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26/11/2019 | FRANCE | N°17BX02690

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 26 novembre 2019, 17BX02690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (Earl) Les Orphées et M. H... D..., son gérant, ainsi que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) DAXAP TP ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 13 mai 2016 par lequel le maire de la commune de Nérigean a interdit la circulation aux véhicules de plus de 7,5 tonnes sur la voie communale n° 5 dite chemin de la Moinerie, et d'autre part, l'arrêté du maire de la commune de Nérigean du 8 jui

llet 2016 abrogeant, à compter de sa publication, l'arrêté du 13 mai 2016, et i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (Earl) Les Orphées et M. H... D..., son gérant, ainsi que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) DAXAP TP ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté du 13 mai 2016 par lequel le maire de la commune de Nérigean a interdit la circulation aux véhicules de plus de 7,5 tonnes sur la voie communale n° 5 dite chemin de la Moinerie, et d'autre part, l'arrêté du maire de la commune de Nérigean du 8 juillet 2016 abrogeant, à compter de sa publication, l'arrêté du 13 mai 2016, et interdisant la circulation aux véhicules de plus de 7,5 tonnes sur la section du chemin de la Moinerie comprise entre la route des Faures et la limite du territoire communal.

Par un jugement n°1603085 du 7 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2017, et des mémoires enregistrés le 27 février et le 19 septembre 2019, l'Earl Les Orphées, M. D... et l'Eurl Daxap TP, représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juin 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés des 13 mai 2016 et 8 juillet 2016 du maire de la commune de Nérigean ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nérigean le versement à chacun de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le rapport du cabinet d'études BTP sur lequel se fonde la commune n'est pas annexé à l'arrêté ;

- les arrêtés en litige ont été pris par une autorité incompétente, dès lors que la compétence en matière de voirie appartient à la communauté de communes du Brannais ;

- les arrêtés en litige n'ont pas été pris pour des motifs de sécurité publique mais pour des considérations liées à l'état de la voirie, alors qu'une obligation d'entretien de celle-ci incombe à la commune, ce qui constitue un motif illégal ;

- l'objectif de sécurité publique poursuivi par les arrêtés ne pouvait justifier les interdictions de circulation à l'égard de certains véhicules, dès lors qu'un défaut d'entretien des routes par la commune est à l'origine de ces dégradations de la chaussée ;

- les arrêtés sont entachés de détournement de pouvoir car ils visent à pallier les carences de la commune dans l'entretien des voies communales ;

- le motif de l'étroitesse des voies manque en fait, car le chemin permet le passage des véhicules de gros gabarit dans des conditions de sécurité normales ;

- la commune ne justifie pas le tonnage de 7, 5 T retenu dans les arrêtés ;

- la commune s'étant contentée de soulever en première instance l'exception de non-lieu à statuer et s'étant abstenue de toute défense au fond, les premiers juges auraient dû constater la carence de l'autorité de police ;

- l'arrêté est entaché d'une contradiction dès lors que l'Earl Les Orphées a une activité agricole ;

- en tant que riverains, ils bénéficient d'une aisance de voirie ;

- les arrêtés en litige méconnaissent également leur liberté d'aller et venir et la liberté du commerce et de l'industrie ;

- l'accès à leurs parcelles se fait uniquement par ce chemin ;

- compte-tenu de leur situation d'enclavement, les arrêtés en litige portent gravement atteinte à leur libre circulation et à la libre circulation nécessaire à leur activité.

Par des mémoires, enregistrés le 20 février 2018 et le 19 septembre 2019, la commune de Nérigean, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de l'Earl Les Orphées, de M. D... et de l'Eurl Daxap TP ;

2°) de mettre à la charge de l'Earl Les Orphées, de M. D... et de l'Eurl Daxap TP, chacun, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'arrêté du 8 juillet 2016 sont irrecevables, car elles sont nouvelles en appel et tardives ;

- les arrêtés en litige n'ont pas été édictés par une autorité incompétente, dès lors que le chemin de la Moinerie n'est pas une voie d'intérêt communautaire, sur laquelle la communauté de communes du Brannais exerce sa compétence en matière de voirie ;

- l'obligation d'entretenir une voirie ne peut pas justifier l'annulation d'un arrêté de police ;

- elle n'a pas manqué à son obligation d'entretien des voies ;

- les dégradations du chemin de la Moinerie sont imputables à M. D... et à la SCI Monvoisin, et le coût des réparations s'élève à la somme de 139 403, 88 euros ;

- les arrêtés litigieux ne portent pas atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dès lors qu'ils n'édictent pas une interdiction générale et absolue ;

- pour ce même motif, ils ne portent pas atteinte à leur liberté d'aller et venir.

Par ordonnance du 4 septembre 2019, la clôture d''instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 septembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... C...,

- les observations de Me I... représentant l'Earl Les Orphées, M. D... et l'Eurl Daxap TP, et les observations de Me A..., représentant la commune de Nérigean.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 mai 2016, le maire la commune de Nérigean a interdit la circulation aux véhicules de plus de 7,5 tonnes sur la voie communale n° 5 dite chemin de la Moinerie. Par un second arrêté du 8 juillet 2016, le maire de la commune de Nérigean a décidé qu'à compter du 8 juillet 2016, date de sa publication, cet arrêté remplacerait le précédent et a interdit la circulation aux véhicules de plus de 7,5 tonnes sur la section du chemin de la Moinerie comprise entre la route des Faures et la limite du territoire communal. L'Earl Les Orphées et M. D..., son gérant, ainsi que l'Eurl Daxap TP ont demandé dans leur requête introductive d'instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux l'annulation du premier arrêté et dans leur mémoire complémentaire enregistré au greffe de ce tribunal le 2 mai 2017 l'annulation du second arrêté. Ils relèvent appel du jugement du 7 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur (...) les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation ". Selon l'article R. 141-3 du code de la voirie routière : " Le maire peut interdire d'une manière temporaire ou permanente l'usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ".

3. En premier lieu, un arrêté préfectoral du 27 septembre 2012 portant adoption des statuts de la communauté de communes du Brannais prévoit que l'établissement public de coopération intercommunale exerce, au titre des compétences optionnelles prévues à l'article L. 5214-6 du code général des collectivités territoriales, la compétence " création, aménagement, entretien de voirie d'intérêt communautaire ". Il ressort des statuts de la communauté de communes du Brannais que sont reconnues d'intérêt communautaire, la voie communale n°1 de Génissac à la Sauve et la voie communale n°4 de Grimard à Espiet. Par suite, la voie communale n°5 dite chemin de la Moinerie n'ayant pas été reconnue d'intérêt communautaire, le moyen tiré de ce que le maire de Nérigean n'était pas compétent pour prendre les arrêtés en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, par les arrêtés préfectoraux en litige, le maire de Nérigean a interdit la circulation des véhicules dont le tonnage est supérieur à 7,5 tonnes sur le chemin de la Moinerie, puis à partir du 8 juillet 2016 sur une portion de ce chemin de la Moinerie comprise entre la route des Faures et la limite du territoire communal. Ces arrêtés sont motivés par la circonstance que la circulation de ces véhicules est susceptible de compromettre la sécurité publique et l'état de la chaussée, et en outre en ce qui concerne l'arrêté du 8 juillet 2016, en raison de l'étroitesse de la voie sur la portion de chemin concernée par l'interdiction.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux constats d'huissier datés du 13 mai 2016, établis par chacune des parties au litige, du constat d'huissier du 21 juillet 2016 et du constat d'huissier relatif aux dégradations de la structure sur le chemin en question réalisé en mars 2017, qui même s'il est postérieur aux arrêtés en litige, ne fait que révéler une situation préexistante, que la chaussée et les bas-côtés de ce chemin étaient très dégradés (orniérages, nids de poule..). En particulier, sur la portion du chemin de la Moinerie partant de l'intersection avec le chemin des Faures et sur une distance de 900 mètres, ont été constatés des désordres généralisés sur ce tronçon de route, tel un faïençage du revêtement sur la partie centrale de la chaussée, des orniérages sur les bas côtés, un fluage de matériau généralisé, un effondrement de la structure lorsque la profondeur d'ornière est trop importante. Il ressort également des photographies produites au dossier que ce chemin est étroit et permet difficilement le croisement des véhicules de gros gabarit. Enfin, il ressort du constat d'huissier du 13 mai 2016 réalisé à la demande des appelants et de l'attestation d'un riverain du 16 avril 2016, que le 15 avril 2016, un camion s'est effondré sur le côté droit de ce chemin. Dans ces conditions, l'interdiction édictée par les arrêtés du maire de Nérigean des 13 mai 2016 et 8 juillet 2016, qui ne repose pas sur des faits inexacts, était justifié par des exigences de conservation de la voirie publique communale en vue de son utilisation dans des conditions normales de sécurité.

6. En troisième lieu, compte tenu des exigences de sécurité publique et de conservation de la voirie, la circonstance à la supposer établie que l'interdiction de circulation aurait également pour objectif de pallier les défauts d'entretien de la voie par la collectivité n'est pas de nature à entacher d'illégalité ces arrêtés. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

7. En quatrième lieu, l'interdiction de circuler sur le chemin de la Moinerie bien que permanente, a été restreinte par l'arrêté du 8 juillet 2016 du maire de Nérigean à une portion de ce chemin compris entre la route des Faures et la limite du territoire communal. Par ailleurs, l'interdiction ne concerne que les véhicules dont le tonnage est supérieur à 7,5 tonnes. Elle n'a donc pas pour objet de rendre impossible la circulation sur ce chemin. En outre, les arrêtés litigieux prévoient des exceptions, telles que la circulation d'engins agricoles et de ceux liés aux services. Dans ces conditions, cette interdiction n'est pas un obstacle à l'activité professionnelle de l'Earl Les Orphées, qui est de nature agricole. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'Eurl Daxap TP ne disposerait que d'engins d'un tonnage supérieur à 7,5 tonnes. Par suite, les arrêtés en litige ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés en litige auraient été pris dans le but d'entraver les activités professionnelles des requérants. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués porteraient une atteinte excessive, et par suite illégale, à la liberté d'aller et venir.

10. Il résulte de tout de qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nérigean, que l'Earl Les Orphées, M. D... et l'Eurl Daxap TP ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du maire de Nérigean des 13 mai 2016 et 8 juillet 2016.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Nérigean, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demandent l'Earl Les Orphées, M. D... et l'Eurl Daxap TP au titre de ses frais d'instance. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Earl Les Orphées, M. D... et l'Eurl Daxap TP une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance.

DECIDE

Article 1er : La requête de l'Earl Les Orphées, de M. D... et de l'Eurl Daxap TP est rejetée.

Article 2 : L'Earl Les Orphées, M. D... et l'Eurl Daxap TP verseront à la commune de Nérigean la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Earl Les Orphées, à M. H... D..., à l'Eurl Daxap TP et à la commune de Nérigean.

Délibéré après l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme G... J..., présidente,

Mme F... C..., premier-conseiller,

Mme Agnès Bourjol, conseiller,

Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

Le rapporteur,

Déborah C...La présidente,

Fabienne J...

Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°17BX02690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX02690
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-01 Police. Police générale. Circulation et stationnement. Réglementation de la circulation.


Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-26;17bx02690 ?
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