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21/11/2019 | FRANCE | N°19BX01375

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 novembre 2019, 19BX01375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1803224 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avr

il 2019, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... G... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1803224 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2019, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai sous astreinte de 80 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de fait ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas état des violences conjugales qu'elle a subies et ne mentionne pas l'ensemble des plaintes qu'elle a déposées à l'encontre de son mari ;

- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors que le préfet a considéré qu'elle n'a pas subi de violences conjugales ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est établi par ces diverses plaintes et mains courantes qu'elle a subi des violences conjugales tant physiques que psychologiques ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle était enceinte et sur le point d'accoucher à la date de l'arrêté attaqué ; son enfant sera éloigné de l'un de ses parents en cas d'exécution de cet arrêté ; son statut de femme divorcée l'isolerait dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2019, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... G... D... épouse C..., ressortissante marocaine, est entrée en France le 22 juin 2016 sous couvert d'un visa long séjour qui lui a été délivré à la suite de la demande de regroupement familial effectuée par son époux, ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident et avec lequel elle s'est mariée le 4 février 2015. Le 8 août 2016, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-marocain. Par un arrêté du 4 juin 2018, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 26 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Si Mme C... soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait dont le préfet aurait entaché sa décision, il résulte cependant de la rédaction même de son mémoire, enregistré le 25 juillet 2018 par le greffe du tribunal administratif de Bordeaux, qu'elle doit être regardée comme ayant invoqué, sous l'intitulé " erreur de fait ", une erreur dans la qualification de ses déclarations et de ses plaintes qui caractérisaient, selon elle, des violences conjugales psychologiques et physiques. Le tribunal administratif de Bordeaux a répondu à ce moyen au point 6 de son jugement. Dès lors, l'omission à statuer alléguée doit être écartée comme manquant en fait.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 juin 2018 :

3. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de Mme C... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Ces indications, qui ont permis à Mme C... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même que l'arrêté ne mentionne pas la nouvelle plainte qu'elle a déposée le 22 mars 2018. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté contesté doit être écarté.

4. Il ne résulte ni de cette motivation, ni des pièces du dossier que le préfet de la Gironde n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme C.... Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté.

5. Si Mme C... invoque, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, l'erreur de fait qui aurait été commise par le préfet, elle précise son moyen en indiquant qu'" une lecture des plaintes (...) démontre de ce que les circonstances invoquées à l'appui de ses déclarations étaient des violences conjugales tant psychologiques que physiques". Compte tenu de ces écritures, un tel moyen relève en réalité de l'erreur d'appréciation. Le moyen tiré de l'erreur de fait, à le supposer soulever, n'est, dès lors, pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder. (...) En outre, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". ".

7. Mme C... fait état de violences conjugales dont elle aurait fait l'objet de la part de son mari. Elle produit au soutien de ses allégations un procès-verbal d'enquête du 11 septembre 2016, relatant les faits commis le 9 septembre 2016 par son mari et pour lesquels il a été condamné pour les faits de dégradations du domicile de son frère et relaxé des faits de menaces de mort, deux dépôts de plainte, du 3 mai 2017 pour des faits de menaces de mort et du 8 novembre 2017 pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, et une déclaration de main courante du 22 mars 2018 pour des faits d'injures et de menaces. Elle se prévaut également d'un certificat médical relatant ses dires sur les faits de violence qu'elle aurait subis à la suite de l'annonce de sa grossesse, qui relève l'absence de lésion traumatique et des signes de déstabilisation psychologique, et d'un certificat d'hébergement du 21 mai 2017 au 29 juin 2017 auprès d'une association d'aides aux femmes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été hébergée par son beau-frère dès son entrée en France, le 22 juin 2016, qui l'a par ailleurs accompagnée au guichet de la préfecture lors de sa demande de titre de séjour. Si le certificat du 9 novembre 2017 corrobore un état psychologique fragile, il ne constate aucune violence physique et n'est pas de nature à établir, dans les termes où il est rédigé, que son état psychologique serait le fait du comportement de son conjoint. Enfin, son mari a été relaxé des faits de menaces de mort à son encontre par un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 12 septembre 2019 et elle n'apporte aucun élément sur les suites ayant été réservées à ses dépôts de plaintes et de mains courantes ultérieurs pour menaces et violences conjugales. Dans ces conditions, Mme C... ne produisant pas d'éléments suffisamment précis et circonstanciés de nature à corroborer la réalité des violences conjugales alléguées, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Pour les mêmes motifs le préfet de la Gironde n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Mme C... fait valoir qu'à la date de l'arrêté en litige elle était sur le point d'accoucher et que, malgré les circonstances, son mari a reconnu l'enfant de sorte qu'un éloignement aurait pour conséquence de le séparer de son enfant. Toutefois, l'arrêté attaqué n'implique pas que l'intéressée soit séparé de son enfant. De plus, elle ne réside plus avec son mari depuis le mois de novembre 2017 et aucune pièce du dossier ne permet d'établir que celui-ci aurait manifesté le désir de s'occuper de l'enfant. Par ailleurs Mme C..., qui n'apporte aucun élément permettant de laisser supposer qu'en raison de son statut de femme divorcée elle ne pourrait pas poursuivre normalement sa vie privée et familiale au Maroc, n'est pas isolée dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté son état de santé faisait obstacle à ce qu'elle puisse voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, ni le refus de séjour ni la décision l'obligeant à quitter le territoire dans le délai d'un mois ne peuvent être regardés comme ayant été de nature à porter au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte disproportionnée eu égard aux motifs du refus et aux buts poursuivis par la mesure d'éloignement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour et la mesure d'éloignement ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2018. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme E... B..., président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le président-rapporteur,

Marianne B... Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01375
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : TREBESSES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-21;19bx01375 ?
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