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12/03/2020 | FRANCE | N°19BX02781

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 12 mars 2020, 19BX02781


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1900987 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 18 juillet 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de l'admettre prov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1900987 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 juin 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 21 janvier 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 7 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée, notamment car elle ne vise pas l'accord franco-algérien ;

- cette décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière : il n'a pas été convoqué et n'a pas pu présenter d'observations préalables ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit : le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle dès lors qu'il s'est fondé sur le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il aurait dû viser et fonder sa décision sur l'accord franco-algérien, notamment sur le 7) de l'article 6 ;

- elle méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien : son état de santé nécessite un traitement dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et auquel il n'aura pas accès dans son pays d'origine ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : il est entré régulièrement en France où il réside depuis 4 ans et où il bénéfice du traitement nécessité par son état de santé ; il est bien intégré et ses enfants sont scolarisés ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

- ce délai est insuffisant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des conséquences psychiatriques liés au vécu en Algérie ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2019, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 novembre 2019 à 12h00.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 22 décembre 1967, est entré en France le 25 juillet 2015 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour et y a sollicité le bénéfice de l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 février 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 29 juin 2017. Le 30 juin 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 21 janvier 2019, le préfet de l'Aveyron a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle total par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 17 octobre 2019. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

S'agissant de la légalité externe :

3. M. B... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apporté par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ainsi que celui tiré de ce que cette décision serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

S'agissant de la légalité interne :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. (...). / Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales. ".

5. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Il suit de là que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des stipulations fixées par l'accord précité.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".

7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...). Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) ; / 7) Au ressortissant algérien résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...). ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B..., ressortissant de nationalité algérienne, le préfet de l'Aveyron s'est fondé sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et dès lors que le régime applicable aux ressortissants algériens est entièrement régi par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet de l'Aveyron ne pouvait légalement prendre la décision attaquée sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le soutient M. B....

9. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

10. En l'espèce la décision attaquée trouve son fondement légal dans les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968. Les conditions posées par ces stipulations à la délivrance d'un certificat de résidence au ressortissant algérien malade sont de portée équivalente à celles résultant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a substitué les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 aux dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette substitution de base légale n'a privé l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

11. En deuxième lieu, quand bien même le préfet s'est fondé à tort sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de ce qui précède, comme de la motivation de l'arrêté, qu'il s'est livré à un examen approfondi de la situation personnelle de M. B....

12. En troisième lieu, M. B... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif le moyen tiré de la méconnaissance du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, celui tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. M. B... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

14. M. B... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que le délai de départ qui lui a été accordé serait insuffisant. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

15. En premier lieu et pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

16. En second lieu, M. B... reprend en appel, dans des termes identiques, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2019 du préfet de l'Aveyron. Par voie de conséquence, les conclusions du requérant à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. C... D..., président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

Le président-assesseur,

Dominique Ferrari

Le président,

Philippe D...

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX02781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02781
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : MAINIER - SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-12;19bx02781 ?
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