Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Réunion a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le maire de Sainte-Marie a accordé à Mme C... A... un permis de construire six chenils et un local technique sur un terrain situé 140 route de Beaumont.
Par un jugement n° 1700532 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de la Réunion a annulé l'arrêté du 9 février 2017 du maire de Sainte-Marie ainsi que le rejet du recours gracieux du 18 avril 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2018, la commune de Sainte-Marie, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Réunion du 29 décembre 2017 ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de La Réunion ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas communiqué les notifications prévues à l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme, en méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de La Réunion a méconnu les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme en ce qu'il n'a pas régulièrement notifié ses recours gracieux et contentieux à l'auteur et au bénéficiaire de la décision qu'il a déféré au tribunal administratif ;
- les dispositions issues de la loi Littoral sont inapplicables au plan local d'urbanisme et au permis de construire contesté dès lors que la commune relève d'un schéma de cohérence territoriale approuvé par la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) le 18 décembre 2013 ; en outre, le projet ne peut être regardé comme une extension à l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en ce que les constructions envisagées ne sont pas destinées à l'habitation mais sont nécessaires à l'exploitation d'une activité agricole d'élevage de chiens de race, autorisées en zone A du plan local d'urbanisme ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la construction d'un chenil relevait du règlement sanitaire départemental et serait incompatible avec le voisinage des zones concernées et que l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme imposant la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites aurait été méconnu.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 septembre 2016, Mme A... a déposé une demande de permis de construire six chenils et un local technique, constructions représentant une surface de 91,6 m², destinées à l'élevage de chiens de race sur une partie de la parcelle cadastrée AP 3674 de 13 900 m² classée en zone A du plan local d'urbanisme approuvé le 27 décembre 2013, située au lieu-dit Beaumont à Sainte-Marie. Ce permis a été accordé par un arrêté du 9 février 2017 du maire de Sainte-Marie et a été transmis à la préfecture de la Réunion le 16 février 2017 pour être soumis au contrôle de légalité. Par un courrier du 27 mars 2017, le préfet de la Réunion a exercé à l'encontre de ce permis un recours gracieux qui a été rejeté par un courrier du maire de Sainte-Marie du 18 avril 2017. Le préfet a déféré l'arrêté du 9 février 2017 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux du 18 avril 2017. La commune de Sainte-Marie relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a annulé ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de La Réunion a produit devant le tribunal la copie des lettres datées du 7 juin 2017 adressées à la commune de Sainte-Marie et à Mme A..., bénéficiaire du permis de construire, notifiant le déféré en application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, par un mémoire enregistré le 20 juin 2017 qui a été communiqué à la commune de Sainte-Marie le 3 juillet 2017. Le préfet a à nouveau versé au dossier les accusés de réception de ces lettres par un mémoire enregistré le 12 juillet 2017 et communiqué à la commune de Sainte-Marie le 31 juillet 2017. Par suite, la commune de Sainte-Marie n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, qui n'a été informé de la constitution de Me B... pour défendre les intérêts de la commune de Sainte-Marie que par un courrier du 28 août 2017, aurait méconnu le principe du contradictoire en ne communiquant pas à nouveau ces pièces à son conseil. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : / 1° Les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres I et II du titre II ou les modalités d'application de ces dispositions particulières lorsqu'elles ont été précisées pour le territoire concerné par une directive territoriale d'aménagement prévue par l'article L. 172-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 131-4 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 / 2° les schémas de mise en valeur de la mer prévus à l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions d'utilisation des espaces terrestres, maritimes et lacustres : / 1° Dans les communes littorales définies à l'article L. 321-2 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l'environnement ".
6. Il résulte de ces dispositions et alors qu'il n'est pas contesté que la parcelle en cause n'est pas comprise dans le périmètre du schéma de mise en valeur de la mer du schéma d'aménagement régional de la Réunion, qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée à l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
7. Eu égard, d'une part, au seul rapport de compatibilité prévu par les articles L. 131-1, L. 131-4 et L. 131-7 du code de l'urbanisme entre les documents d'urbanisme qu'ils mentionnent et entre ces documents et les règles spécifiques à l'aménagement et à la protection du littoral et, d'autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu'une telle décision respecte les prescriptions du plan local d'urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 121-1 et suivants de ce code.
8. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dont elles sont issues, que le plan local d'urbanisme d'une commune littorale peut prévoir l'extension de l'urbanisation soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, soit en délimitant une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement. Toutefois, l'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme, en compatibilité avec les orientations des schémas de cohérence territoriale, aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.
9. En l'espèce, il est constant que la parcelle cadastrée AP 3674, terrain d'assiette du projet, classée en zone agricole du plan local d'urbanisme, est entourée de vastes parcelles non bâties et ne se situe pas en continuité d'une agglomération ou d'un village existant. Par ailleurs, le projet n'appartient pas à un secteur délimité par le document local d'urbanisme comme une zone destinée à accueillir un hameau nouveau. Ainsi, l'implantation de six chenils et d'un local technique doit être regardée comme une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. La circonstance que le permis de construire contesté respecte les orientations du schéma de cohérence territoriale et les prescriptions du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard de ces dispositions. Si, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme ouvre la possibilité d'autoriser, par dérogation à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, les constructions et installations nécessaires à l'activité agricole avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, un tel accord n'a pas été sollicité en l'espèce. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Marie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 9 février 2017 ainsi que la décision rejetant le recours gracieux du 18 avril 2017.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Sainte-Marie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Sainte-Marie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Marie, à Mme C... A... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.
Le rapporteur,
D...Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX01287