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20/02/2020 | FRANCE | N°17BX01894

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 février 2020, 17BX01894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ESBTP Granulats a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de la décharger de l'imposition à la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014, à concurrence de la somme de 7 261 euros.

Par un jugement n° 1501893 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté à ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement les 15 juin 2017,

19 décembre 2017 et 26 septembre 2019, la SARL ESBTP Granulats, représentée par Me B..., demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ESBTP Granulats a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de la décharger de l'imposition à la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014, à concurrence de la somme de 7 261 euros.

Par un jugement n° 1501893 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté à ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement les 15 juin 2017, 19 décembre 2017 et 26 septembre 2019, la SARL ESBTP Granulats, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 avril 2017 ;

2°) à titre principal, de la décharger de la totalité de la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2014, soit la somme de 17 043 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de la décharger de l'imposition contestée à hauteur de 7 261 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens, d'ordre public, selon lesquels les impositions en litige sont dépourvues de base légale le vérificateur a fait une interprétation de la loi fiscale qui est contraire au principe à valeur constitutionnel d'égalité devant l'impôt ;

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que le refus du vérificateur de transmettre le litige à son supérieur hiérarchique, et éventuellement à l'interlocuteur départemental, antérieurement à la mise en recouvrement des impositions en litige, méconnait les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ainsi que le principe général selon lequel toute décision administrative peut être contestée devant l'autorité hiérarchique ;

- l'interprétation faite par l'administration des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts méconnaît le principe à valeur constitutionnelle d'égalité devant l'impôt garanti par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les terrains non exploités au 1er janvier 2012 doivent être exclus des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties à prendre en compte pour le calcul de la CFE 2014.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre 2017, 23 septembre et 9 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête n'est recevable qu'en tant qu'elle porte sur un montant de 7 261 euros et qu'aucun des moyens invoqués par la SARL ESBTP Granulats n'est fondé.

Par ordonnance du 26 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 octobre 2019 à 12:00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL ESBTP Granulats, qui exploite une carrière à ciel ouvert d'extraction de sables et graviers sur la commune de Saint-Sixte (Lot-et-Garonne), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2010 et 2011, à l'issue de laquelle aucune proposition de rectification ne lui a été notifiée. Parallèlement, l'administration fiscale a procédé à un contrôle au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE) des années 2010 à 2013 puis, sur les bases du rehaussement issues de ce contrôle, à un contrôle sur l'année 2014, à l'issue duquel l'imposition à la CFE a été mise en recouvrement le 31 octobre 2014, pour un montant de 17 043 euros. La société a formé, le 13 novembre 2014, une réclamation contentieuse, qui a été rejetée le 7 avril 2015. Elle relève appel du jugement du 20 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Sur la fin de non-recevoir soulevée en défense :

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ".

3. Il ressort des termes de la réclamation préalable de la SARL ESBTP Granulats datée du 13 novembre 2014, que celle-ci n'a contesté l'imposition à la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2014, pour un montant total de 17 043 euros, qu'à hauteur de la somme de 7 261 euros. Par suite, les conclusions de la SARL ESBTP Granulats sont, à concurrence de la somme de 9 782 euros, irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

4. Dans ses écritures devant le tribunal administratif, la société requérante a fait valoir que l'imposition en litige serait dépourvue de base légale dès lors que l'administration se serait méprise sur la portée des dispositions de l'article 1381-5° du code général des impôts. En confirmant la position de l'administration sur ce point, le tribunal administratif doit être regardé comme ayant implicitement répondu à ce moyen.

5. Le moyen tiré de ce que l'interprétation faite par l'administration des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts méconnaîtrait le principe à valeur constitutionnelle d'égalité devant l'impôt garanti par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen était par ailleurs inopérant dès lors que les impositions en litige ont été établies conformément à la loi et qu'aucune question prioritaire de constitutionnalité n'a été soulevé devant le tribunal.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. La garantie de procédure tenant à la faculté pour le contribuable de former un recours hiérarchique, instituée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, ne peut être invoquée que dans le cadre d'un litige consécutif aux procédures de vérification de comptabilité et d'examen d'ensemble de la situation fiscale personnelle prévues aux articles L. 12 et L. 13 de ce livre.

7. Il résulte de l'instruction que les impositions contestées par la société ont ainsi été mises à sa charge à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, dans le cadre duquel l'administration a tiré les conséquences, pour la CFE de l'année 2014, de constatations opérées lors de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011. Par suite, la SARL ESBTP Granulats ne peut utilement soutenir qu'elle aurait été privée de la faculté de présenter le recours hiérarchique prévu à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, cette garantie étant réservée par la loi aux procédures de vérification.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

8. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. ". Aux termes de l'article 1467 A du même code : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. ".

9. En premier lieu, aux termes de l'article 1393 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. / Elle est notamment due pour les terrains occupés par les chemins de fer, les carrières, mines et tourbières, les étangs, les salines et marais salants ainsi que pour ceux occupés par les serres affectées à une exploitation agricole. " Aux termes du 5° de l'article 1381 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : " Les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les terrains non cultivés affectés à un usage commercial ou industriel sont imposés à la taxe foncière sur les propriétés bâties, du moment qu'ils n'ont pas été rendus disponibles à d'autres usages. Ces dispositions sont notamment applicables aux carrières qui font l'objet d'une exploitation à caractère industriel.

10. Pour contester l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties et donc à la cotisation foncière des entreprises de l'ensemble des terrains compris dans le périmètre des arrêtés d'autorisation d'exploitation de la carrière à ciel ouvert d'extraction de sables et graviers qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Saint-Sixte, la SARL ESBTP Granulats fait valoir que la nature de son activité d'extraction implique l'exploitation successive, et non simultanée, de ces terrains, et que, par suite, seuls les terrains faisant l'objet d'une exploitation industrielle effective au 1er janvier de l'année d'imposition devraient être assujettis, pour cette année, à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

11. Il résulte de l'instruction, et notamment des plans topographiques des années 2011 et 2012 et des déclarations adressées pour ces deux années à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, que certains des terrains retenus dans les bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2012, et donc soumis à la cotisation foncière des entreprises pour l'année 2014, ont été affectés à des fins agricoles ou réaménagés en plans d'eau avant le 1er janvier 2012. La SARL ESBTP Granulats est fondée à soutenir que les terrains qui avaient ainsi été rendus disponibles à d'autres usages avant le 1er janvier 2012 ne pouvaient être imposés à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de ladite année, et donc être compris dans les bases de la CFE due au titre de l'année 2014.

12. En revanche, tous les autres terrains compris dans le périmètre des arrêtés préfectoraux d'autorisation d'exploitation de la carrière qui, au 1er janvier 2012, n'avaient pas été rendus disponibles à d'autres usages, soit qu'ils n'aient pas encore été exploités, soient qu'ils aient cessé d'être exploités sans pour autant avoir été rendus disponibles à d'autres usages, soit même qu'ils aient été utilisés pour le service de l'exploitation, doivent être assujettis, pour cette année, à la taxe foncière sur les propriétés bâties, et donc pris en compte pour l'établissement de la CFE due au titre de l'année 2014.

13. En deuxième lieu, et pour le surplus, la requérante soutient que les impositions en litige ont été établies dans des conditions contraires au principe d'égalité devant l'impôt au motif que l'interprétation que l'administration fiscale fait des dispositions du 5° de l'article 1381 du code général des impôts conduit à faire peser un impôt plus lourd sur le titulaire d'une autorisation d'exploiter une carrière pour une durée déterminée par rapport au titulaire de deux autorisations successives d'exploiter la même carrière pendant une durée moitié moins longue. Néanmoins, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans influence sur la régularité ou le bien-fondé desdites impositions dès lorsqu'elles ont été établies conformément à la loi. Aucune question prioritaire de constitutionnalité n'ayant soulevée à l'encontre de la loi par mémoire distinct, le moyen selon lequel l'imposition aurait été établie en méconnaissance d'un principe à valeur constitutionnelle est irrecevable et doit donc être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que la société est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que soit exclus de l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre d'une année 2012, et donc de la CFE due au titre de l'année 2014, les terrains affectés à des fins agricoles ou réaménagés en plans d'eau avant le 1er janvier de l'année 2012.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la société ESBTP Granulats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501893 du 20 avril 2017 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en tant qu'il a rejeté la demande de la SARL ESBTP Granulats tendant à ce que les terrains affectés à des fins agricoles ou réaménagés en plans d'eau avant le 1er janvier 2012 soient exclus de l'assiette de la CFE due au titre de l'année 2014.

Article 2 : La SARL ESBTP Granulats est déchargée, dans la limite de la somme de 7 261 euros objet de sa réclamation préalable, de l'imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE) à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014, à hauteur du dégrèvement calculé ainsi qu'il a été dit au point 11.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL ESBTP Granulats la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ESBTP Granulats et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme A... C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 février 2020.

Le rapporteur,

Sylvie C...Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX01894
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET LEGIGARONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-20;17bx01894 ?
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