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19/12/2019 | FRANCE | N°17BX03859

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 19 décembre 2019, 17BX03859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés des 19 septembre, 19 octobre et 20 octobre 2015 par lesquels le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde l'a réintégrée après une mise en disponibilité d'office et les décisions par lesquelles cette même autorité a implicitement rejeté ses recours gracieux formés contre ces arrêtés.

Par un jugement n° 1600260 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Bo

rdeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés des 19 septembre, 19 octobre et 20 octobre 2015 par lesquels le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde l'a réintégrée après une mise en disponibilité d'office et les décisions par lesquelles cette même autorité a implicitement rejeté ses recours gracieux formés contre ces arrêtés.

Par un jugement n° 1600260 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2017 et 13 novembre 2018, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 19 septembre, 19 octobre et 20 octobre 2015 par lesquels le directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde l'a réintégrée à compter du 2 octobre 2015 après une mise en disponibilité d'office et les décisions par lesquelles cette même autorité a implicitement rejeté ses recours gracieux formés contre ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de réexaminer sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge définitive de l'État la somme de 1 074 euros au titre des frais d'expertise engagés dans l'instance n° 1502499 devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

5°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros, au titre des frais de première instance et la somme de 2 000 euros au titre de la présente instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 20 octobre 2015 est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas reçu la convocation du 17 septembre 2015 pour la séance du comité médical départemental du 1er octobre 2015 ;

- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation sur son aptitude physique à reprendre son travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi nº 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeur des écoles affectée en école primaire à Pessac (Gironde), a été victime le 12 mai 2009, lors d'une séance de roller avec ses élèves, d'une chute qui lui causé une fracture du poignet droit, aggravée ensuite d'un syndrome algoneurodystrophique. Elle a été placée en congé de maladie, prolongé successivement jusqu'au 31 décembre 2014. La commission départementale de réforme a émis, le 5 mars 2015, un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident et a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au 1er juillet 2014. Le comité médical départemental, également saisi par l'autorité administrative, a estimé le 2 avril 2015 que la pathologie de l'intéressée ne justifiait pas un congé de maladie ordinaire au-delà de six mois. Par lettre du 23 avril 2015, le directeur académique des services de l'éducation nationale, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde a imparti à Mme B... de reprendre son service à compter du 4 mai 2015. L'intéressée n'ayant pas repris ses fonctions, la même autorité a, par une lettre du 15 mai 2015, informé Mme B... d'une nouvelle saisine du comité médical départemental, pour avis sur son inaptitude temporaire ou définitive à ses fonctions ou à toute fonction. Après une reprise de fonctions de l'intéressée au 29 juin 2015 en exécution de l'injonction qui lui avait été faite, la même autorité administrative a, par une décision du 1er juillet 2015, puis par un arrêté du 16 octobre 2015, placé Mme B... en disponibilité d'office sans traitement à compter de cette date.

2. La lettre du 23 avril 2015 intimant à Mme B... de reprendre ses fonctions à compter du 4 mai 2015 a été annulée par un jugement n° 1504688 du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2017. La décision du 1er juillet 2015 et l'arrêté du 16 octobre 2015, par lesquels Mme B... a été placée en disponibilité d'office à compter du 1er juillet 2015, ont été annulés par jugement n° 1504687 et n° 1600261 du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2017, devenu définitif, au motif qu'à cette date elle n'avait pas épuisé ses droits à congé de maladie et qu'en outre, elle n'avait pas été invitée à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps.

3. Mme B..., qui a été réintégrée à compter du 2 octobre 2015 par arrêtés successifs des 19 septembre et 19 octobre 2015, puis par un arrêté du 20 octobre 2015 ayant retiré les arrêtés précédents, relève appel du jugement du 10 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions de réintégration et des rejets de ses recours gracieux exercés à leur encontre.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, (...) soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus (...) ". Aux termes de l'article 49 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " (...) Dans tous les autres cas de disponibilité, la réintégration est subordonnée à la vérification par un médecin agréé et, éventuellement, par le comité médical compétent, saisi dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur, de l'aptitude physique du fonctionnaire à l'exercice des fonctions afférentes à son grade. (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; / - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. / L'avis du comité médical est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. / Le secrétariat du comité médical est informé des décisions qui ne sont pas conformes à l'avis du comité médical. ".

5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait reçu notification de la lettre du 17 septembre 2015 par laquelle le secrétariat du comité médical départemental de la Gironde l'aurait informée de la date du 1er octobre 2015 à laquelle le comité médical départemental allait examiner son dossier, de ses droits concernant la communication de son dossier, de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix et des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. Ainsi, ce défaut a privé l'intéressée d'une garantie et constitue donc une irrégularité de nature à entacher d'illégalité les décisions portant réintégration après disponibilité d'office, prises sur l'avis rendu le 1er octobre 2015 par le comité médical départemental.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de l'expert judiciaire désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux, que lors de l'examen de Mme B... le 2 décembre 2015, l'intéressée présentait un déficit fonctionnel du membre supérieur droit qu'elle n'utilisait pas. L'expert conclut que cette pathologie cliniquement constatée est en rapport direct avec l'accident de service du 12 mai 2009 et que l'état de santé de Mme B... justifie un congé de longue maladie imputable au service. Ces constatations corroborent celles du médecin expert rhumatologue qui, saisi par le comité médical départemental, a examiné Mme B... le 11 septembre 2015 et, après avoir retenu " un syndrome épaule-main avec d'importantes séquelles ", a conclu qu'elle était " inapte de façon totale et définitive à la reprise de son poste à temps plein ". Dans ces conditions, en estimant que Mme B... était apte à la reprise de ses fonctions à compter du 2 octobre 2015 et en prononçant sa réintégration à cette date, le directeur académique des services de l'éducation nationale, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde a fait une inexacte application des dispositions précitées, alors même que l'avis du comité médical du 1er octobre 2015 concluait à une " inaptitude temporaire à son poste, reprise dès que possible " .

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions litigieuses portant réintégration à compter du 2 octobre 2015.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

9. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'enregistrement de la requête, Mme B... a été placée, par un arrêté du directeur académique des services de l'éducation nationale, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde du 11 avril 2019, en congé de longue maladie imputable au service pour la période allant du 1er octobre 2015 au 30 mars 2016. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à l'administration de réexaminer sa situation administrative sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

10. La présente instance ne comprend aucun dépens, notamment pas les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 074 euros par une ordonnance du 21 septembre 2016 du président du tribunal administratif de Bordeaux et qui ont d'ailleurs été mis à la charge définitive de l'État par un jugement n° 1702779 du tribunal administratif de Bordeaux du 18 juin 2019. Les conclusions présentées à ce titre par Mme B... doivent, par suite, être rejetées.

11. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, partie perdante, une somme globale de 2 000 euros à verser à Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés tant en première instance qu'en la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : Les décisions du directeur académique des services de l'éducation nationale, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Gironde portant réintégration de Mme B... au 2 octobre 2015 sont annulées.

Article 3 : L'État versera à Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera transmise, pour information, au recteur de l'académie de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. D... C..., président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

Le rapporteur,

Didier C...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03859
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET ARCC

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-19;17bx03859 ?
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