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19/05/2020 | FRANCE | N°19BX04261

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 19 mai 2020, 19BX04261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902704 du 7 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familial

e ".

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et mémoire, enregistrés sous le n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902704 du 7 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et mémoire, enregistrés sous le n° 19BX04261, le 4 novembre 2019 et le 29 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C....

Il soutient que :

- le tribunal a considéré à tort que l'intéressée remplissait les conditions lui permettant d'obtenir un titre de séjour en tant qu'étranger malade en se fondant sur un seul certificat médical établi postérieurement l'arrêté contesté et dont la teneur n'est pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII ; en outre, il n'est pas démontré que l'intéressée ne peut recevoir les soins nécessaires à son état de santé dans son pays d'origine ; dans ces conditions, Mme C... ne peut être admise au séjour en tant qu'étranger malade ni à un quelconque autre titre que ce soit ;

- les autres moyens dirigés à l'encontre de l'arrêté du 14 février 2019 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2020, Mme D... C..., représentée par Me A..., conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour au titre de son état de santé compte tenu de la nécessité de la prendre en charge médicalement et des conséquences d'une exceptionnelle gravité qui résulteraient de l'absence de prise en charge de son état de santé et alors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins au Kossovo et à la nature de sa pathologie d'ordre post-traumatique ;

- le collège de l'OFII a rendu un avis sans respect du principe de collégialité en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code précité ;

- l'avis du collège de l'OFII est irrégulier en l'absence de signature électronique sécurisée ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son état de santé et de la présence de son frère et de sa mère en France, et a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code précité ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 16 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 février 2020 à 12 heures.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 19BX04259, le 4 novembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 octobre 2019 attaqué.

Il soutient que l'arrêté du 14 février 2019 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi pris à l'encontre de Mme C... n'est pas entaché d'illégalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2020, Mme C..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête du préfet et à la condamnation de l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que la requête du préfet n'est motivée ni en droit ni en fait.

Par ordonnance du 16 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 4 février 2020 à 12 heures.

Par décision du 12 décembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., ressortissante kosovare née le 1er juin 1985 à Pristina (ancienne Yougoslavie, actuellement Kosovo), est entrée en France accompagnée de sa mère, le 15 novembre 2016 selon ses déclarations. Elle a sollicité le 11 juin 2018 la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 313-13 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 14 février 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 7 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse saisi d'une requête de l'intéressée, a annulé l'arrêté du 14 février 2019 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".

2. Par deux requêtes enregistrées sous les n° 19BX04259 et 19BX04261, qu'il convient de joindre dès lors qu'elles sont dirigées contre le même jugement, le préfet relève appel de ce jugement, dont il demande l'annulation, ainsi que le sursis à exécution.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

4. Pour prendre l'arrêté contesté, le préfet a estimé, suivant l'avis du 29 janvier 2019 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des certificats établis par deux médecins le 10 octobre 2018 et le 19 mars 2019, tous deux praticiens attachés au département de neurologie de l'Hôpital Riquet qui la suivent depuis son entrée en France, que Mme C..., qui présente par ailleurs notamment une anorexie et une asthénie, souffre de troubles psychiatriques liés à un stress post-traumatique consécutif à des évènements vécus lors du conflit survenu en 1999 au Kossovo, matérialisés par " un syndrome dépressif caractérisé " et un trouble fonctionnel du membre supérieur droit ainsi qu'un ralentissement psychomoteur et des idéations suicidaires. Selon le second praticien, dont le certificat, s'il est établi postérieurement à l'arrêté concerne une situation antérieure à celui-ci et qui se poursuit, le risque suicidaire étant déjà " élevé " en France, il serait dangereux de la renvoyer dans son pays d'origine, identifié par l'équipe médicale comme étant à l'origine de ces troubles. Aucune pièce du dossier ne permet de mettre en doute la validité de ces affirmations. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède, que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 14 février 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Mme C... réitère en appel ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation. Comme indiqué précédemment, ces conclusions principales en injonction ont déjà été accueillies par les premiers juges. Le présent arrêt, en rejetant l'appel interjeté par le préfet de la Haute-Garonne, ne réforme pas l'injonction de délivrance d'un titre de séjour prononcée par le tribunal. En outre, l'exécution du présent arrêt, qui rejette l'appel formé par le préfet de la Haute-Garonne, n'implique pas de prononcer une nouvelle injonction en ce sens. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... en appel doivent être rejetées.

Sur la demande de sursis à exécution :

8. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne, sa requête aux fins de sursis à exécution est devenue sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Me A..., avocat de Mme C..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation, de la part de Me A..., à la part contributive de l'État.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 19BX04259 et 19BX04261 du préfet de la Haute-Garonne sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera à Me A... une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Haute-Garonne, à Mme D... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mai 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04259, 19BX04261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04261
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-19;19bx04261 ?
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