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14/05/2020 | FRANCE | N°18BX02227

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 18BX02227


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Richou Voyages a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Niort à lui payer la somme de 95 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la résiliation illégale de la convention d'occupation dont elle bénéficiait pour le local situé 6 rue Brisson à Niort.

Par un jugement n° 1600581 du 4 avril 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Niort à payer à la SAS Richou Voyages la d

ifférence entre les sommes perçues au titre de la redevance d'occupation domaniale à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Richou Voyages a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Niort à lui payer la somme de 95 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la résiliation illégale de la convention d'occupation dont elle bénéficiait pour le local situé 6 rue Brisson à Niort.

Par un jugement n° 1600581 du 4 avril 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Niort à payer à la SAS Richou Voyages la différence entre les sommes perçues au titre de la redevance d'occupation domaniale à compter du 1er janvier 2012 et celles qui auraient dû l'être en application des tarifs applicables en 2011 et a rejeté le surplus des demandes de la société.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juin 2018 et 4 juin 2019, la SAS Richou Voyages, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 avril 2018 sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de condamnation de la commune de Niort à rembourser le trop-perçu des redevances et à la condamnation au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la commune de Niort à lui payer la somme de 95 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la résiliation illégale de la convention d'occupation dont elle bénéficiait pour le local situé 6 rue Brisson à Niort ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Niort une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la convention de bail conclue avec la commune de Niort le 3 avril 1987 a été poursuivie avec l'accord de la commune puis de la SEM des Halles dès lors que la commune l'a autorisée à poser une enseigne le 14 novembre 2011 ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle ne disposait d'aucun titre d'occupation des locaux ; son éviction a été prise sur la base de la délibération du 7 novembre 2011 et de la décision du 21 décembre 2011 qui ont été jugées illégales ; eu égard au caractère illégal de cette même éviction, elle est fondée à solliciter réparation du préjudice immédiat qu'elle a subi du fait de la résiliation de sa convention d'occupation ;

- les frais liés au déménagement et à l'aménagement de nouveaux locaux s'élèvent à 75 038,03 euros et le préjudice lié à la perte du droit au bail commercial est évalué à 20 000 euros ; ayant quitté les locaux le 31 mars 2013, il en résulte un préjudice de 8 768,70 euros résultant de l'augmentation illicite du loyer de 473,67 euros à 1 058,25 euros.

Par un mémoire, enregistré le 15 janvier 2019, la commune de Niort, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête de la SAS Richou Voyages et à la mise à sa charge d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Richou Voyages ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la commune de Niort.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Richou Voyages exploitait, jusqu'au 31 mars 2013, une agence de voyages dans un local situé sous le pavillon des Halles de Niort, situé 4-6 rue Brisson. Par une délibération du 7 novembre 2011, le conseil municipal de la commune de Niort a approuvé les nouvelles orientations applicables aux espaces situés sous les arcades des halles, côté numéros pairs de la rue Brisson, a décidé la résiliation des conventions d'occupation du domaine public dans ces locaux et a adopté les tarifs applicables pour le calcul des redevances d'occupation mensuelles à compter du 1er janvier 2012. Par un courrier du 21 décembre 2011, le maire de Niort a demandé à la société Richou Voyages de libérer les lieux qu'elle occupait au 6 rue Brisson avant le 31 décembre 2012 et lui a notifié la réévaluation de la redevance mensuelle dont elle était redevable à hauteur de 12,75 euros par m². La délibération du 7 novembre 2011 et la décision du 21 décembre 2011 ont été annulées par des jugements du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Poitiers respectivement n° 1200130, 1200133 et 1200141 et n° 1200518. Par un jugement n° 1600581 du 4 avril 2018, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Niort à payer à la SAS Richou Voyages la différence entre les sommes perçues au titre de la redevance d'occupation domaniale à compter du 1er janvier 2012 et celles qui auraient dû l'être en application des tarifs applicables en 2011. La SAS Richou Voyages relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses prétentions tendant à la condamnation de la commune de Niort à lui verser la somme de 95 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la " résiliation illégale de la convention d'occupation " dont elle prétend bénéficier pour le local situé 6 rue Brisson à Niort.

Sur la responsabilité :

2. La société Richou Voyages doit être regardée comme recherchant, d'une part, la responsabilité pour faute de la commune du fait de l'illégalité de la décision du maire du 21 décembre 2011, elle-même fondée sur la délibération du conseil municipal du 7 novembre 2011 reconnue illégale, et, d'autre part, sa responsabilité sans faute du fait de la " résiliation unilatérale de la convention d'occupation du domaine public ".

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

3. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-2 du même code : " L'occupation ou l'utilisation du domaine public ne peut être que temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-3 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire et révocable ".

4. Il résulte de l'instruction que la décision du 21 décembre 2011 a été annulée par le tribunal administratif de Poitiers par un jugement du 18 décembre 2014, en raison du vice d'incompétence dont elle était entachée.

5. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, sauf s'il apparaît que l'administration aurait pu prendre légalement la même décision et pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.

6. Il résulte de l'instruction que la société Richou Voyages a signé le 3 avril 1987 avec la commune de Niort un " contrat de location " des magasins portant les numéros 4 et 6 rue Brisson pour une durée de neuf années à compter du 16 février 1987 jusqu'au 15 février 1996. Si la société appelante fait valoir qu'elle disposait bien, postérieurement à cette dernière date, d'un titre l'autorisant à occuper les locaux puisque la signature de ce contrat résultait d'une cession de droit au bail commercial, renouvelable par tacite reconduction, conclu avec les précédents occupants, il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que la commune, qui a expressément précisé dans la convention du 3 avril 1987 que le bail passé avec les précédents occupants était annulé, aurait laissé croire à la société Richou qu'elle bénéficiait des garanties prévues par la législation des baux commerciaux, et notamment du renouvellement du bail par tacite reconduction. En outre, le courrier du 14 novembre 2011 se borne à répondre favorablement à une demande de pose d'une enseigne sur la façade de l'immeuble et indique expressément que l'autorisation d'installer une telle enseigne ne constitue en aucun cas une reconduction de l'autorisation à occuper les locaux. Par suite, la société appelante ne peut se prévaloir de ce courrier pour justifier qu'elle bénéficiait d'un titre l'habilitant à occuper le domaine public. Enfin, une convention d'occupation du domaine public ne pouvant être tacite et devant revêtir un caractère écrit, la société requérante ne peut se prévaloir de l'occupation effective du domaine public pour établir l'existence d'une autorisation d'occupation du domaine public. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que la société Richou Voyages, qui bénéficiait d'une tolérance de l'administration pour occuper sans titre les locaux situés au 4-6 rue Brisson, était dépourvue de tout titre pour occuper le domaine public.

7. Il résulte de ce qui précède que la décision de la commune de Niort demandant à la société Richou Voyages de quitter les lieux était fondée. Par ailleurs, les préjudices dont se prévaut l'intéressée, à savoir les frais liés au déménagement et à l'aménagement de nouveaux locaux et la perte du droit au bail commercial, ne sont pas directement liés à l'illégalité externe fautive de la décision du maire de Niort. Ces préjudices ne sont pas davantage directement liés à l'illégalité de la délibération du conseil municipal du 7 novembre 2011 qui ne concerne que la fixation des nouveaux tarifs et non la résiliation des autorisations d'occupation du domaine public. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant à être indemnisée des frais résultant de son départ du local situé 4-6 rue Brisson, sous le pavillon des Halles de Niort.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

8. En raison de l'absence de titre autorisant la société Richou Voyages à occuper le domaine public, la responsabilité sans faute de la commune ne saurait être engagée à son égard sur le fondement d'une prétendue résiliation d'une convention d'occupation du domaine public.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Richou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Niort, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SAS Richou Voyages demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SAS Richou Voyages une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Niort.

DECIDE :

Article 1er: La requête de la SAS Richou Voyages est rejetée.

Article 2 : La SAS Richou Voyages versera à la commune de Niort une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Richou Voyages et à la commune de Niort.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02227
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-02 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Contrats et concessions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL CARADEUX CONSULTANTS - INTERBARREAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;18bx02227 ?
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