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16/01/2020 | FRANCE | N°19BX02025

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 janvier 2020, 19BX02025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900473 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mai 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1900473 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mai 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 22 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer dans cette attente un dossier de demande d'asile et une attestation provisoire de séjour dans le délai de soixante-douze heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est dépourvu de base légale dès lors qu'il relevait du d) de l'article 18-1 du règlement et non du b) de cet article puisque la demande d'asile présentée en Italie était rejetée ;

- la procédure suivie est irrégulière dès lors qu'il n'a pas reçu le courrier d'information réglementaire lui notifiant l'intervention de l'accord implicite de reprise en charge des autorités italiennes et que la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respectée ;

- sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la non application de la clause discrétionnaire visée à l'article 17 du règlement 604/2013 eu égard notamment aux troubles psychiatriques dont il souffre.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2019 la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., ressortissant nigérian né en 1992, est entré en France, selon ses déclarations, le 30 novembre 2018 et a présenté, le 6 décembre 2018, une demande d'asile. Toutefois, le relevé de ses empreintes ayant révélé qu'il avait déjà présenté une demande d'asile en Italie le 16 mai 2016, le préfet de la Gironde, après avoir recueilli l'accord implicite des autorités italiennes, a, par un arrêté du 22 janvier 2019, décidé son transfert vers l'Italie. M. D... relève appel du jugement du 19 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. D... ayant été déclaré en fuite, le délai de son transfert aux autorités italiennes a été prolongé jusqu'au 19 août 2020.

2. Il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel réalisé le 6 décembre 2018, M. D... a été informé que sa demande d'asile allait être traitée conformément au règlement " Dublin " et qu'il pourrait faire l'objet d'un départ vers l'Italie si cet Etat reconnaissait sa responsabilité. Il a également été informé que, conformément à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, il pouvait présenter les observations qu'il jugerait utiles sur l'éventuelle décision de transfert vers l'Italie qui pourrait être prise à son encontre. Par suite, contrairement à ce qu'il soutient, il a bien été mis à même de présenter ses observations avant l'intervention de la mesure de transfert, et notamment de faire valoir ses difficultés de santé, alors même qu'il n'aurait pas reçu de courrier l'informant de l'accord implicite de reprise en charge des autorités italiennes. Dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure " quant aux dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration " doit être écarté.

3. Aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que " l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) / 2. (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE ".

4. En vertu de ces dispositions l'Etat responsable est tenu de reprendre en charge le demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen ainsi que le ressortissant d'un pays tiers dont la demande a été rejetée. Par suite, la seule circonstance que les autorités françaises ont saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. D... sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement précité, alors que la demande d'asile présentée par M. D... en Italie avait été rejetée et qu'il relevait ainsi du d) de cet article, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que les dispositions de cet article ne créent des obligations que pour le seul Etat membre responsable et que la procédure ainsi suivie par les autorités françaises n'a privé M. D... d'aucune garantie.

5. Si M. D... soutient qu'une telle erreur caractériserait un défaut d'examen, par l'autorité préfectorale, de sa situation personnelle, il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment de l'entretien individuel du 6 décembre 2018, que les demandes d'asile présentées par M. D... aux autorités italiennes et rejetées par ces dernières étaient connues des services de la préfecture de la Gironde qui a donc procédé à un examen personnel de la situation du requérant. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation de M. D... par la préfète de la Gironde doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

7. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les rapports d'information émanant d'organisations non gouvernementales et l'article de presse produits par M. D... font état des difficultés rencontrées par l'Italie pour faire face à un afflux de migrants, ils ne suffisent pas à caractériser l'existence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, notamment en ce qui concerne l'accès aux soins. De même, ces documents, qui ne contiennent que des informations d'ordre général, ne sont pas, à eux seuls, de nature à permettre de laisser supposer que M. D... ne pourra pas voir sa demande d'asile examinée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si M. D... a produit devant le tribunal une ordonnance médicale prescrivant deux traitements contre des troubles psychiatriques, ce document ne permet pas, à lui seul, eu égard aux termes dans lesquels il est rédigé, de considérer que l'état de santé de M. D... ferait obstacle à son départ pour l'Italie ni qu'il ne pourrait pas bénéficier dans ce pays d'une prise en charge appropriée à ces troubles. Dans ces conditions, le transfert de M. D... vers l'Italie ne peut être regardé comme étant susceptible d'entraîner des conséquences graves pour son état de santé ou de l'exposer à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Par suite, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2019 du 26 juin 2013.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme E... B..., président,

M. David Terme, premier conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 janvier 2020.

Le président-rapporteur,

Marianne B... L'assesseur le plus ancien,

David Terme

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02025
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-16;19bx02025 ?
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