Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI du Four Sud, société civile immobilière, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er juin 2016 par lequel le maire de la commune de Lège Cap Ferret a retiré le permis de construire qu'il lui avait délivré le 8 mars 2016 pour la réalisation d'une maison individuelle.
Par un jugement n° 1603148 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 février 2018, le 25 juillet 2019 et le 28 octobre 2019, la SCI du Four Sud, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné du maire de Lège Cap Ferret du 1er juin 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lège Cap Ferret la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délivrance du permis de construire sollicité n'avait pas à être précédée d'une autorisation de défrichement au sens des articles L. 425-6 du code de l'urbanisme et L. 341-1 du code forestier et suivants dès lors que le projet est situé en lisière d'une étendue boisée en discontinuité avec le bois, et que le seuil de 4 hectares prévu par l'article L. 342-1 du code forestier au-delà duquel une autorisation de défrichement est requise n'est pas atteint ; la lecture du projet de plan local d'urbanisme du 2 mars 2018 et notamment du document graphique de la zone concernée, corrobore cette analyse ;
- en outre le projet n'aura pas pour conséquence de détruire l'état boisé du terrain et de mettre fin à sa destination forestière dès lors qu'il prévoit la conservation des deux arbres existants ;
- par ailleurs, le projet est exempté de toute autorisation de défrichement au titre des parcs et jardins visés à l'article L. 342-1 du code forestier ;
- subsidiairement, si la cour devait retenir ce moyen, le projet est régularisable par le dépôt d'une demande de permis de construire modificatif ;
- le projet de construction ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors que le terrain d'assiette du projet, situé en secteur constructible, n'est pas situé dans une zone d'urbanisation diffuse éloignée de toute agglomération et village existant mais dans un secteur déjà urbanisé regroupant une densité significative de constructions ; le projet vient en l'espèce combler une dent creuse ; la parcelle jouxte le camping des Viviers, lequel assure une continuité de l'urbanisation et du village de Claouey ;
- si la cour retenait le contraire, cela impliquerait de reconnaitre la faute commise par la commune dans le zonage du secteur, classé comme constructible dans le plan d'occupation des sols applicable, tout comme dans le projet de règlement de plan local d'urbanisme de la commune ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme qui prohibe les constructions situées en dehors d'un espace urbanisé à moins de 100 mètres de la limite des plus hautes eaux littorales ; en l'espèce, le terrain d'assiette du projet se situe dans un espace déjà urbanisé au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, il n'a donc pas à respecter cette distance de 100 mètres.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 juin 2019, le 24 septembre 2019 et le 19 novembre 2019, la commune de Lège Cap Ferret, représentée par son maire en exercice et le cabinet Noyer Cazcarra Avocats, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI du Four Sud la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 31 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 9 décembre 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code forestier ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SCI du Four Sud, et de Me A..., représentant la commune de Lège Cap Ferret.
Une note en délibéré a été présentée pour la SCI du Four Sud le 10 mars 2020.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI du Four Sud a déposé le 25 novembre 2015 une demande de permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle sur le territoire de la commune de Lège Cap Ferret. Par un arrêté du 8 mars 2016, le maire lui a délivré ce permis, puis par un arrêté du 1er juin 2016, le maire, sur demande de l'autorité préfectorale dans le cadre du contrôle de légalité, lui a retiré ce permis après avoir recueilli ses observations conformément à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. La SCI du Four Sud a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté du 1er juin 2016. Elle relève appel du jugement par lequel les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 1er juin 2016 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis ". Aux termes de l'article L. 341-7 du code forestier, dans sa rédaction applicable : " Lorsque la réalisation d'une opération ou de travaux soumis à une autorisation administrative, à l'exception de celles prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier et au chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement, nécessite également l'obtention d'une autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance de cette autorisation administrative ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation (...) ". Aux termes de l'article L. 341-1 du même code : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière (...) " Aux termes de l'article L. 342-1 de ce code : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / 1° Dans les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'État, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; / 2° Dans les parcs ou jardins clos et attenants à une habitation principale, lorsque l'étendue close est inférieure à 10 hectares. Toutefois, lorsque les défrichements projetés dans ces parcs sont liés à la réalisation d'une opération d'aménagement prévue au titre Ier du livre III du code de l'urbanisme ou d'une opération de construction soumise à autorisation au titre de ce code, cette surface est abaissée à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'État (...) ". Pour l'application de l'article L. 342-1 du code forestier, le préfet de la Gironde a, par arrêté du 7 octobre 2003, fixé ce seuil à 0,5 hectares.
3. Il résulte des dispositions précitées du code forestier que l'autorisation de défrichement dépend non pas de la taille de la parcelle sur laquelle s'implante le projet, mais de la superficie du bois dans lequel le projet s'insère. Il ressort des pièces du dossier et notamment des documents photographiques, que la parcelle BE n° 55, terrain d'assiette du projet, se situe en lisière d'un hameau de constructions diffuses, au sein d'un vaste massif boisé qui dépasse le seuil de 0,5 hectare fixé par le préfet au-delà duquel une autorisation de défrichement est requise. La circonstance que le terrain d'assiette du projet borde l'avenue du Martin Pêcheur, voie étroite desservant un nombre limité de constructions, n'est pas de nature à caractériser une coupure physique entre ce terrain et le massif forestier. En outre, le terrain d'assiette du projet, dont il n'est pas contesté qu'il demeure à l'état naturel, qui n'est pas clos et ne comporte pas de construction, ne saurait être regardé comme un parc ou un jardin clos et attenant à une habitation principale au sens des dispositions précitées de l'article L. 342-1 du code forestier. Enfin, quand bien même le projet prévoit de conserver les deux arbres existants et d'en planter d'autres et bien que le secteur soit classé en zone constructible par le projet de plan local d'urbanisme du 2 mars 2018, il est constant qu'aucune autorisation de défrichement n'a été obtenue préalablement à l'obtention du permis de construire en litige et qu'ainsi, les dispositions précitées de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme ont été méconnues. Si l'absence d'autorisation de défrichement préalable est susceptible de régularisation par la délivrance d'un permis de construire modificatif, cette circonstance est sans incidence sur l'illégalité du permis retiré et ne fait pas par elle-même obstacle au retrait de ce permis.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme reprenant les dispositions de l'ancien article L. 146-4 du même code : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ".
5. Il résulte de ces dispositions que dans les communes littorales, ne peuvent être autorisés dans les zones situées en dehors des espaces déjà urbanisés, que les constructions réalisées en continuité soit avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Ainsi, les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations.
6. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans et photographies produites que le terrain d'assiette du projet, prévu sur la parcelle BE n° 55, se situe dans le lieu-dit le Four Sud, secteur qui est limitrophe à l'Est du bassin d'Arcachon et à l'Ouest d'un vaste ensemble boisé. Bien que située à proximité immédiate de quelques constructions et d'une zone ostréicole, la parcelle en cause se trouve dans une zone d'urbanisation diffuse où les constructions ne sont pas caractérisées par une densité significative. Elle se trouve en lisière d'un massif boisé, à 5 kilomètres du bourg de Lège Cap Ferret, à 600 mètres au Nord du village de Petit Piquey et à 1,5 kilomètre au Sud du village de Claouey et elle est bordée au Sud et à l'Ouest de parcelles dépourvues de toute construction. Il ressort également des pièces du dossier que si le terrain d'assiette du projet jouxte au Nord et à l'Est des parcelles construites, et qu'un camping est implanté à proximité, elle ne constitue pas une dent creuse et ne se situe pas dans un village ni en continuité d'une agglomération au sens et pour l'application des dispositions précitées. Par suite, et alors que sa situation en zone constructible ne saurait à elle seule lui conférer la qualification de village au sens des dispositions précitées, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que le projet méconnaissait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ".
8. Il n'est pas contesté que le terrain d'assiette du projet en litige est situé dans la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage. Dès lors, compte tenu de ce qui a été rappelé au point 6 du présent arrêt quant à la situation du terrain d'assiette du projet en dehors des espaces urbanisés, le projet en litige doit être regardé comme méconnaissant également les dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le permis délivré le 8 mars 2016 à la SCI du Four Sud était entaché d'illégalité et pouvait donc être légalement retiré dans le délai de quatre mois. Ainsi, la SCI du Four Sud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er juin 2016 portant retrait du permis de construire délivré le 8 mars 2016.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lège Cap Ferret qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI du Four Sud la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Lège Cap Ferret au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI du Four Sud est rejetée.
Article 2 : La SCI du Four Sud versera à la commune de Lège Cap Ferret une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Four Sud et à la commune de Lège Cap Ferret.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme C... D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mai 2020.
Le président,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX00546