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21/11/2019 | FRANCE | N°17BX04011

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 21 novembre 2019, 17BX04011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 septembre 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a implicitement refusé de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 22 357,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1605063 du 20 novembre 2017, le tr

ibunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 11 septembre 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a implicitement refusé de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 22 357,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1605063 du 20 novembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 décembre 2017 et les 30 mai, 16 juillet et 30 août 2018, Mme B... D..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 novembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 11 septembre 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Bordeaux a implicitement refusé de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle prévue à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;

3°) de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant global de 22 357,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle a été victime ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Bordeaux de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle et d'ordonner une enquête administrative sur les faits de harcèlement moral dont elle a été victime ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a subi des faits de harcèlement moral de la part notamment de parents d'élèves, à compter du mois de juin 2007, qui a conduit à une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, sans aucun soutien ni du directeur de l'établissement d'enseignement privé sous contrat d'association dans lequel elle exerce comme enseignante, ni de la fédération régionale des " calandretas " à laquelle l'établissement est affilié, ni encore des services de l'académie de Bordeaux ;

- le recteur a commis une faute en refusant de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle à son égard ;

- elle a subi des préjudices en raison des conséquences du harcèlement moral sur sa santé, son intégrité professionnelle et sa carrière qui doivent être indemnisés à hauteur de 17 000 euros ainsi qu'une perte de revenus d'un montant de 5 357,30 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Initialement employée, depuis le 1er septembre 2001, par l'association " Los amics de l'escola occitana pergosina calandreta ", par contrat emploi-jeune, pour exercer les fonctions d'enseignante en occitan, Mme D... a été recrutée, à compter du 1er septembre 2005, en qualité de maître contractuel de l'enseignement privé, rémunérée sur l'échelle de rémunération des professeurs des écoles, et affectée à la " Calendreta pergosina ", établissement d'enseignement privé sous contrat d'association, situé à Périgueux (Dordogne). Par lettre reçue le 11 juillet 2016, elle a demandé au recteur de l'académie de Bordeaux de mettre en oeuvre la protection à laquelle l'administration est tenue envers ses agents contre les agissements de harcèlement moral dont elle s'estimait victime et de l'indemniser des préjudices qu'elle aurait subis. Elle relève appel du jugement du 20 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée et, d'autre part, à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité d'un montant global de 22 357,30 euros en réparation des préjudices, tant matériel que moral, qu'elle estime avoir subis.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires.". Aux termes de l'article 6 quinquiès de la même loi : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour soutenir qu'elle a été victime, à compter du mois de juin 2007, de faits de harcèlement moral, Mme D... fait valoir que ses méthodes d'enseignement et son investissement professionnel ont fait l'objet de critiques agressives, calomnieuses et diffamatoires de la part de parents d'élèves, qu'elle a été progressivement mise à l'écart par la direction de l'établissement scolaire, par la perte de la responsabilité d'une classe, sans obtenir de soutien de la fédération régionale des " calandretas ", auquel l'établissement est affilié et qui a même mis en cause son intégrité professionnelle, et sans que ni l'inspecteur de l'éducation nationale, ni la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Dordogne, qu'elle a sollicités respectivement en 2013 et 2014, n'interviennent.

5. Il ressort des pièces du dossier que les relations conflictuelles entre quelques parents d'élèves et Mme D... antérieurement à l'année scolaire 2012-2013 ne présentent pas un caractère répété et de gravité tel que les faits invoqués par l'appelante puissent être qualifiés de harcèlement moral. L'intéressée mentionne d'ailleurs elle-même que l'année scolaire 2011- 2012 s'est déroulée convenablement. La lettre du 11 avril 2013, par laquelle des parents d'élèves de la classe de grande section de maternelle et de cours préparatoire dont Mme D... avait la responsabilité ont saisi la fédération régionale des " calandretas " et la directrice académique des services de l'éducation nationale de la Dordogne des inquiétudes que soulevaient les pratiques pédagogiques de l'intéressée, notamment l'usage de sanctions inappropriées telles que l'isolement, une attitude discriminatoire et humiliante vis-à-vis des élèves en difficulté, l'interdiction pour des enfants âgés de cinq et six ans de se rendre aux toilettes pendant la classe ou encore un défaut d'aide personnalisée, ne saurait pas davantage, eu égard notamment aux termes employés, être constitutive d'un harcèlement moral. D'ailleurs, Mme D... a pu répondre aux différents reproches qui lui étaient adressés auprès de l'inspecteur de l'éducation nationale, lequel l'a rencontrée à plusieurs reprises et a effectué une visite de l'école en juin 2013 au cours de laquelle il a pu adresser des préconisations à l'équipe pédagogique. Mme D... a ensuite fait l'objet, en décembre 2013, d'une inspection dont les conclusions soulignent le sérieux de l'enseignante mais également les compétences à renforcer pour concevoir et mettre en oeuvre son enseignement et travailler en équipe. Si, à la rentrée scolaire 2013, Mme D... s'est vu confier les sections de maternelles et non plus la classe de grande section / cours préparatoire, puis si, à compter de la rentrée 2014, elle n'a plus exercé la responsabilité d'une classe pour assurer, au titre du dispositif " plus de maîtres que de classes ", un renfort pédagogique en occitan en appui des deux classes conservées, il ressort des pièces du dossier que cette réorganisation visait à répondre à la baisse des effectifs d'élèves tout en apaisant les tensions au sein de l'établissement. Enfin, en demandant auprès du recteur, en début d'année 2015, la saisine du comité médical départemental, compte tenu des difficultés rencontrées et des congés de maladie prescrits à l'intéressée, la fédération régionale des " calendretas " n'a pas excédé les limites de l'exercice normal de ses pouvoirs de direction de l'école. Dans ces conditions, les agissements allégués par Mme D... ne sont pas constitutifs de harcèlement moral. Par suite, le recteur a pu légalement rejeter sa demande de protection fonctionnelle.

6. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du refus de protection fonctionnelle qui lui a été opposée par le recteur et, d'autre part, à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. C... A..., président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX04011


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17BX04011
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statuts spéciaux - Enseignants (voir : Enseignement et recherche).

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-21;17bx04011 ?
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