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16/01/2020 | FRANCE | N°19BX02716

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 janvier 2020, 19BX02716


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le préfet de la Dordogne, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an, et d'autre part, a ordonné son assignation à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugem

ent n° 1903102 du 3 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le préfet de la Dordogne, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'un an, et d'autre part, a ordonné son assignation à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1903102 du 3 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision portant assignation à résidence et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2019, le préfet de la Dordogne demande à la cour d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2019 en tant qu'il a annulé la décision ordonnant l'assignation à résidence de Mme A....

Il soutient que la circonstance selon laquelle Mme A... bénéficiait d'un délai de départ volontaire de trente jours est sans incidence sur la légalité de la décision ordonnant son assignation à résidence dès lors que cette dernière a été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 744-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Un mémoire en défense présenté pour Mme A..., représentée par Me C..., a été produit le 17 décembre 2019 soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 15 décembre 2019 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Mme A... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 14 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., ressortissante albanaise née en 1979, est entrée en France en juillet 2018 selon ses déclarations, accompagnée de ses trois enfants alors âgés de 14, 11 et 7 ans. Sa demande d'asile, instruite en procédure accélérée au motif que l'intéressée est ressortissante d'un pays sûr, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mars 2019. Le 25 mai 2019, Mme A... a introduit un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 24 juin 2019, contesté par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux, le préfet de la Dordogne lui a, d'une part, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 3 juillet 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il prononce l'assignation à résidence de Mme A... et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Le préfet de la Dordogne relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision assignant l'intéressée à résidence.

2. Aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7°. L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ". En vertu de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 744-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Lorsque le droit au maintien de l'étranger a pris fin en application du 4° bis ou du 7° de l'article L. 743-2 et qu'une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre, l'autorité administrative peut, aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande d'asile, l'assigner à résidence selon les modalités prévues aux trois derniers alinéas de l'article L. 561-1, pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois. (...). / L'assignation à résidence ou le placement en rétention s'effectue dans les conditions prévues au livre V. Lorsque ces décisions sont prises en application du premier alinéa du présent I, la procédure contentieuse se déroule selon les modalités prévues au III de l'article L. 512-1. (...) ".

4. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Dordogne en tant qu'il prononce l'assignation à résidence de Mme A..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, après avoir cité les dispositions de l'article L. 561-2 du code de justice administrative en vertu desquelles l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard notamment d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français, a considéré que dès lors que Mme A... avait fait l'objet d'une mesure d'éloignement avec un délai de départ volontaire, elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence. Toutefois, la mesure d'assignation à résidence prononcée à l'encontre de Mme A..., fondée sur l'article L. 744-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été ordonnée aux fins du traitement rapide et du suivi efficace de sa demande d'asile et non aux fins de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait par ailleurs l'objet. Or, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné, lorsque l'autorité administrative prend une mesure d'assignation à résidence sur le fondement de ces dispositions, qui figurent dans le livre VII, relatif au droit d'asile, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'a pas à vérifier si l'étranger entre dans les cas prévus par les dispositions des articles L. 561-1 et L. 561-2 du même code, qui figurent dans le livre V de ce code, relatif aux mesures d'éloignement. Par suite, le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision portant assignation à résidence au motif tiré de ce qu'un délai de départ volontaire avait été accordé à Mme A... pour quitter la France.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... à l'encontre de la décision portant assignation à résidence devant le tribunal administratif.

6. Par un arrêté n° 24-2018-12-11-001 du 11 décembre 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs n° 24-2018-044 de la préfecture de la Dordogne, M. Laurent Simplicien, secrétaire général de préfecture, s'est vu délivrer, par le préfet de la Dordogne, une délégation de signature à l'effet de signer, notamment, l'ensemble des décisions et actes relevant des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse doit être écarté.

7. La décision contestée vise les articles L. 723-2, L. 743-2 7° et l'article L. 744-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application, comporte des éléments relatifs à la situation administrative et familiale de Mme A... et indique qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant en procédure accélérée, a rejeté sa demande d'asile. Ces indications, qui ont permis à Mme A... de comprendre et de contester la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre, étaient suffisantes. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

8. Par ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui ainsi qu'il a été dit ci-dessus a pris en compte l'ensemble de la situation administrative et familiale de Mme A..., n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre à son encontre une mesure d'assignation à résidence. Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée assigne Mme A... à résidence dans le département de la Dordogne avec obligation de se présenter tous les jours, sauf les dimanches et les jours fériés, à 9h au commissariat de police nationale de Périgueux. Cette décision, qui présente un caractère limité dans les obligations qu'elle impose à Mme A..., notamment en ce qui concerne les modalités de présentation au commissariat de police, et qui n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que ses enfants puissent poursuivre leur scolarité dans des conditions normales, ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de la requérante ni comme méconnaissant l'intérêt supérieur de ses enfants alors même qu'elle s'en occuperait seule. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commis le préfet de la Dordogne doit être écarté.

10. Enfin, en ordonnant son assignation à résidence dans le département de la Dordogne avec obligation de se présenter quotidiennement à 9h au commissariat de police nationale de Périgueux à l'exception des dimanches et des jours fériés le préfet de la Dordogne n'a pas porté à la liberté d'aller et de venir de Mme A... une atteinte disproportionnée au but poursuivi par la décision contestée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Dordogne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 juin 2019 en tant qu'il assignait Mme A... à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., président,

M. David Terme, premier conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 janvier 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne B... L'assesseur le plus ancien,

David Terme

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02716
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : KAOULA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-16;19bx02716 ?
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