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14/05/2020 | FRANCE | N°19BX04360

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19BX04360


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du préfet de la Dordogne du 15 octobre 2019 prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'assignant à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905141, 1905142 du 21 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté portant as

signation à résidence et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du préfet de la Dordogne du 15 octobre 2019 prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'assignant à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905141, 1905142 du 21 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté portant assignation à résidence et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice de l'avocat de M. B... au titre des frais liés au litige.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 octobre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Dordogne a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre sa décision ;

- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas été mis à même de formuler des observations écrites ou orales préalablement à son édiction ;

- l'arrêté méconnait le 5° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé en compétence liée ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

Par une ordonnance du 20 décembre 2019, la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 30 janvier 2020 à 12h00.

Le préfet de la Dordogne a produit un mémoire le 30 janvier 2020 à 15h01 qui n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er mars 2018, le préfet de la Dordogne a obligé M. B..., ressortissant nigérian né en 1968, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Les recours contre cet arrêté, formés par M. B..., ont été rejetés par le tribunal administratif puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux. M. B... n'ayant pas exécuté cette mesure d'éloignement, le préfet de la Dordogne a pris à son encontre, le 15 octobre 2019, un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et un arrêté du même jour l'assignant à résidence. M. B... a contesté ces deux arrêtés et, par un jugement du 21 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté portant assignation à résidence, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice du conseil de M. B... et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

3. L'arrêté prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé. Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté mentionne les éléments de sa situation personnelle, notamment la date d'entrée sur le territoire, sa situation familiale, la méconnaissance d'une précédente mesure d'éloignement, justifiant l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire ainsi que sa durée d'un an. Ces indications ont permis à M. B... de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté.

4. Il ne ressort ni des termes de l'arrêté, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Dordogne n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

5. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. M. B... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été entendu préalablement à l'édiction de la décision contestée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. M. B... se prévaut de la durée de résidence en France de plus de huit ans, de son intégration en France et du fait qu'il a rompu tout lien avec son pays d'origine à l'exception de quelques contacts téléphoniques avec son fils. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... a épousé une ressortissante française en 2014, l'intéressé a toutefois divorcé en 2017. Par ailleurs, les pièces produites par M. B..., célibataire et sans charge de famille sur le territoire national, ne permettent pas de caractériser l'existence, en France, de liens personnels et familiaux intenses et stables. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la plus grande partie de sa vie et où résident notamment sa mère, ses frères et soeurs ainsi que son enfant mineur. Dans ces conditions, la décision prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. M. B... ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance du 5° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposition propre à l'assignation à résidence, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise par un arrêté du 1er mars 2018. Il est célibataire et sans charge de famille en France et est père d'un enfant mineur résidant au Nigéria. Dans ces conditions, et alors même que la présence de l'intéressé sur le territoire français ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Dordogne, en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2019 par lequel le préfet de la Dordogne a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 19BX04360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04360
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : KAOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;19bx04360 ?
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