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13/02/2020 | FRANCE | N°19BX02999

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 13 février 2020, 19BX02999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

II - M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 5 mars 2019 par laquelle le préfe

t de l'Aveyron l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1901321, 1901322 du 19 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I - M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

II - M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 5 mars 2019 par laquelle le préfet de l'Aveyron l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1901321, 1901322 du 19 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a renvoyé à la formation collégiale du tribunal le jugement des conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, et un mémoire, enregistrés les 2 août et 2 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2019 par lequel le préfet de l'Aveyron l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'annuler la décision du 5 mars 2019 par laquelle le préfet de l'Aveyron l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

5°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis d'examiner le moyen opérant tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il a soulevé au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, lequel méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;

S'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision du préfet est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a fait une inexacte application du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet s'est estimé lié par la seule circonstance qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, de sorte que la décision est entachée d'une erreur de droit ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2019, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2020 à 12 heures.

Un mémoire présenté par le préfet de l'Aveyron a été enregistré le 16 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité ukrainienne, ressortissant russe né le 18 décembre 1976, est entré en France le 5 décembre 2003. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 juillet 2005. Il a ensuite bénéficié d'un titre de séjour temporaire en qualité de salarié valable du 10 juillet 2008 au 9 juillet 2009 puis d'un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade régulièrement renouvelé du 2 août 2010 au 1er août 2016. Par un arrêté du 11 juin 2018, le préfet du Lot a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. M. D... s'est néanmoins maintenu sur le territoire. Saisi par l'intéressé d'une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de l'Aveyron a, par un arrêté du 5 mars 2019, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par une décision du même jour, le préfet l'a assigné à résidence. M. D... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 mars 2019, en tant que ce jugement a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la décision fixant le pays de renvoi, l'interdiction de retour et l'assignation à résidence.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Toulouse que M. D... a fait valoir, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'était pas démontré que l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français demeurait une perspective raisonnable. Le tribunal a rejeté la demande de M. D... sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement. Celui-ci doit donc être annulé, pour ce motif, en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. / (...) / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ".

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 14 novembre 2018, que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les éléments médicaux produits à l'instance, que ce soit des attestations datant de l'année 2010 ou une attestation d'un médecin psychiatre du 27 novembre 2018 se bornant à certifier avoir reçu l'intéressé, ne peuvent suffire à contredire utilement l'avis émis collégialement par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, et à supposer même qu'à la date de la décision litigieuse la présence de M. D... ne constituerait plus une menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... est célibataire sans charge d'enfant et est entré en France à l'âge de 27 ans. S'il se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France, la durée de son séjour est en majeure partie consécutive à l'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade qui ne lui donnait pas vocation à rester durablement sur le territoire français. Il s'est en outre soustrait à une première mesure d'éloignement prise à son encontre le 11 juin 2018. Par ailleurs, il a été condamné à trois reprises à des peines d'emprisonnement les 11 octobre 2016, 12 janvier et 23 mai 2017 pour des faits de menace de mort réitérée, rébellion, violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, des faits de conduite automobile sous l'empire d'un état alcoolique ainsi que pour des faits de violence par une personne en état d'ivresse manifeste en récidive, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'une insertion particulièrement réussie dans la société française. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, alors même que sa mère et son frère résident en France, et n'a ainsi méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

7. En troisième lieu, M. D... n'apporte pas à l'instance d'éléments de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a ainsi pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur un tel fondement.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

9. L'appelant se borne à reprendre en appel, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa vie personnelle, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II - (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est maintenu en France en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prise le 11 juin 2018 par le préfet du Lot. Dès lors, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant d'accorder à l'appelant un délai de départ volontaire.

13. L'appelant se borne à reprendre en appel les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. M. D... n'apporte pas à l'instance d'élément de nature à justifier qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine des risques personnels et actuels de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle de l'intéressé.

16. L'appelant se borne à reprendre en appel les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

20. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans sa durée la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Il est constant que le préfet de l'Aveyron n'a pas accordé de délai de départ volontaire à M. D... pour exécuter l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet. Par ailleurs, eu égard à la circonstance que l'intéressé a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré et des conditions de son séjour en France rappelées au point 6 ci-dessus, le préfet n'a pas, en interdisant le retour de l'intéressé pour une durée d'un an, fait une inexacte application des dispositions précitées, alors même qu'il est présent en France depuis 16 ans.

21. L'appelant se borne à reprendre en appel les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, de la décision portant fixation du pays de renvoi et de la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 9 ci-dessus que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

24. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

25. Il ne ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision litigieuse, ni que le préfet se serait estimé lié par sa décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. D..., ni que l'éloignement de ce dernier ne demeurerait pas, dans cette circonstance, une perspective raisonnable. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet, en astreignant l'intéressé à résider dans la commune de Capdenac-Gare sur le territoire de laquelle il a déclaré résider ainsi que dans les communes avoisinantes et en l'astreignant à se présenter trois fois par semaine entre 9 et 11 heures aux services de la gendarmerie nationale, n'aurait pas pris une mesure proportionnée au regard de la situation de l'intéressé, lequel peut le cas échéant et pour le besoin de consultations médicales, demander à être autorisé à se rendre en dehors de l'aire d'assignation en cause. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

26. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 mars 2019 par laquelle le préfet de l'Aveyron l'a assigné à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

27. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions litigieuses du 5 mars 2019, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. D... ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 mars 2019 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Aveyron du 5 mars 2019 portant assignation à résidence.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Aveyron du 5 mars 2019 portant assignation à résidence sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. B... A..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02999
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BACHELET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-13;19bx02999 ?
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