. et Mme E... sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 à raison des droits et majorations qui leur ont été assignés, d'un montant de 17 040 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme B... E....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. G... D..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 mai 2020.

Le président,

Philippe Pouzoulet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00610
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : DAGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-20;18bx00610 ?
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