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04/02/2020 | FRANCE | N°18BX00480

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 04 février 2020, 18BX00480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Nouvelle Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner in solidum M. F... D..., M. A... G..., la société Bureau Véritas et la société à responsabilité limitée Camps, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée François Legrand, à lui verser la somme de 730 000 euros TTC assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, au titre des travaux de reprise des menuiseries extérieures, la somme de 55 0

00 euros en réparation des désordres affectant les volets roulants, la somme de 3 00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Nouvelle Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner in solidum M. F... D..., M. A... G..., la société Bureau Véritas et la société à responsabilité limitée Camps, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée François Legrand, à lui verser la somme de 730 000 euros TTC assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation, au titre des travaux de reprise des menuiseries extérieures, la somme de 55 000 euros en réparation des désordres affectant les volets roulants, la somme de 3 000 euros en réparation du surcoût de frais d'entretien, la somme de 5 346 euros TTC en réparation du surcoût de frais de fonctionnement, la somme de 6 000 euros en réparation du trouble de jouissance subi et la somme de 6 347,17 euros TTC en réparation des travaux conservatoires réalisés par elle en réparation des préjudices que lui ont causé les désordres affectant la quincaillerie, les modalités d'ouverture, les volets roulants et les vitrages des menuiseries extérieures du lycée Jules Supervielle à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques).

Par un jugement n° 1502254 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a, en premier lieu, condamné MM D... et G..., la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps et la société Bureau Véritas à payer in solidum à la région Nouvelle Aquitaine la somme de 73 597,25 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal, calculés à compter du 23 octobre 2015, et capitalisés à compter du 22 octobre 2016, et a mis à leur charge les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 55 775,08 euros. En deuxième lieu, le tribunal administratif de Pau a condamné MM. D... et G... et la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps, à verser in solidum à la région Nouvelle Aquitaine la somme de 32 821,82 euros TTC assortie des intérêts au taux légal, calculés à compter du 23 octobre 2015, et capitalisés à compter du 22 octobre 2016. En troisième lieu, le tribunal administratif de Pau a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de la région Nouvelle Aquitaine. En quatrième lieu, le tribunal administratif de Pau a condamné la société Bureau Véritas à garantir MM. D... et G... à hauteur de 10 % des condamnations solidaires. En cinquième lieu, le tribunal administratif de Pau a condamné MM. D... et G... à garantir la société Bureau Véritas à hauteur de 20 % des condamnations solidaires prononcées. Enfin, le tribunal administratif de Pau a condamné la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps, à garantir la société Bureau Véritas à hauteur de 70 % des condamnations solidaires prononcées.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2018, la société Bureau Véritas Construction, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

2°) à titre principal, de la mettre hors de cause et de rejeter les demandes présentées contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de la condamnation à la somme de 52 514 euros et de condamner MM. D... et G... et la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps, à la garantir de toutes condamnations ;

4°) de condamner solidairement la région Nouvelle Aquitaine et toute partie perdante à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu sa responsabilité, dès lors qu'il n'y a aucun lien de causalité entre les désordres relevés et son intervention ;

- les désordres étaient connus du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre avant la réception des travaux ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses missions, dès lors qu'elle ne devait pas vérifier l'efficacité du dispositif anti fausse manoeuvre et que les vitrages mis en oeuvre par la société Camps sur le chantier étaient conformes ;

- c'est à juste titre que le tribunal a écarté sa responsabilité pour les autres désordres ;

- en vertu de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, elle ne peut pas être condamnée solidairement à réparer les désordres ;

- dans l'hypothèse, où sa responsabilité serait admise, elle est fondée à demander à être garantie par MM. D... et G... et par la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps.

Par des mémoires enregistrés les 6 avril 2018 et 18 avril 2019, la Région Nouvelle-Aquitaine, représentée par la Selarl D4 avocats associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Bureau Véritas Construction et les conclusions de MM D... et G... ;

2°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a limité à la somme de 9 402 euros TTC son indemnisation au titre des travaux de réparation relatifs aux modalités d'ouverture des ouvrants affectant les menuiseries extérieures et à la somme de 53 436, 08 euros TTC au titre des travaux relatifs aux vitrages ;

3°) de condamner in solidum la société Bureau Véritas Construction, MM. D... et G... et la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps, à lui verser la somme de 140 600 euros HT au titre des désordres liés aux modalités d'ouverture des menuiseries extérieures et à la non-conformité des vitrages ;

4°) de mettre à la charge de la société Bureau Véritas Construction la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de MM D... et G... tendant au paiement du solde du marché de maîtrise d'oeuvre est irrecevable, dès lors qu'elle soulève un litige distinct de celui introduit en première instance ;

- les moyens de la société Bureau Véritas Construction et de MM D... et G... sont infondés ;

- le jugement a sous-évalué son préjudice en ce qui concerne les désordres liés à l'ouverture et à la chute des fenêtres, ainsi qu'à la non-conformité des vitrages ;

- le montant des travaux de réparation a été plus important puisqu'il s'est élevé à la somme de 140 600 euros HT.

Par un mémoire enregistré le 19 mars 2019, MM D... et G..., représentés par la SCP Velle-Limonaire et Decis, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a prononcé des condamnations à leur encontre et en tant qu'il rejette leur demande indemnitaire au titre du paiement du solde du marché de maîtrise d'oeuvre ;

2°) à titre principal, de les mettre hors de cause et rejeter les demandes de la Région Nouvelle-Aquitaine ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société Bureau Véritas Construction à les relever indemne de toutes condamnations, et à titre infiniment subsidiaire, de limiter leur part de responsabilité à 15 % des condamnations prononcées au profit de la région Nouvelle-Aquitaine ;

4°) de condamner la Région Nouvelle Aquitaine à lui payer la somme de 27 937, 35 euros TTC au titre du solde du marché de maitrise d'oeuvre ;

5°) de mettre à la charge de la région Nouvelle Aquitaine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a admis leur responsabilité, dès lors qu'ils n'ont commis aucune faute dans l'exécution de leur mission au regard des non-conformité des ouvrages réalisés par la société Camps ;

- ils sont fondés à demander la somme de 15 774 euros HT au titre du solde du marché de la phase DET et la somme de 7 584, 99 euros HT, soit la somme totale de 27 937, 35 euros TTC ;

- à titre subsidiaire, les condamnations prononcées seront limitées à la somme de 54 039 euros HT ;

- dans l'hypothèse où leur responsabilité serait admise, ils devront être garantis et relevés indemnes de toutes condamnations par la société Bureau Véritas et à défaut, ils ne pourront être tenus qu'à hauteur de 15 % des condamnations prononcées au profit de la région Nouvelle-Aquitaine.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- décret n° 99-443 du 28 mai 1999 ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de travaux de restructuration partielle du lycée Jules Supervielle à Oloron-Sainte-Marie, la région Nouvelle Aquitaine a confié la maîtrise d'ouvrage déléguée, par une convention du 20 août 2003, à la société d'économie mixte d'équipement des Pays de l'Adour (SEPA), tandis que la mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint constitué de M. D..., architecte et mandataire du groupement, de M. G... et des Sarl Acta architecture, Adour études et Climelec. Le contrôle technique de l'opération a été confié à la société Bureau Véritas. La Sarl Camps a été chargée des lots n° 5 " menuiseries aluminium et acier extérieures ", n° 7 " fermetures volets roulants " et d'un lot unique " menuiseries aluminium-volets roulants " concernant les bâtiments D et F de la cité scolaire. Certains travaux n'ayant pas été exécutés et des malfaçons étant apparues au cours du chantier, la réception des travaux réalisés par la société Camps n'a pas été prononcée. Après avoir fait réaliser un audit externe en juillet 2007, la région Nouvelle Aquitaine a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande d'expertise, à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 13 février 2008. Un premier rapport d'expertise a été déposé le 24 juillet 2009 et un second rapport a été déposé le 10 mars 2014. Postérieurement, la région Nouvelle Aquitaine a saisi le tribunal administratif de Pau d'un recours indemnitaire tendant à la condamnation in solidum de MM D... et G... et des sociétés Bureau Véritas et Camps, afin d'obtenir réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subi. MM D... et G..., architectes, ont demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de la région Nouvelle Aquitaine à leur verser la somme de 27 937,35 euros TTC en règlement de leur marché de maîtrise d'oeuvre. Par un jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Pau a condamné MM D... et G..., la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps, et la société Bureau Véritas, à payer in solidum à la région Nouvelle Aquitaine la somme de 73 597,25 euros TTC au titre des désordres affectant la quincaillerie non homologuée utilisée pour assembler les menuiseries extérieures, de ceux affectant les modalités d'ouverture des ouvrants affectant les menuiseries extérieures et de ceux concernant les vitrages. Il a également condamné MM D... et G... et la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps, à verser in solidum à la région Nouvelle Aquitaine la somme de 32 821,82 euros TTC au titre des désordres affectant la fenêtre mise en place dans la loge du concierge, des malfaçons dans la pose de volets roulants et du mauvais fonctionnement du vasistas basculant. Il a enfin mis à leur charge les frais d'expertise et réparti les condamnations in solidum prononcées à l'encontre des constructeurs en mettant à la charge définitive de la société Bureau Véritas 10 % des condamnations solidaires, 20% de celles-ci à la charge de MM D... et G... et 70 % de celles-ci à la charge de la société Legrand, mandataire-liquidateur de la société Camps. La société Bureau Véritas Construction, venant aux droits de la société Bureau Véritas, relève appel de ce jugement. La région Nouvelle Aquitaine et MM D... et G... présentent des conclusions d'appel incident et provoqué.

Sur l'appel principal de la société Bureau Véritas Construction et l'appel incident de MM D... et G... :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

2. En premier lieu, les travaux n'ayant pas été réceptionnés, le Région Nouvelle Aquitaine peut, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, rechercher la responsabilité des constructeurs qui ont participé à l'opération du lycée Jules Supervielle à Oloron-Sainte-Marie.

3. En deuxième lieu, la responsabilité ne saurait faire naître d'autres obligations à la charge d'une partie au contrat que celles liées à la bonne exécution de ce dernier. Par conséquent, les différents intervenants à une opération de travaux, qui sont liés au maître d'ouvrage par différents contrats, ne sauraient être solidaires de leurs obligations contractuelles respectives, ni vis-à-vis du maître d'ouvrage ni vis-à-vis des autres intervenants, sauf dans le cas où leurs fautes contractuelles respectives ayant toutes également concouru au même dommage, ils peuvent être tous reconnus responsables de la totalité du dommage et que la victime demande leur condamnation solidaire.

4. En troisième lieu, selon les dispositions de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. /Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. ". L'article 10 du décret n° 99-443 du 28 mai 1999 relatif au cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique dispose que : " Pour remplir sa mission, le contrôleur technique accomplit des actes qui relèvent de deux catégories : les actes techniques et les actes d'information. Ces deux catégories sont définies par les articles 4-2-4 et 4-2-5 de la norme NFP 03-100. ". L'article 4-2-4 de la norme NFP 03-100 du 20 septembre 1995, qui définit les actes techniques qu'il appartient au contrôleur technique d'effectuer, lui fait notamment obligation de procéder à l'examen des plans et autres documents techniques d'exécution accompagnés de leurs justificatifs et à l'examen sur chantier des ouvrages et éléments d'équipement soumis à son contrôle, en précisant, d'une part, que ses interventions sur le chantier s'effectuent par examen visuel à l'occasion de visites ponctuelles, d'autre part, que la réalisation d'essais ou d'enquêtes sur matériaux ne relève pas de sa mission. L'article 4-2-7 précise en outre que dans sa mission, le contrôleur technique se réfère aux caractéristiques des matériaux telles qu'elles sont attestées par les certificats de produits ou procès-verbaux qui lui sont fournis. Le référentiel par rapport auquel il doit exercer sa mission est défini à l'article 4.1.10 de la norme NFP 03-100 et par l'article 12 du décret précité. Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Méthode de contrôle. - Le contrôle est fondé sur la comparaison de l'objet contrôlé à des référentiels reconnus. Les référentiels sont constitués par :- les textes législatifs et réglementaires ;- les fascicules du CCTG applicables aux marchés publics de travaux ;- les textes techniques à caractère normatif suivants :- normes françaises homologuées ;- règles et prescriptions techniques des DTU ;- avis techniques, agréments européens et appréciations techniques d'expérimentation (ATEX) ;- règles professionnelles dans les domaines non couverts par les textes précités telles que définies à l'article 2-4 de la norme NFP 03-100 (...) ".

En ce qui concerne les désordres affectant les modalités d'ouverture des ouvrants affectant les menuiseries extérieures :

5. Il ressort du jugement attaqué que la société Bureau Véritas a été condamnée in solidum avec MM D... et G... et la société Legrand, à verser à la région Nouvelle Aquitaine une indemnité d'un montant de 9 402 euros TTC au titre de ces désordres.

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 10 mars 2014, que trois décrochements intempestifs et brutaux d'ouvrants oscillo-battants se sont produits les 5 octobre 2006, 3 mai 2007 et 25 novembre 2009. Ces désordres ont pour cause le fait que le dispositif anti fausses manoeuvres n'était pas opérationnel et pouvait entraîner une rupture de quincaillerie. Il résulte du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) que celui-ci prévoyait que les châssis oscillo-battants soient équipés d'un dispositif anti fausses manoeuvres, sans toutefois préciser lequel. Dès lors que l'absence de mise en place d'un dispositif anti fausses manoeuvres affecte la solidité de l'ouvrage et des éléments d'équipement, ainsi que la sécurité des personnes, elle relevait de la mission de contrôle " LP" relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, et de la mission " Sei ", portant sur les conditions de sécurité des personnes dans les constructions. En conséquence, la société Bureau Véritas a commis une faute consistant à ne pas avoir décelé la non-conformité au CCTP du dispositif anti fausses manoeuvres et du dispositif d'ouverture des châssis oscillo battants en vue de s'assurer de leur efficacité. Par suite, la société Bureau Véritas n'est pas fondée à soutenir qu'aucune faute contractuelle dans sa mission de contrôle, ne pourrait lui être opposée en l'absence de normes techniques définies dans le référentiel de ces deux missions. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a retenu sa responsabilité contractuelle et l'a condamnée solidairement avec MM D... et G..., qui ont commis des fautes de conception et rédaction du CCTP, et avec la société Legrand, à réparer le préjudice résultant de leurs fautes respectives.

En ce qui concerne les désordres affectant les vitrages :

7. Il ressort du jugement attaqué que la société Bureau Véritas a été condamnée in solidum avec MM D... et G... et avec la société Legrand, à verser à la région Nouvelle Aquitaine la somme de 53 436,08 euros TTC au titre des travaux destinés à reprendre les vitrages.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 10 mars 2014 que, parmi les 813 volumes verriers du lycée, 21 vitrages sont inadaptés à leur emplacement, 50 vitrages du bâtiment A et du centre de documentation et d'information ne sont pas conformes aux pièces contractuelles du marché, 28 vitrages sans isolation thermique renforcée sont à remplacer, de même que 51 vitrages sans isolation thermique et solaire renforcée. Enfin, 107 vitrages ont été installés en inversion des faces intérieure et extérieure lors de leur implantation.

9. Il résulte également de l'instruction, et notamment du marché de contrôle technique passé avec la Région Nouvelle Aquitaine que la société Bureau Véritas s'était vu confier une mission TH relative à l'isolation thermique et aux économies d'énergie. Aussi, dès lors que les vitrages affectent le niveau d'isolation thermique, la société Bureau Véritas n'est pas fondée à soutenir qu'aucune faute contractuelle dans sa mission de contrôle, ne pourrait lui être opposée. En l'espèce, elle a méconnu ses obligations contractuelles en ne vérifiant pas la teneur des matériaux et vitrages installés par la société Camps, alors que comme l'a relevé le tribunal administratif de Pau dans le jugement attaqué, ce défaut concerne plus d'une centaine de vitrages qui ne comportaient pas d'isolation thermique ou solaire suffisante. En outre, elle n'allègue pas avoir réalisé un examen visuel à l'occasion de visites ponctuelles sur le chantier qui lui aurait permis de déceler cette non-conformité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a retenu la responsabilité contractuelle de la société Bureau Véritas Construction, qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, lesquelles ne s'appliquent que vis-à-vis des autres constructeurs et non à l'égard du maître de l'ouvrage, et l'a condamnée solidairement avec MM D... et G..., et avec la société Legrand, tous ayant commis des fautes contractuelles qui ont concouru au même dommage, à réparer le préjudice causé à la Région Nouvelle Aquitaine.

Sur les appels en garantie :

10. Il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif de Pau aurait fait une inexacte appréciation de l'importance respective des fautes commises par la société Bureau Véritas, par MM. D... et G... et par la société Camps et qui ont tous contribué à la réalisation des préjudices pour lesquels ils ont été condamnés, en faisant peser la charge finale de la réparation à raison de 70 % sur la société Legrand, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Camps, de 20 % sur M. D... et M. G..., pris eux-mêmes in solidum, et de 10 % sur la société Bureau Véritas.

Sur l'appel incident de la Région Nouvelle Aquitaine :

11. Il résulte de l'instruction que postérieurement au rapport d'expertise du 10 mars 2014, la Région Nouvelle Aquitaine a passé le 25 avril 2016 un marché de travaux afin de procéder aux travaux sur les menuiseries extérieures du lycée Jules Supervielle à Oloron-Sainte-Marie pour un montant de 173 620 euros HT. Elle produit à l'appui de sa demande tendant à ce que le montant de son indemnisation soit augmenté, l'acte d'engagement de l'entreprise Garcia signé le 29 mars 2016 en vue de la réalisation de travaux sur les menuiseries extérieures du lycée Jules Supervielle. Toutefois, pour justifier de la somme de 140 600 euros HT qu'elle sollicite, la Région Nouvelle Aquitaine produit la décomposition du prix global et forfaitaire de ce nouveau marché. Ce document fait état de frais de prise en compte de prescriptions générales pour un montant de 450 euros, de frais d'installation de chantier et d'études et création de filières pour un montant de 7 000 euros, de frais pour remédier au manque de vitrage de sécurité sur 35 fenêtres pour des montants 1364 et 17 640 euros, de frais pour remédier au manque d'isolation thermique renforcée de 49 vitrages pour des montants de 1984 et 24 255 euros, de frais pour remédier au manque d'isolation thermique et solaire renforcée de 58 fenêtres pour des montants de 2 784 et 21 315 euros, ainsi que de frais pour repositionner 153 vitrages pour des montants de 7 008 et 56 800 euros. Toutefois, il ressort de l'examen de ce document que l'intervention de l'entreprise Garcia concerne 295 vitrages, alors que l'expert a conclu à la non-conformité de 257 vitrages et n'avait exprimé aucune recommandation au sujet de la prise en compte de prescriptions générales et de frais spécifiques pour l'installation de chantier et la réalisation d'études et création de filières. Dans ces conditions, en l'absence d'explications données par la région Nouvelle Aquitaine, la seule production de la décomposition du prix du nouveau marché passé par elle ne permet pas d'établir que ces prestations supplémentaires auraient été indispensables à la réparation des désordres en cause. Par suite, la Région Nouvelle Aquitaine n'est pas fondée à demander que la somme de 53 436,08 euros TTC accordée par le tribunal administratif de Pau dans le jugement attaqué, au titre du coût des travaux de remplacement ou de reprise des vitrages et celle de 9 402 euros TTC accordée au titre des travaux de réparation relatifs aux modalités d'ouverture des ouvrants affectant les menuiseries extérieures, soient portées à la somme globale de 140 600 euros HT.

Sur l'appel provoqué de MM D... et G... :

12. Le rejet de l'appel principal présenté par la société Bureau Véritas Construction n'a pas pour effet d'aggraver la situation de MM D... et G..., qui n'ont pas contesté dans le délai d'appel leur condamnation in solidum à l'égard de la Région Nouvelle Aquitaine, ni le rejet pour irrecevabilité de leur demande indemnitaire au titre du solde de son marché de maîtrise d'oeuvre. Par suite, ils ne sont pas recevables à demander la réformation du jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à leur encontre et en tant qu'il a rejeté leur demande indemnitaire par la voie de l'appel provoqué.

Sur les frais d'instance :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bureau Véritas Construction, ainsi que les conclusions d'appel de MM D... et G... et de la Région Nouvelle-Aquitaine, sont rejetées.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la société Bureau Véritas Construction, à MM F... D... et A... G..., à la société Legrand et à la Région Nouvelle Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... H..., présidente,

Mme C... B..., premier conseiller.

Mme Agnès Bourjol, premier conseiller

Lu en audience publique, le 4 février 2020.

Le rapporteur,

Déborah B...La présidente,

Fabienne H...Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX00480


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