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19/05/2020 | FRANCE | N°18BX01969

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 19 mai 2020, 18BX01969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFUR, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler trois arrêtés du 4 avril 2017 par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a mise en demeure de procéder à la dépose de dispositifs publicitaires et de procéder à la remise en état des lieux.

Par un jugement n° 1700941-1700943-1700957 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses trois demandes d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te, enregistrée le 15 mai 2018, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 19 juillet et 30 aoû...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AFUR, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler trois arrêtés du 4 avril 2017 par lesquels le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a mise en demeure de procéder à la dépose de dispositifs publicitaires et de procéder à la remise en état des lieux.

Par un jugement n° 1700941-1700943-1700957 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses trois demandes d'annulation.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2018, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 19 juillet et 30 août 2019, la société AFUR, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 13 mars 2018 ;

2°) d'annuler les trois arrêtés du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 4 avril 2017 ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 89 312,14 euros hors taxe en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en joignant ses trois demandes, les premiers juges n'ont pas tenu compte des différences de situation entre les dispositifs concernés par chacun des trois arrêtés ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation des arrêtés contestés ;

- les procès-verbaux de constat et les arrêtés en litige mentionnent l'article L. 581-27 du code de l'environnement au lieu de l'article L. 581-7 du même code et sont donc insuffisamment motivés, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les dispositifs en litige sont installés dans des espaces sur lesquels sont groupés plusieurs immeubles bien rapprochés et doivent donc être regardés comme étant en agglomération ;

- pour les dispositifs situés sur la commune de Sault-de-Navailles, elle est assujettie à la taxe locale sur la publicité extérieure par la commune, qui a ainsi autorisé leur installation ;

- des dispositifs appartenant à des sociétés concurrentes ont été installés dans les mêmes conditions que ceux en litige sans faire l'objet de constats d'infraction, ce qui porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et à la libre concurrence ;

- certains des dispositifs en litige constituent des préenseignes au sens de l'article L. 581-3 du code de l'environnement et bénéficient donc de dérogations en vertu de l'article L. 581-19 du même code ;

- les arrêtés en litige lui ont causé un préjudice financier dès lors qu'elle a dû procéder au démontage des dispositifs en litige et que cela a entraîné la rupture des contrats passés avec les annonceurs.

Par deux mémoires, enregistré les 22 juillet et 30 août 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions indemnitaires, nouvelles en appel et n'ayant pas fait l'objet d'une demande préalable, sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2019 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la route ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société AFUR exerce une activité de gestion d'emplacements publicitaires au profit d'annonceurs locaux et régionaux. Par trois arrêtés du 4 avril 2017, le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a mise en demeure de procéder à la dépose de dispositifs publicitaires. La société AFUR relève appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires. La jonction est, par elle-même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel ou devant le juge de cassation.

3. En revanche, bien qu'il l'ait visé, le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré du défaut de motivation des arrêtés contestés, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société AFUR devant le tribunal administratif de Pau.

Sur la légalité des arrêtés du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 4 avril 2017 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 581-27 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, l'autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux. / Cet arrêté est notifié à la personne qui a apposé, fait apposer ou maintenu après mise en demeure la publicité, l'enseigne ou la préenseigne irrégulière (...) ". Aux termes de l'article L. 581-40 du même code : " Pour l'application des articles (...) L. 581-27 (...), sont habilités à procéder à toutes constatations, outre les officiers de police judiciaire : (...) 5° Les fonctionnaires et agents des services de l'Etat et de ses établissements publics, commissionnés à cet effet et assermentés (...) ".

6. S'il est constant que les procès-verbaux de constat d'infraction et les arrêtés en litige mentionnent à tort que les dispositifs en cause sont en infraction avec l'article L. 581-27 du code de l'environnement, cette simple erreur de plume est sans incidence sur leur légalité dès lors que la disposition citée correspond bien à l'article L. 581-7 du même code. En outre, les procès-verbaux et les arrêtés décrivent les dispositifs en cause et donnent leur localisation précise. Si les arrêtés mentionnent que les dispositifs sont " implantés sur le domaine public ou privé, hors agglomération ", il n'en résulte aucune insuffisance de motivation, dès lors que l'emplacement public ou privé des installations n'a en l'espèce aucune influence sur la réalité et la consistance de l'infraction relevée. Il en va de même de l'absence d'indication des dimensions des dispositifs. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des procès-verbaux et des arrêtés en litige doit être écarté. Ainsi, la requérante a été mise à même de contester utilement les motifs des arrêtés en litige.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 581-7 du code de l'environnement : " En dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite (...) ". Pour l'application de ces dispositions, est regardé comme zone d'agglomération un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés.

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des plans et photographies produites par les parties, que l'ensemble des dispositifs en litige sont implantés le long des routes départementales 817 et 933, dans des secteurs ne comprenant que quelques constructions éparses qui ne sauraient donc être regardées comme des immeubles bâtis rapprochés. Dans ces conditions, indépendamment de toute matérialisation par des panneaux de lieux-dits ou d'entrée et de sortie d'agglomérations, les dispositifs en litige sont implantés en dehors d'agglomérations au sens des dispositions de l'article L. 581-7 du code de l'environnement.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 581-19 du code de l'environnement : " Les pré-enseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité (...) / Par dérogation à l'interdiction mentionnée au premier alinéa de l'article L. 581-7, en dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, peuvent être signalés de manière harmonisée par des pré-enseignes, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat : - les activités en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir par des entreprises locales, les activités culturelles et les monuments historiques, classés ou inscrits, ouverts à la visite ; - à titre temporaire, les opérations et manifestations exceptionnelles mentionnées à l'article L. 581-20 du présent code. / Les activités autres que celles mentionnées aux quatrième et cinquième alinéas du présent article ne peuvent être signalées que dans des conditions définies par les règlements relatifs à la circulation routière ". Aux termes de l'article L. 581-3 du même code : " Au sens du présent chapitre : / 1° Constitue une publicité, à l'exclusion des enseignes et des pré-enseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; / 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s'y exerce ; / 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d'un immeuble où s'exerce une activité déterminée ".

10. A supposer que certains dispositifs en litige puissent être regardés comme des préenseignes, les activités qu'ils mentionnent ne sont pas au nombre de celles visés par l'article L. 581-19 du code de l'environnement en l'état du droit applicable. Dans ces conditions, la société requérante ne peut pas utilement se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que certains dispositifs en litige, bien que situés hors agglomération, ne sont pas soumis à l'interdiction prévue par l'article L. 581-7 du même code.

11. En quatrième lieu, la circonstance que les dispositifs implantés sur le territoire de la commune de Sault-de-Navailles seraient assujettis à la taxe locale sur la publicité extérieure, prévue à l'article L. 2333-6 du code général des collectivités territoriales, est sans incidence sur la légalité des arrêtés en litige, fondés sur les dispositions de l'article L. 581-7 du code de l'environnement.

12. En cinquième lieu, si la société requérante fait valoir que certains de ses concurrents ont implanté des dispositifs publicitaires dans des conditions similaires sans donner lieu à des constats d'infraction, cette seule circonstance est sans incidence sur la légalité des arrêtés en litige dans la présente instance, qui ont été régulièrement édictés en application de la législation relative aux publicités et enseignes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté. Il en va de même des moyens tirés de l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie et à la libre concurrence.

13. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Afur n'est pas fondée à demander l'annulation des trois arrêtés du 4 avril 2017 du préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Sur les conclusions indemnitaires :

15. La société requérante demande la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 89 312,14 euros hors taxe en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'intervention des arrêtés en litige. Toutefois, ces conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables. Au demeurant, il résulte de ce qui précède que la société requérante n'établit pas que le préfet aurait commis une faute en édictant ces arrêtés.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Afur au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 13 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société AFUR devant le tribunal administratif de Pau et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AFUR et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie sera transmise au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mai 2020.

La présidente,

Elisabeth B... La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01969


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01969
Date de la décision : 19/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

02-01-04-01 Affichage et publicité. Affichage. Régime de la loi du 29 décembre 1979. Notions de publicité, d'enseigne ou de préenseigne.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ACBC AVOCATS BAYONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-19;18bx01969 ?
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