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23/01/2020 | FRANCE | N°17BX03839

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 23 janvier 2020, 17BX03839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Securities and Financial Solutions France (ci-après la société SFS France) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt ainsi que des cotisations de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2006.

Par un jugement n° 1002087, 1201332 du 29 juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a

rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14BX02809 du 1er mars 2016, la cour administrative d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Securities and Financial Solutions France (ci-après la société SFS France) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt ainsi que des cotisations de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2006.

Par un jugement n° 1002087, 1201332 du 29 juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14BX02809 du 1er mars 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société SFS Europe venant aux droits de la société SFS France.

Par une décision n° 399349 du 29 novembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux sur un pourvoi formé par la société SFS Europe, a annulé l'arrêt n° 14BX02809, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 septembre 2014, 2 septembre 2015 et 5 novembre 2015, 19 janvier 2018 et 9 avril 2018, la société SFS Europe, représentée par Me E... et Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 juillet 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé que le moyen tiré du défaut de mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'était pas fondé alors que l'administration fiscale a bien fait un usage implicite de la théorie de l'abus de droit ; elle a ainsi été privée de la garantie tenant à la faculté de provoquer la saisine du comité de l'abus de droit ; la procédure d'imposition est donc irrégulière ;

- il appartenait à l'administration fiscale d'établir que les prix payés par la société SFS France à la société London Mercurian étaient supérieurs à ceux pratiqués, ce qu'elle n'a pas fait ;

- les commissions et honoraires qu'elle a versés à la société London Mercurian avaient eu des contreparties favorables à sa propre exploitation ;

- l'application des pénalités de l'article 1729 n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mars 2015, 19 octobre 2015 et 9 décembre 2015, 16 mars 2018 et 4 juin 2018, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas entaché d'insuffisance de motivation ;

- en estimant que la réalité des dépenses engagées et leur contrepartie pour la SAS SFS France n'étaient pas établies, l'administration ne s'est pas fondée sur un abus de droit et n'avait pas à mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L 64 du livre des procédures fiscales ; la société ne peut d'ailleurs se prévaloir des dispositions de l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales, modifié par la loi n° 2004-1443 du 30 décembre 2008 qui ne s'applique qu'à compter de 2009 ;

- l'administration a démontré le lien de dépendance entre les deux sociétés et l'existence d'un avantage consenti à la société LM par la société SFS France et également démontré que la réalité de la contrepartie des sommes versées n'était pas établie ;

- les sommes réintégrées dans les résultats de la société SFS France ayant bénéficié à la société LM dont le siège est situé en Angleterre, la retenue à la source est justifiée ;

- les prestations prévues et payées dans les trois contrats passés entre les deux sociétés n'ont pas été exécutées ; ainsi, l'absence de contrepartie suffisait à établir l'existence de l'avantage consenti à la société anglaise et dénoncé ; l'administration n'avait donc pas à procéder à une comparaison des prix, ce qui supposait une exécution desdites prestations ;

- la société SFS n'a présenté aucun élément pour justifier que la société LM assurait les relations avec le Lloyd's de Londres ; les frais de missions et de déplacements de MM. B... et A... dans la société SFS démontrent que la société SFS assurait directement l'interface avec le Lloyd's de Londres ; le contrat de travail qui liait M. A... à la société française démontre que ce dernier n'a pu réaliser des prestations pour la société LM ; la société LM ne possède aucune immobilisation, n'emploie aucun personnel et se contente de verser des salaires à ses directeurs ; ainsi, la société SFS ne justifie aucunement de la réalité de la dépense et n'établit à aucun moment la contrepartie éventuelle ;

- les pénalités sont justifiées dès lors que la société ne pouvait ignorer qu'elle minorait ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, dans des proportions conséquentes, au titre des exercices clos en 2004 (50,79 %), 2005 (44,96 %) et 2006 (37,42 %).

Par ordonnance du 11 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 juin 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 12 décembre 2019 :

- le rapport de M. C... F...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Securities and Financial Solutions (SFS) France, qui exploitait une activité de courtage et d'intermédiaire en assurances, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2006, à l'issue de laquelle l'administration a, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, réintégré dans ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des commissions et honoraires versés à la société de droit britannique London Mercurian Limited (LM) pour un montant total de 1 047 150 euros et les a taxés en tant que revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du même code, lesdites sommes étant en outre assujetties à la retenue à la source sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du même code.

2. La société SFS Europe relève appel du jugement du 29 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle audit impôt et des pénalités y afférentes ainsi que des retenues à la source et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2004 à 2006 pour un montant total de 762 260 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le jugement attaqué, qui répond à tous les moyens soulevés devant le tribunal administratif de Toulouse, en indiquant notamment que les sommes versées à la société LM par la société SFS France, en contrepartie de prestations dont la réalité et la nécessité n'étaient pas justifiées, constituaient des transferts indirects de bénéfices, n'est pas entaché d'insuffisance de motivation.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L.64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que l'administration n'a écarté aucun des contrats liant la société requérante à la société LM ni n'a remis en cause l'identité réelle des deux sociétés cocontractantes. En se bornant à relever que le paiement à la société LM des sommes litigieuses n'avait pas eu de contrepartie pour la société SFS France, l'administration ne s'est pas placée, même implicitement, sur le terrain de la répression des abus de droit. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité à défaut de mise en oeuvre de la procédure prévue par les dispositions citées au point précédent ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...) ".

7. Le contrôle effectué par l'administration a permis d'établir qu'au cours de la période en litige, M. B..., gérant et associé de la société SFS France, détenait 56 % du capital de la société LM dont il assurait la direction et qui a son siège à Londres. Le directeur général de la société SFS France, M. A..., détenait, quant à lui, 31 % du capital de la société LM. En outre, il n'est pas contesté que la société LM, qui avait souscrit trois contrats avec la société requérante, réalisait la totalité de son chiffre d'affaires avec celle-ci. Dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un lien de dépendance entre la société LM et la société SFS France au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

8. La réalité et le montant des versements opérés par la société SFS au profit de la société LM ne sont pas non plus contestés.

9. A la suite de la vérification de comptabilité effectuée dans la société SFS, l'administration a établi que la société LM ne possédait aucune immobilisation ni ne rémunérait de personnel autre que MM. B... et A..., ses associés, qui exerçaient par ailleurs respectivement, comme il a été dit, les fonctions de gérant et directeur général de la société SFS France ; que ces deux personnes effectuaient régulièrement des déplacements à Londres, dont les frais étaient pris en charge par la société SFS France et non par la société LM ; qu'ainsi que le révélait un courrier adressé le 28 octobre 2014 par le mandataire général de Lloyd's France SAS, la société SFS France était directement enregistrée auprès des souscripteurs du Lloyd's de Londres comme apporteur d'affaires habilitée à y placer des risques ; que la société SFS France, pour ses propres affaires, entretenait directement ses relations avec les représentants du Lloyd's ainsi qu'en témoignait un déplacement à la Réunion qu'elle avait organisé pour ces derniers en février 2006 ; que les seuls documents attestant d'une activité de M. A... pour le compte de la société LM consistait en l'établissement d'attestations d'assurance portant une signature électronique ; qu'en revanche, la gestion administrative complexe des dossiers d'assurances placés ensuite auprès des souscripteurs du Lloyd's nécessitait un personnel nombreux employé exclusivement en France et non par la société LM.

10. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi que, même s'il n'est ni soutenu ni a fortiori justifié par cette dernière que le prix des prestations facturées par la société LM étaient majorés par rapport à ceux pratiqués sur le marché où cette société opérait, la société SFS France, en ayant néanmoins versé à la société LM une rémunération sans contrepartie réelle, avait ainsi réalisé en faveur de sa filiale britannique un transfert de bénéfice, réalisé par un autre moyen qu'un prix excessif, que le service était en droit de réintégrer dans les résultats imposables de la société française. C'est par suite à bon droit que l'administration, sur le fondement de l'article 57 précité du code général des impôts, a réintégré les commissions et honoraires en litige versés en 2004, 2005 et 2006 par la société SFS France à la société LM.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. Pour justifier l'application des majorations prévues par les dispositions précitées du code général des impôts aux rectifications d'impôts notifiées à la SAS SFS au titre des exercices clos en 2004, 2005 et 2006, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la société ne pouvait ignorer, compte tenu de ses liens de dépendance avec la société établie à l'étranger, qu'elle procédait à un transfert de bénéfices destiné à minorer son résultat imposable en France. Cette circonstance traduit une intention délibérée, de la part de la société, d'éluder une partie de l'impôt. L'administration doit, dès lors, être regardée comme ayant apporté la preuve du manquement délibéré de la société à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société SFS Europe n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur l'article L 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société SFS Europe la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SFS Europe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SFS Europe et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. C... F..., président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 janvier 2019.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLe président-rapporteur,

Philippe F...Le greffier,

Sylvie HayetLa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17BX038392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03839
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SELAS DE GAULLE FLEURANCE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-23;17bx03839 ?
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