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12/03/2020 | FRANCE | N°19BX02597

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 12 mars 2020, 19BX02597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 14 août 2018 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ainsi que la décision du même jour fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800616 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2019, Mme A..., représent

e par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Mart...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 14 août 2018 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ainsi que la décision du même jour fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800616 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 7 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Martinique du 14 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière : elle n'a pas été entendue préalablement à l'intervention de la décision attaquée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que : elle est mère d'une enfant française qui est scolarisée et dont le père est français et réside en France ; en outre, il n'a pas été tenu compte de son état de santé ainsi que de celui de sa fille ;

- cette décision méconnaît lest articles 3 et 5 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : elle est mère d'une enfant française qui est scolarisée et dont le père est français et réside en France ; il n'a pas été tenu compte de son état de santé ainsi que de celui de sa fille ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle n'a pas été entendue sur les motifs éventuels de craindre un retour dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : un retour dans son pays d'origine risquerait d'aggraver l'état de santé de sa fille dès lors qu'elle n'aurait pas accès au traitement nécessité par son état de santé ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

Par ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2019 à 12h00.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante haïtienne née le 20 mai 1988, est entrée en France le 30 décembre 2012, selon ses déclarations et y a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 décembre 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 3 juin 2016. Par un arrêté du 14 août 2018, le préfet de la Martinique l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et, par une décision du même jour, a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été soulevé par Mme A... devant le tribunal administratif. L'intéressée ne peut ainsi utilement soutenir que le jugement attaqué serait entachée d'irrégularité au motif que les premiers juges n'auraient pas répondu à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre une décision portant refus de titre de séjour :

3. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet de la Martinique, qui s'est borné à prendre une mesure d'éloignement consécutivement au rejet de la demande d'asile de la requérante en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait entendu refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les moyens soulevés par l'intéressée à l'encontre d'une telle décision ne peuvent qu'être écartés comme étant inopérants.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3 que Mme A... ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait privée de base légale en raison de l'illégalité d'une décision portant refus de titre de séjour.

5. En deuxième lieu, par un arrêté du 20 février 2018, régulièrement publié le 21 février 2018 au recueil des actes administratifs n°R02-2018-022, le préfet de la Martinique a donné délégation à M. Patrick Amoussou-Adeble, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté attaqué, pour signer les décisions obligeant les ressortissants étrangers à quitter le territoire français. Par suite, le moyen d'incompétence ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, la décision attaquée vise les textes applicables à la situation de Mme A... et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision mentionne les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée sur le territoire français, précise que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, puis par la CNDA, et qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Il est également fait état de la situation personnelle et familiale de Mme A... et il est mentionné que cette décision ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a été admise à séjourner en France que de manière temporaire, le temps de l'examen de sa demande d'asile, et qu'elle s'est maintenue en France depuis le rejet définitif de cette demande par la Cour nationale du droit d'asile le 3 juin 2016. Aucune des pièces du dossier ne vient corroborer les allégations de la requérante selon lesquelles sa fille serait de nationalité française et que le père de cette dernière, qui serait également de nationalité française, résiderait en France. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'état de santé de la requérante ou celui de sa fille s'opposeraient à la mesure d'éloignement dont elle fait l'objet. Mme A... n'établit ni même n'allègue avoir créé des liens d'une particulière intensité au cours de son séjour alors qu'il est constant que ses parents résident en Haïti, pays dont elle a la nationalité, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et où sa fille pourra poursuivre sa scolarité. Dans ces circonstances, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux incidences de la mesure sur la situation personnelle de la requérante.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...). ".

11. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

12. A supposer que Mme A... soutienne qu'elle a été privée du droit d'être entendu que lui reconnaît le droit de l'Union européenne, elle ne se prévaut d'aucun élément pertinent qu'elle aurait pu faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision attaquée. Le moyen doit ainsi être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. ".

14. Si Mme A... soutient qu'un retour dans son pays d'origine risquerait d'aggraver l'état de sa fille dès lors que cette dernière n'aurait pas accès au traitement nécessité par son état de santé, ce qui l'exposerait ainsi à des risques de torture, de peines ou de traitements inhumains ou dégradants, elle ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations alors que l'OFPRA et la CNDA ont déjà rejeté sa demande d'asile en France. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

15. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point précédent.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 août 2018 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ainsi que la décision du même jour fixant le pays de renvoi. Par voie de conséquence les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. C... D..., président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

Le président-assesseur,

Dominique Ferrari Le président,

Philippe D... Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02597
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : MEAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-12;19bx02597 ?
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