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21/11/2019 | FRANCE | N°19BX01974

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 novembre 2019, 19BX01974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités italiennes dans le cadre du traitement de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1805276 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, Mme F..., représentée par

Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné son transfert aux autorités italiennes dans le cadre du traitement de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1805276 du 21 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2019, Mme F..., représentée par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2018 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de soixante-douze heure à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas apparaitre le critère de responsabilité retenu par le préfet et ne mentionne pas son état de grossesse avancé ;

- ce même arrêté méconnait l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 (Dublin III) relatif au droit à l'information ;

- cet arrêté est intervenu aux termes d'une procédure irrégulière ;

- le préfet ne justifie pas de l'existence d'une décision implicite d'acceptation des autorités italiennes en méconnaissance de l'article 20 du règlement Dublin III ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 dans la mesure où le préfet n'a pas engagé de concertation avec les autorités italiennes afin d'organiser son transfert ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne la faisant pas bénéficier de la clause discrétionnaire des articles 3 et 17 du règlement Dublin III.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 août 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par Mme F... ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante nigériane, déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 22 août 2018. Elle s'est présentée le 31 août 2018 à la préfecture de la Gironde afin de déposer une demande d'asile. Le relevé décadactylaire de ses empreintes a révélé que l'intéressée était connue des autorités italiennes. Le 10 octobre 2018, une demande de reprise en charge de l'intéressée a été adressée aux autorités italiennes, lesquelles se sont reconnues compétentes par une décision implicite née le 25 octobre 2018. Par une décision du 26 novembre 2018, le préfet de la Gironde a prononcé le transfert de Mme F... aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. Mme F... relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Par un arrêté du 17 septembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde n° 33-2018-098 du 18 septembre 2018, le préfet a donné délégation à Mme G... E..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment " toutes décisions et correspondances prises en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " en cas d'absence ou d'empêchement de M. Thierry D..., secrétaire général de la préfecture de la Gironde, et de Mme H... I..., directrice de cabinet de la préfecture de la Gironde. D'une part, il n'est pas établi qu'à la date de la décision attaquée, M. D... et Mme I... n'auraient pas été absents ou empêchés. D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, la délégation de signature n'est ni générale ni imprécise Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

3. L'arrêté du 26 novembre 2018 indique que la consultation du fichier Eurodac a révélé que l'intéressée avait sollicité l'asile en Italie le 14 novembre 2016 et que les autorités italiennes ont été saisies le 10 octobre 2018 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces mentions permettaient à Mme F..., à la seule lecture de l'arrêté attaqué, de connaître le critère retenu par l'administration pour s'adresser aux autorités italiennes et la mettaient à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence. En outre, le préfet a fait mention de l'accord tacite, obtenu le 25 octobre 2018, par lequel les autorités italiennes ont reconnu leur responsabilité. Dès lors, le préfet de la Gironde a suffisamment motivé, en droit et en fait, son arrêté du 26 novembre 2018.

4. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... s'est vu remettre le 31 août 2018, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile auprès de la préfecture de la Gironde, le guide du demandeur d'asile, la brochure Eurodac ainsi que les documents d'information A et B, intitulés respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement précité. Contrairement à ce que soutient l'intéressée, la signature d'une attestation de remise de ces documents suffit à établir qu'elle les a effectivement reçus. Ces documents lui ont été remis en langue anglaise, qu'elle a déclaré comprendre devant les services de la préfecture. Si l'intéressée soutient qu'elle parle anglais mais ne le lit pas, elle a cependant signé les brochures concernées sans émettre la moindre observation quant aux difficultés qu'elle aurait rencontrées pour comprendre les informations portées à sa connaissance et a indiqué, selon le compte-rendu de l'entretien individuel signé par ses soins, comprendre et lire l'anglais. Dans ces conditions, le préfet pouvait raisonnablement supposer que Mme F... comprenait et savait lire l'anglais, quand bien même elle soutient à présent ne pas comprendre cette langue. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du résumé de l'entretien individuel produit par le préfet de la Gironde devant le tribunal administratif de Bordeaux que la requérante a été reçue à la préfecture de la Gironde le 31 août 2018 par un agent agissant au nom du préfet, pour un entretien préalable à l'adoption de l'arrêté attaqué. Aucune disposition ni aucun principe n'impose la mention, sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. Par ailleurs, la qualité d'agent de la préfecture suffit à établir sa compétence. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien, compte tenu des modalités de son déroulement, n'aurait pas été effectué dans le respect des règles de confidentialité.

8. Si Mme F... se prévaut de ce que les services de l'interprète ont été fournis par téléphone sans que le préfet n'en justifie la nécessité conformément aux dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités techniques du déroulement de l'entretien l'auraient privée d'une garantie. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté

9. Aux termes de l'article 20 du règlement (UE) du 26 juin 2013 susvisé : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. (...) ". Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20 paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 (...). ". Aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... s'est présentée le 31 août 2018 auprès de la préfecture de la Gironde afin d'y solliciter l'asile. Informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé de ses empreintes avait révélé qu'elle avait introduit une demande d'asile en Italie le 14 novembre 2016, le préfet de la Gironde a saisi, le 10 octobre 2018, les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, soit dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac prévu par les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 23 du règlement n° 604/2013, comme en atteste l'accusé de réception Dublinet versé au dossier. Les autorités italiennes n'ayant donné aucune réponse à cette demande, un constat d'accord implicite leur a été adressé le 26 octobre 2018, soit après l'écoulement du délai de deux semaines mentionné au paragraphe 1 de l'article 25 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ainsi, en vertu du paragraphe 2 de l'article 25 du même règlement, elles doivent être regardées comme ayant tacitement donné leur accord à l'expiration de ce délai. Contrairement à ce que soutient l'appelante, la seule production de ces accusés de réception, émis dans le cadre du réseau Dublinet, établissent que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté de transfert aurait été pris en méconnaissance de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en l'absence de preuve de la saisine des autorités italiennes dans le délai de deux mois et de l'absence de réponse par les autorités italiennes à la demande de reprise en charge du préfet, doit être écarté.

11. L'appelante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 10 du règlement n° 1560/2003, qui a pour seul objet de permettre l'organisation de l'exécution d'une décision de transfert en cas d'acceptation implicite des autorités responsables de l'examen de la demande d'asile.

12. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Au B... de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

13. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

14. Si les rapports d'information émanant d'organisations non gouvernementales cités dans les écritures de l'appelante font état des difficultés rencontrées par l'Italie pour faire face à l'afflux de migrants, ils ne suffisent pas à caractériser l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil de ces derniers. L'intéressée ne fournit d'ailleurs ni précision ni élément concret sur son séjour dans ce pays avant son arrivée en France ou sur les difficultés qu'elle y aurait rencontrées, notamment en termes d'accueil ou de traitement de sa demande d'asile. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme F... ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dès lors, en ne faisant pas application des dispositions du 1 de l'article 17, ni des dispositions du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme F....

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 novembre 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. A... B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

David B...Le président,

Marianne Hardy

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

8

N° 19BX01974


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01974
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CHAMBERLAND POULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-21;19bx01974 ?
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