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21/11/2019 | FRANCE | N°19BX01967

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 novembre 2019, 19BX01967


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1805132 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire

, enregistrés les 14 mai et 12 septembre 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1805132 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai et 12 septembre 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

s'agissant de l'arrêté pris dans son ensemble :

- il est entaché d'un vice d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

s'agissant du refus de titre de séjour :

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- 1'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant tunisien, né le 28 avril 1979 et entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 20 octobre 2016, a saisi le préfet de la Haute-Garonne le 5 janvier 2017 d'une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il relève appel du jugement du 29 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 septembre 2018 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux pris dans son ensemble :

2. L'appelant se borne à reprendre en appel les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ainsi que le moyen tiré d'une insuffisance motivation de cet arrêté, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

4. Si M. E... a reconnu par anticipation la jeune A..., de nationalité française, née le 11 octobre 2014 à Toulouse et s'il invoque sa vie maritale avec la mère de l'enfant, il ne justifie pas, eu égard notamment à la date de son entrée en France, participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille française depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la décision litigieuse. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions et stipulations précitées en refusant à M. E... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par ailleurs et faute d'un séjour régulier en France, M. E... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du c du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien qui prévoient dans certains cas, et sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français, la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la présence en France de M. E... est récente. S'il fait valoir ses liens avec sa concubine et sa fille française, il ne justifie ni de leur ancienneté, ni de leur intensité. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie où résident notamment ses trois autres enfants, en particulier le dernier, né le 21 mai 2015, et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, et alors même que M. E... aurait entamé une procédure de divorce en Tunisie, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision litigieuse a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés aux points 4 et 6 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. E..., méconnu l'intérêt supérieur de la jeune A..., ni d'ailleurs celui de la jeune F..., née en 2008 d'une précédente relation de sa concubine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit donc être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

10. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 4 ci-dessus, M. E... ne saurait bénéficier de la protection instituée par les dispositions précitées. Le moyen tiré de leur méconnaissance doit donc être écarté.

11. A supposer que M. E... ait entendu se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de tels moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux précédemment développés aux points 4, 6 et 8.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. D... C..., président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

Didier C...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX01967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01967
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-21;19bx01967 ?
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