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17/12/2019 | FRANCE | N°18BX01208

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 décembre 2019, 18BX01208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Royan à lui verser une indemnité de 255 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la délivrance d'un permis de construire illégal au voisin de l'immeuble dont elle est nu-propriétaire.

Par un jugement n° 1600986 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2

018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 7 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Royan à lui verser une indemnité de 255 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la délivrance d'un permis de construire illégal au voisin de l'immeuble dont elle est nu-propriétaire.

Par un jugement n° 1600986 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mars 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 7 juillet 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 janvier 2018 ;

2°) de condamner la commune de Royan à lui verser une indemnité de 255 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la notification de sa réclamation préalable et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Royan une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet en litige ne respecte ni le caractère originel de la construction ni l'harmonie du paysage existant, en méconnaissance de l'article 11 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme, applicable en l'espèce ;

- l'extension illégale de la construction existante a créé des vues directes et plongeantes sur sa maison, une perte d'ensoleillement, une perte d'intimité et des nuisances sonores, ainsi qu'une perte de valeur vénale de son immeuble ; et ces préjudices sont en lien direct avec l'illégalité retenue par le tribunal ;

- sa qualité de nu-propriétaire ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit indemnisée des troubles de jouissance nés de l'autorisation d'urbanisme illégale ;

- elle a subi un préjudice moral en raison des tracasseries administratives engendrées par cette construction illégale.

Par deux mémoires, enregistrés le 25 avril 2018 et le 22 juillet 2019, et des pièces complémentaires, enregistrées le 27 avril 2018, la commune de Royan, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 août 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 octobre 2011, le maire de la commune de Royan (Charente-Maritime) a délivré au voisin du terrain dont Mme A... est nu-propriétaire un permis de construire pour la réhabilitation et l'extension d'une villa. Mme A... relève appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Royan à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de ce permis.

Sur le principe de la responsabilité de la commune de Royan :

2. En premier lieu, les dispositions de l'article 11 du règlement de la zone UE dont se prévaut Mme A... ne sont applicables qu'aux immeubles identifiés et localisés par le plan local d'urbanisme au titre des dispositions du 7° de l'ancien article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, reprises désormais à l'article L. 151-19 du même code, qui sont repérés sur le plan de zonage en hachuré vert. Or, le terrain d'assiette du permis en litige n'est pas inclus dans un tel zonage. Dans ces conditions, en délivrant le permis en litige, le maire de Royan n'a pas méconnu ces dispositions de l'article 11 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme.

3. En second lieu, il n'est pas contesté en revanche que le permis en litige, en ce qu'il autorise l'extension sollicitée, a été délivré en méconnaissance de l'article 7 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme aux termes duquel " 1) Règles générales : Les constructions doivent être implantées de telle manière que la distance comptée horizontalement, prise perpendiculairement aux façades des constructions, entre tout point pris au droit des bâtiments et le point correspondant de la limite séparative, soit au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points (...) Dans tous les cas, cette distance ne sera jamais inférieure à 4 m (...) / 2) Règles particulières : Des dispositions différentes à celles énoncées à la règle générale peuvent être admises dans les cas suivants (...) c) Lorsqu'il s'agit d'une extension de construction à usage d'habitation, l'implantation pourra s'effectuer dans les mêmes retraits que la construction existante, à condition que la surface de plancher de cette extension n'excède pas 25 % de la surface du bâtiment existant ". Il résulte en effet de l'instruction que si cette extension pouvait être implantée dans la continuité du bâtiment existant, à moins de 4 mètres de la limite séparative, la surface de plancher ainsi créée, qui atteint 112 m² pour une superficie existante de 228 m², excède toutefois la limite de 25 % fixée par les dispositions précitées.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en délivrant le permis de construire en litige en méconnaissance de l'article 7 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Royan.

Sur les préjudices :

5. Les tiers à un permis de construire illégal peuvent rechercher la responsabilité de la personne publique au nom de laquelle a été délivré le permis, si le projet de construction est réalisé. Ils ont droit, sous réserve du cas dans lequel le permis a été régularisé, à obtenir réparation de tous les préjudices qui trouvent directement leur cause dans les illégalités entachant la décision.

6. En premier lieu, la perte d'intimité dont Mme A... se plaint résulte de la création de vues sur sa propriété depuis le toit terrasse dont l'aménagement a été autorisé sur la maison voisine par le permis en litige. Toutefois, ces troubles de jouissance et la perte alléguée de valeur vénale consécutive sont sans lien avec l'illégalité fautive rappelée au point 3.

7. En deuxième lieu, Mme A... soutient que le projet en litige a créé pour elle une perte d'ensoleillement, engendrant également une perte de valeur vénale de son bien. Toutefois, compte tenu de l'orientation des deux maisons voisines et de la course du soleil d'est en ouest, et dès lors au surplus qu'une extension aurait pu être légalement autorisée à un peu moins de deux mètres de la limite séparative à la condition que sa superficie soit moindre, il ne résulte pas de l'instruction que l'ombre sur la terrasse arrière de la maison de Mme A..., telle qu'elle ressort des photos jointes au constat d'huissier qu'elle produit, trouverait son origine directe dans l'autorisation de l'extension de la maison voisine en méconnaissance des dispositions de l'article 7 du règlement de la zone UE du plan local d'urbanisme.

8. En troisième lieu, si Mme A... soutient qu'elle a également subi un préjudice moral en raison des tracasseries administratives qu'a générées pour elle le projet en litige, elle se borne toutefois à produire un seul courrier adressé au maire de Royan. Dans ces conditions, le préjudice moral allégué n'est pas établi.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Royan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Royan en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la commune de Royan une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la commune de Royan.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

Le rapporteur,

Romain RousselLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 18BX01208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01208
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation locale. POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CAPIAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-17;18bx01208 ?
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