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10/03/2020 | FRANCE | N°18BX01902

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 10 mars 2020, 18BX01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AE1 Industries, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 21 mai 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a refusé de délivrer l'agrément nécessaire à l'obtention du bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Par un jugement n° 1600179 du 8 février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, la société AE1 Industries, représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AE1 Industries, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 21 mai 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a refusé de délivrer l'agrément nécessaire à l'obtention du bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Par un jugement n° 1600179 du 8 février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, la société AE1 Industries, représentée par la SELARL Chemouli Dalin Stoloff Boinet et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision du ministre des finances et des comptes publics du 21 mai 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'acquisition en litige a été réalisée par contrat du 31 décembre 2010 et était parfaite à cette date, conformément à l'article 1583 du code civil ;

- l'inscription au registre français d'immatriculation, prévue par le code de l'aviation civile, n'est possible qu'une fois le transfert de propriété intervenu et n'a d'effet que sur l'opposabilité de la vente aux tiers ;

- en application du délai prévu au 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, un agrément tacite est né le 10 octobre 2014 ;

- l'annulation du refus du 17 décembre 2010 par la cour administrative d'appel de Paris a eu pour effet de saisir à nouveau le ministre de sa demande ;

- à défaut de réponse de l'administration, un agrément tacite est né le 10 octobre 2014, au terme du délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris à l'administration ;

- la demande de pièces complémentaires n'a pas été régulièrement notifiée ;

- la décision de refus d'agrément du 21 mai 2015 doit être analysée comme une décision de retrait de l'agrément tacite.

Par ordonnance du 23 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 juillet 2019 à 12 heures.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'administration, en s'appuyant, pour refuser l'agrément prévu par l'article 217 undecies du code général des impôts, sur le non-respect des conditions prévues par l'article 199 undecies B du même code, a méconnu le champ d'application de ces dispositions.

Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics a présenté ses observations en réponse à ce moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 septembre 2010, la société ACI financement outre-mer a sollicité, pour le compte des associés de la société AE1 industries, l'agrément nécessaire pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts au titre de l'acquisition, en 2010, d'un hélicoptère destiné à être exploité en Guyane par la société Yankee Lima hélicoptères. Par décision du 21 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics a refusé de lui délivrer cet agrément. La société AE1 Industries relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision en litige :

2. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) / II. (...) 2. Pour ouvrir droit à réduction et par dérogation aux dispositions du 1, les investissements mentionnés au I doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies lorsqu'ils sont réalisés dans les secteurs des transports (...) ". Aux termes du III de l'article 217 undecies du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés dans les secteurs des transports (...) doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer (...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé. / 2. L'agrément est tacite à défaut de réponse de l'administration dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande d'agrément. Ce délai est ramené à deux mois lorsque la décision est prise et notifiée par l'autorité compétente de l'Etat dans les départements d'outre-mer. Lorsque l'administration envisage une décision de refus d'agrément, elle doit en informer le contribuable par un courrier qui interrompt le délai mentionné au premier alinéa et offre la possibilité au contribuable, s'il le sollicite, de saisir, dans un délai de quinze jours, une commission consultative dont la composition, les attributions et le fonctionnement sont définis par décret. En cas de saisine, un nouveau délai d'une durée identique à celle mentionnée au premier alinéa court à compter de l'avis de la commission. La commission dispose, pour rendre cet avis, d'un délai ne pouvant excéder deux mois. Le délai mentionné au premier alinéa peut être interrompu par une demande de l'administration fiscale de compléments d'informations. Il est suspendu en cas de notification du projet pour examen et avis de la Commission européenne (...) ".

3. Lorsque, d'une part, des dispositions législatives ou réglementaires ont prévu que le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande d'agrément fait naître, à l'expiration du délai imparti à l'administration pour statuer, une décision implicite d'acceptation de la demande et que, d'autre part, la décision prise dans ce délai, qu'elle accorde ou qu'elle refuse expressément l'agrément sollicité est annulée pour excès de pouvoir par le juge, la décision expresse d'octroi ou de refus disparaît rétroactivement. Cette disparition oblige, en principe, l'autorité administrative à procéder à une nouvelle instruction de la demande dont cette autorité demeure saisie. Toutefois, dans l'hypothèse où est applicable un régime d'autorisation tacite, un nouveau délai de nature à faire naître une décision implicite d'acceptation ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de la demande par l'intéressé.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à la demande présentée le 7 septembre 2010, le ministre a, par décision du 17 décembre 2010, refusé de délivrer l'agrément prévu par les dispositions du 2 du II de l'article 199 undecies B du code général des impôts, au motif que la demande d'agrément n'avait pas été déposée préalablement à la réalisation de l'opération qui la motivait. Invalidant ce motif, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt n° 13PA03119 du 3 juillet 2014, devenu définitif, annulé la décision du 17 décembre 2010.

5. L'administration, qui s'est trouvée ressaisie de la demande d'agrément qui lui avait été soumise en 2010, en a alors repris l'instruction et a, par la décision en litige du 21 mai 2015, refusé de délivrer cet agrément. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué par la société requérante que la demande aurait été confirmée, postérieurement à l'arrêt du 3 juillet 2014. Dès lors, le délai, prévu par les dispositions du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, au terme duquel un agrément tacite aurait pu prendre naissance, n'a pas commencé à courir. Par suite, la décision en litige dans la présente instance ne saurait être regardée comme emportant retrait d'un agrément tacite. Par conséquent, la société requérante ne peut pas non plus utilement soutenir que la demande de pièces complémentaires faite par l'administration le 9 octobre 2014 n'aurait pas valablement interrompu le délai de naissance d'un agrément tacite. La décision en litige s'analyse, par suite, comme un refus d'agrément et non comme un retrait d'agrément.

6. Pour refuser de délivrer l'agrément sollicité, le ministre s'est fondé sur la circonstance que l'investissement en litige ne remplissait pas les conditions fixées par l'article 199 undecies B du code général des impôts dès lors que l'investissement ne pouvait pas être considéré comme réalisé au sens de ces dispositions et, " à titre surabondant ", sur l'absence au dossier de demande d'éléments permettant de vérifier que la demande d'agrément a bien été déposée préalablement à la réalisation de l'investissement.

7. Les dispositions de l'article 217 undecies du code général des impôts instituent, au profit des sociétés qui remplissent les conditions qu'elles fixent, un droit au bénéfice de l'agrément qu'elles prévoient. Elles ne permettent au ministre chargé du budget ni de refuser l'agrément prévu au III, ni de limiter le montant des investissements productifs pour lesquels il est délivré en se fondant sur d'autres conditions que celles qui sont prévues par la loi.

8. La circonstance que l'investissement en litige ne remplirait pas les conditions fixées par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, relatif à l'ouverture du droit à la réduction d'impôt qu'il prévoit, ne se rattache à aucune des conditions fixées par l'article 217 undecies du même code pour l'obtention de l'agrément préalable de l'opération d'investissement. Dès lors, en se fondant sur ce motif, le ministre a méconnu le champ d'application de cet article.

9. L'erreur de droit qui entache ce motif déterminant justifie à elle seule l'annulation de la décision en litige, sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité de son second motif, présenté par l'administration elle-même comme " surabondant ".

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société AE1 Industries est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Guyane a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société AE1 Industries au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 8 février 2018 et la décision du ministre des finances et des comptes publics du 21 mai 2015 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société AE1 Industries une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS AE1 Industries et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme B... A..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

Romain RousselLa présidente,

Elisabeth A...La greffière,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 18BX01902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01902
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-09 Contributions et taxes. Incitations fiscales à l'investissement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-10;18bx01902 ?
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