Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... F... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 1802273 du 30 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 avril 2019, Mme F..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 novembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'ensemble des décisions :
- elles sont entachées d'un vice d'incompétence ;
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la réalité des violences conjugales qu'elle a subies est établie ; elle est entachée d'une erreur de droit ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu dès lors notamment que sa fille réside régulièrement en France ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision refusant de l'admettre au séjour ;
- elle méconnaît le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le délai imparti de trente jours méconnaît également le même article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme F... ne sont pas fondés.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... A...,
- et les observations de Me D... représentant Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... F... épouse C..., ressortissante russe, est entrée en France le 24 mai 2013 sous couvert d'un visa valant titre de séjour à la suite de son mariage, le 1er décembre 2012, avec un ressortissant français. Son titre de séjour a été régulièrement renouvelé jusqu'au 23 mai 2017. Le 6 juin 2017, elle a demandé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 29 décembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme F... relève appel du jugement du 30 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Mme F... se borne à reprendre en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). ". L'article L. 313-12 du même code dispose que : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'ordonnance de non conciliation prononcée par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse le 14 décembre 2017, que la communauté de vie entre les époux avait cessé antérieurement à la date de la décision litigieuse. Si l'appelante soutient que cette rupture est consécutive aux violences qu'elle aurait subies de la part de son époux, les déclarations de main courante qu'elle a effectuées les 18 août 2016 et 27 août 2017 et le procès-verbal du dépôt de plainte de sa fille majeure du 5 septembre 2017 relatant les faits qui auraient eu lieu le 6 août 2017 ne peuvent suffire à caractériser l'existence de violences au sens des dispositions précitées. Les courriels que lui adressaient son époux, certes nombreux, ne caractérisent pas davantage, eu égard à leurs termes, l'existence de violences, de même qu'un certificat médical du 3 mai 2016 faisant état d'un " syndrome anxio-dépressif à la suite d'un conflit conjugal " ou la production d'attestations émanant de responsables de structures d'accueil et caritatives, peu circonstanciées et qui ont été postérieurement établies d'après les déclarations de l'intéressée. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme F..., méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Mme F... est entrée récemment en France à l'âge de 42 ans et a été autorisée à y séjourner en raison de son mariage avec un ressortissant français dont elle est dorénavant séparée. Si sa fille majeure réside régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, ce titre ne donne pas à cette dernière vocation à s'y maintenir durablement. Ainsi, rien ne fait obstacle à la poursuite de la vie de Mme F... ailleurs qu'en France, notamment en Russie où elle a vécu la majeure partie de sa vie et y conserve des attaches familiales. Dès lors, le refus de titre de séjour litigieux ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme F... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
7. D'une part, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
8. D'autre part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".
9. Si Mme F... se prévaut des instances civiles et pénales qu'elle a engagées, l'exécution de la décision litigieuse ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse se faire représenter dans ces litiges. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant fixation du pays de renvoi serait privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 29 décembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. B... A..., président-assesseur,
M. David Terme, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
Le rapporteur,
Didier A...Le président,
Marianne Hardy
Le greffier,
Sophie Lecarpentier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01384